Question de M. TRILLARD André (Loire-Atlantique - UMP) publiée le 07/07/2005

M. André Trillard attire l'attention de M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer sur les difficultés auxquelles sont confrontés les agriculteurs des zones rurales littorales en raison de l'application de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral et, en particulier, les dispositions de l'article L. 146-4 du code rural. Ainsi, dans le seul département de la Loire-Atlantique plus d'une trentaine de communes sont concernées par les problèmes d'application de la loi « Littoral », soit environ 900 exploitations agricoles. Les « effets pervers » de la loi « Littoral » ont été amplement exposés lors de la discussion au Sénat de la loi sur le développement des territoires ruraux, en janvier dernier, de telle sorte que le précédent gouvernement avait annoncé la parution d'une circulaire explicitant les conditions dans lesquelles doit être appliquée la loi, en prenant en compte l'ensemble des évolutions récentes de la jurisprudence. Annonçant la création prochaine d'un Conseil national du littoral, le Gouvernement s'est engagé à ce que les dispositions réglementaires nécessaires soient prises rapidement afin que les dispositions de la loi puissent être applicables dans les meilleurs délais. Ces déclarations n'ayant pas été suivies d'effets, il lui demande si le nouveau gouvernement envisage de tenir les engagements pris et de mettre enfin en oeuvre les moyens annoncés, ainsi que de réunir, au plus vite, un groupe de travail composé notamment des représentants des professionnels concernés pour faire les propositions d'assouplissement qui s'imposent et ne pas laisser au seul juge administratif l'interprétation de la portée des dispositions qualifiant les espaces proches du littoral.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 26/10/2005

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2005

M. André Trillard. Monsieur le ministre, le vote à l'unanimité des parlementaires de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi littoral, témoignait du consensus existant autour de l'urgence qu'il y avait à prendre des dispositions pour sensibiliser les acteurs locaux et l'opinion à la préservation d'un capital de plus en plus menacé, cela sans renoncer pour autant aux impératifs du développement économique.

Si, aujourd'hui, l'unanimité demeure plus que jamais s'agissant des objectifs fixés par ce texte, tous les élus concernés s'accordent à reconnaître que cette loi, souvent imprécise et dont plusieurs décrets d'application ont été tardifs, incomplets et contestés, a donné lieu à une jurisprudence génératrice de situations aberrantes, voire explosives.

Cette loi a donc eu pour conséquence des situations aberrantes, dans la mesure où les propriétaires de terrains jusque là constructibles, au terme de règlements d'urbanisme avalisés par l'administration, se voient brusquement privés de toute possibilité d'édifier quelque construction que ce soit, individuelle ou professionnelle, parfois en raison de l'interprétation restrictive donnée par les services de l'Etat au mot « village ».

Pire encore, des permis de construire délivrés le plus régulièrement possible se voient frappés de nullité à la suite d'un arrêt de la jurisprudence administrative interprétant a minima un article trop imprécis.

La loi littoral a également eu pour conséquence des situations explosives. Indépendamment des légitimes réactions des particuliers ou des professionnels concernés, chez les élus désavoués, l'incompréhension engendre une colère justifiée.

Je bornerai ici mon propos aux difficultés auxquelles se trouvent aujourd'hui confrontés les agriculteurs des zones rurales littorales, en particulier en raison de l'application de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme.

Cet article prévoit une dérogation permettant de construire en discontinuité pour les seuls cas d'installations classées. Or nombreuses sont les exploitations proches du littoral qui, telles les serres, ne sont pas considérées comme des installations classées et qui ne peuvent, par conséquent, pas bénéficier d'une dérogation.

Dans le seul département de la Loire-Atlantique, 34 communes sont concernées par les problèmes d'application de la loi littoral : 19 communes littorales maritimes, 9 estuariennes, mais aussi les 6 communes riveraines du lac de Grand Lieu, sur le pourtour duquel 90 exploitations agricoles sont également concernées.

Les effets pervers de la loi littoral ont été amplement exposés lors de la discussion au Sénat de la loi relative au développement des territoires ruraux, en janvier dernier : gel du développement des exploitations agricoles, frein à l'installation des jeunes agriculteurs, engorgement des circuits administratifs et contentieux, insécurité juridique pour les maires qui délivrent des permis de construire susceptibles d'être annulés après intervention du juge administratif.

Lors de la discussion de cette loi, le précédent gouvernement avait annoncé, d'une part, la parution d'une circulaire explicitant les conditions dans lesquelles doit être appliquée la loi, en prenant en compte l'ensemble des évolutions récentes de la jurisprudence et en particulier l'arrêt du Conseil d'Etat « Mme Barrière » du 3 mai 2004. Les élus devaient, en outre, être destinataires d'une plaquette d'explication de la circulaire, dont le texte aurait dû être élaboré avant l'été 2005.

