Question de M. de RAINCOURT Henri (Yonne - UMP) publiée le 01/07/2005

Question posée en séance publique le 30/06/2005

M. Henri de Raincourt. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, ce n'est ni par hasard ni par fantaisie que la France a toujours considéré que, pour des raisons économiques, sociales, culturelles et territoriales, son agriculture représentait un élément fondateur de sa substance.

Il ne faut pas s'étonner que, depuis plus de quarante ans, l'agriculture soit demeurée une force pour l'Union européenne.

M. René-Pierre Signé. Labourages et pâturages !

M. Henri de Raincourt. Pilier de l'union à six dans un contexte de pénurie alimentaire et élément central des élargissements successifs, la politique agricole commune a permis d'assurer à l'Europe son autosuffisance alimentaire et de garantir aux consommateurs une production de qualité, sans parler de ses capacités exportatrices.

M. René-Pierre Signé. Il a 900 hectares !

M. Henri de Raincourt. Pourtant, malgré ces succès indéniables, la politique agricole commune fait aujourd'hui l'objet d'une remise en cause de la part de certains pays membres - et même parfois dans notre pays hélas ! -, au premier rang desquels la Grande Bretagne, qui prend aujourd'hui la présidence de l'Union.

M. René-Pierre Signé. Accélérez !

M. Henri de Raincourt. Cette remise en cause, outre qu'elle s'appuie sur des contrevérités, aurait pour effet une transformation brutale de notre agriculture.

En réalité, il est faux de prétendre que la politique agricole commune ne profite qu'à 4 % des Européens. En effet, l'ensemble de la filière agroalimentaire représente deux fois plus d'emplois que les actifs agricoles proprement dits, sans compter tous les emplois induits.

Au demeurant, les Britanniques sont-ils les mieux placés pour donner des leçons en matière de politique agricole et de rigueur budgétaire sur la PAC ? L'Europe n'a pas oublié qu'elle a payé au prix fort les erreurs britanniques, notamment dans la crise de la vache folle et celle de la fièvre aphteuse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. La question !

M. Henri de Raincourt. Alors que depuis un demi-siècle le monde agricole a montré de formidables capacités d'adaptation pour répondre aux attentes de l'Union européenne, la remise en cause des fondements de la politique agricole commune réduirait la visibilité des agriculteurs pour l'avenir et susciterait la désespérance, antichambre de la violence.

Aussi serait-il utile, monsieur le Premier ministre, de connaître les intentions de votre gouvernement face à ces attaques et de savoir quel message vous souhaitez délivrer à l'intention des agriculteurs, premiers acteurs de l'ensemble de la chaîne agroalimentaire, mais également architectes des paysages qui ont fait de la France et de ses campagnes le pays enchanté, loué par ses habitants et ses nombreux visiteurs étrangers. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 01/07/2005

Réponse apportée en séance publique le 30/06/2005

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur de Raincourt, vous avez raison de faire appel au lyrisme quand vous parlez de notre agriculture. Nous savons en effet tout ce que nous lui devons.

Vous avez parlé en grand connaisseur du milieu agricole, et je vous en remercie.

N'ayez aucun souci : le Président de la République et le Gouvernement sont conscients de l'enjeu essentiel que représente l'agriculture française pour la France, mais aussi pour l'Europe. C'est un atout que nous voulons défendre.

M. Robert Del Picchia. Très bien !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. La politique agricole commune constitue l'une des forces de l'Europe. Il ne faut pas oublier que l'agriculture a donné à l'Europe son indépendance. Voilà quarante ans, l'agriculture européenne n'était pas autonome et ne pouvait satisfaire notre exigence d'indépendance en la matière.

En quarante ans, nous avons donc rattrapé le temps perdu : aujourd'hui, l'Europe est la deuxième puissance agricole au monde.

La politique agricole commune est également un atout pour notre pays, et ce à plusieurs titres. De ce point de vue, nous ne devons pas bouder notre satisfaction et fuir notre responsabilité.

Vous le savez, monsieur le sénateur, c'est d'abord un atout pour notre emploi : les filières agricoles et agroalimentaires représentent 2,5 millions d'emplois dans notre pays.

M. René-Pierre Signé. Il n'y a toujours pas de réponse !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. C'est ensuite un atout économique : la France est le premier exportateur de produits transformés au monde. Or, quand on est champion du monde, on ne laisse pas sa place, on assume ses responsabilités ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

Allons-nous renoncer à ces atouts, à cette responsabilité à l'égard de notre planète, alors qu'il y a plus de 6 milliards d'hommes, de femmes et d'enfants à nourrir ? Aujourd'hui, les Etats-Unis ambitionnent d'être les seuls maîtres du « pouvoir vert ». Nous serions à la fois bien naïfs et bien irresponsables de ne pas agir : nous tiendrons notre rang et nous assumerons notre responsabilité pleine et entière dans ce domaine.

La politique agricole commune est également un atout pour le développement économique de nos territoires. Nous ne l'oublions pas, l'identité de notre pays est profondément marquée par notre agriculture. Les Français sont attachés à leurs territoires, à leurs terroirs. Nous pouvons le constater tous les week-ends : ils aiment se rendre dans ces lieux, qui sont la marque de leur identité.

La politique agricole commune est enfin une chance pour l'avenir. Ce serait une profonde erreur d'imaginer que l'agriculture appartient à un passé lointain. Elle garantit la sécurité de ce que nous mangeons et de ce que nous produisons, sécurité à laquelle nous sommes très attachés. Les Français souhaitent en effet connaître aujourd'hui l'origine et la traçabilité des produits qui sont dans leur assiette, ainsi que leur chaîne de fabrication et de distribution. Il faut le rappeler, la France est leader dans le domaine de la sécurité alimentaire.

M. Henri de Raincourt. Exactement !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Le poulet asiatique, la vache folle, ce n'est pas chez nous ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

En outre, l'agriculture est respectueuse de l'environnement et de l'équilibre de nos paysages. Cette tradition-là, nous en sommes aussi comptables. Elle fait partie de notre héritage.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Le 11 juillet prochain, je recevrai les principaux représentants des organisations agricoles, afin de préparer avec eux les prochaines échéances, qu'il s'agisse du projet de loi d'orientation agricole ou de l'Organisation mondiale du commerce. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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