Question de M. BIWER Claude (Meuse - UC-UDF) publiée le 19/05/2005

M. Claude Biwer demande à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale de préciser la suite que le Gouvernement envisage de réserver aux conclusions d'une récente étude réalisée, à sa demande, par un cabinet de conseil portant sur les facteurs déterminants de délocalisation. Celle-ci a identifié six facteurs déterminants de délocalisation et préconise plusieurs actions visant à lutter de manière plus efficace contre ce phénomène et, parmi celles-ci, des mesures d'aménagement du territoire tournées vers les coopérations et le maintien des activités en zones rurales.

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Réponse du Ministère délégué à la cohésion sociale et à la parité publiée le 05/10/2005

Réponse apportée en séance publique le 04/10/2005

M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans l'inconscient collectif des Français, le risque de délocalisation des activités d'un très grand nombre d'entreprises, y compris de celle au sein de laquelle ils exercent leurs propres activités professionnelles, constitue incontestablement une très grande source d'inquiétude, inquiétude qui s'est, au demeurant, exprimée lors du référendum sur le traité constitutionnel européen.

Nous ne disposons pas, malheureusement, de statistiques fiables décrivant de manière précise le nombre d'emplois qui a pu être supprimé ou non créé du fait des délocalisations. Mais, voilà quelques mois, la direction de la prévision du ministère des finances estimait à 800 000 les postes de travail potentiellement menacés, soit 3,4 % de l'emploi total en France.

D'autres estimations paraissent plus optimistes, mais, comme le notait l'IGAS dans un rapport non rendu public qu'elle a remis au Gouvernement, « la délocalisation des activités de services revêtira, à l'avenir, une importance croissante ».

Au demeurant, l'on constate de plus en plus que les suppressions d'emplois envisagées par de grands groupes internationaux en France ne concernent plus seulement des emplois peu ou non qualifiés, mais également, et de plus en plus, des emplois d'ingénieurs ou de techniciens hautement qualifiés.

S'agissant des causes majeures des délocalisations, le Cabinet Altédia a remis au Gouvernement un rapport quelque peu décoiffant. Il estime qu'elles sont dues, pour l'essentiel, au besoin ressenti par l'entreprise de se rapprocher des marchés en croissance en Europe de l'Est et en Asie, mais aussi au coût du travail, la France ne pouvant rivaliser sur ce point avec ces derniers pays.

Sont également en cause le coût de la disponibilité des matières premières et, plus surprenant, l'image négative de la France qui pousserait de nombreux dirigeants étrangers à choisir d'autres pays pour leurs investissements, tant ils sont persuadés que l'environnement des affaires en France est devenu trop mauvais. En revanche, les trente-cinq heures, pourtant dévastatrices, et la fiscalité semblent peu citées, sinon à titre de simple rappel.

S'agissant des remèdes, l'IGAS recommande un ciblage des aides publiques sur les projets les plus innovants. Elle affirme que les soutiens doivent plutôt se concentrer sur le financement d'investissements que compenser l'écart des coûts de production entre la France et l'étranger.

Elle estime que la création d'un crédit de taxe professionnelle dans les zones d'emploi en difficulté devrait concerner, au-delà du secteur de l'industrie, celui des services, où les menaces de délocalisation apparaîtront de plus en plus importantes. Nous rejoignons là des questions qui ont été évoquées tout à l'heure.

Il estime aussi qu'il conviendrait de renforcer les aides destinées au redéploiement des activités à très forte valeur ajoutée en France.

Quant à Altédia, il préconise également des actions en faveur de l'innovation, une politique monétaire et commerciale européenne plus favorable à l'emploi et des mesures d'aménagement du territoire tournées vers les coopérations décentralisées et le maintien des activités en zone rurale.

L'aménagement du territoire et le développement d'activités dans les zones transfrontalières et rurales sont pour moi des préoccupations constantes : je suis heureux qu'un grand cabinet d'audit parisien ait eu la présence d'esprit de le souligner également, mais je serai plus heureux encore lorsque les pouvoirs publics comprendront, eux aussi, que cette logique est primordiale pour le devenir de nos régions.

La proximité géographique de mon département comme de ma propre commune avec la Belgique, le Luxembourg et l'Allemagne m'apporte journellement le témoignage que la compétition est très difficile. Aussi, je crois que l'adoption de mesures particulières, par exemple la mise en place de zones franches, est indispensable si nous voulons rivaliser avec le dynamisme de nos voisins. Nos zones rurales ont, elles aussi, besoin de telles mesures pour pouvoir espérer encore en leur avenir.

Puisse le Gouvernement entendre toutes ces propositions et leur réserver une suite favorable, car elles me semblent frappées au coin du bon sens.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Jean-Louis Borloo.

Comme vous le décriviez à l'instant, les délocalisations ont fait depuis plusieurs années l'objet de nombreux débats et ont suscité l'inquiétude de l'opinion publique. C'est la raison pour laquelle, en 2004, le Gouvernement a souhaité disposer d'éléments supplémentaires. Tel est le sens du rapport qui a été commandé au cabinet Altédia.

Ce document a notamment montré que certaines décisions de délocalisation étaient intervenues dans un contexte de relatif isolement de l'entreprise, parfois insuffisamment informée des risques associés à la délocalisation, et qu'une meilleure insertion dans un réseau local, constitué en s'appuyant par exemple sur des systèmes productifs locaux, aurait pu contribuer à mieux l'« arrimer », en quelque sorte, à son territoire d'origine.

Cette préconisation a d'une certaine façon rejoint la volonté du Gouvernement de poser les bases d'une nouvelle stratégie industrielle et territoriale, fondée sur l'encouragement de toutes les formes de coopération interentreprises, et d'un renforcement sans précédent des dispositifs permettant d'anticiper et d'accompagner les reconversions des personnes et des territoires.

Cette volonté gouvernementale s'est traduite par la relance, dès l'automne 2004, de la politique industrielle et territoriale de notre pays, politique qui s'est depuis concrétisée par l'identification de soixante-sept pôles de compétitivité et par la création de l'Agence pour l'innovation industrielle et de l'Agence nationale pour la recherche, ouvertes très récemment à Reims, tout près de votre département, monsieur le sénateur. La mise en place des pôles s'est réalisée à travers un appel à projets qui a témoigné tant de la vitalité que de la créativité de nos concitoyens, puisque cent cinq projets ont été candidats à la labellisation.

Parmi ces soixante-sept pôles, quinze ont déjà ou auront très prochainement un rayonnement international et disposent d'un potentiel de plusieurs milliers de chercheurs.

Quant à la cinquantaine de pôles à vocation nationale, ils reflètent la diversité de nos activités, notamment de celles qui sont implantées en milieu rural autour de projets développés dans les secteurs de l'agroalimentaire, et doivent permettre de renforcer notre base industrielle dans une économie ouverte.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je remercie Mme la ministre : des voies existent effectivement, et nous souhaitons les emprunter ensemble.

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