Le Gouvernement avait annoncé, d'autre part, la création d'un Conseil national du littoral, qui devait être saisi très rapidement des propositions contenues dans les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat, notamment celui de MM. Patrice Gélard et Jean-Paul Alduy de juillet 2004.

Le Gouvernement s'était engagé à ce que les dispositions réglementaires nécessaires soient prises rapidement afin que les dispositions de la loi puissent être réellement applicables dans les meilleurs délais. Or, force est de constater, dix mois plus tard, que nous n'avons été informés d'aucune mesure.

Ma question, dès lors, est simple : le Gouvernement va-t-il tenir les engagements pris et mettre en oeuvre rapidement les moyens annoncés ?

En effet, monsieur le ministre, préciser certains points de la loi littoral pour éviter les dérives jurisprudentielles contraires à l'esprit du législateur, ce n'est pas porter atteinte à un texte dont personne ne nie le bien-fondé : c'est au contraire le conforter en le mettant à l'abri des critiques justifiées, nées d'interprétations ayant pour origine une méconnaissance des réalités du terrain.

A cet égard, quelle suite donnerez-vous à une proposition très concrète, consistant à réunir au plus tôt un groupe de travail composé notamment d'élus et de représentants des professionnels concernés, afin de faire les propositions d'aménagement qui s'imposent et de ne pas laisser au seul juge administratif l'interprétation de la portée des dispositions qualifiant les espaces proches du littoral ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je vous répondrai au nom de M. Dominique Perben, qui n'a pu être présent ce matin.

Votre question est très importante, car elle porte sur la compatibilité entre, d'une part, le développement de l'activité économique et agricole et, d'autre part, la protection nécessaire de l'environnement et du littoral.

Elle est aussi utile, dans la mesure où vous nous faites part des retards que vous avez pu constater dans l'application de la loi littoral. Il est donc normal que l'on se mobilise autour de cette question.

Le Gouvernement a affirmé, lors du débat sur la loi relative au développement des territoires ruraux, sa volonté de ne pas remettre en cause la loi littoral, qui assure un juste équilibre entre les impératifs de protection du littoral et les nécessités, tout aussi légitimes, de développement de ce dernier.

Comme vous l'avez observé, un certain nombre de dispositions de la loi littoral, parce qu'elles sont exprimées dans des termes généraux, créent des difficultés d'interprétation pour les communes littorales, et nous le reconnaissons.

L'article L.146-4 du code de l'urbanisme, et plus particulièrement la notion d'« espaces proches du rivage » qu'il contient, est source de difficultés juridiques. Néanmoins, l'évolution récente de la jurisprudence a permis de clarifier cette notion.

Par ailleurs, la loi relative au développement des territoires ruraux précise que le paragraphe I de l'article L.146-4, selon lequel l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, soit en continuité des agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, « ne fait pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d'origine animale ne soient pas accrus ».

Ces évolutions devraient permettre d'assurer la pérennité et le développement des exploitations agricoles dans les communes littorales.

M. Gilles de Robien, alors ministre de l'équipement, avait demandé à ses services de préparer une circulaire explicitant de façon plus précise les conditions dans lesquelles doit être appliquée la loi.

Cette circulaire, dont la parution est urgente et que vous attendez, est en cours de rédaction. Elle prendra en compte l'ensemble des évolutions récentes de la jurisprudence et sera accompagnée d'une plaquette d'explication à l'usage des élus.

Elle s'inscrit parfaitement dans les orientations fixées par le Président de la République à La Rochelle, le 18 juillet dernier, lors du trentième anniversaire du Conservatoire du littoral.

Enfin, comme vous l'avez rappelé, la loi relative au développement des territoires ruraux a créé un Conseil national du littoral. Le décret fixant sa composition est en cours de signature. C'est dans le cadre de ce conseil qu'une réflexion sur les questions de gestion intégrée du littoral pourra être utilement menée.

Vous pouvez compter sur moi, monsieur le sénateur, pour faire part à Dominique Perben, qui en est d'ores et déjà parfaitement conscient, de l'urgence que vous estimez requise pour l'installation de ce conseil, ainsi que pour la parution de la circulaire et l'édition de la plaquette d'explication.

M. le président. La parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Monsieur le ministre, vous m'avez rassuré. Je souhaite simplement que la loi littoral connaisse le même succès que la loi montagne, qui, très riche en apports, a dû être adaptée à un moment donné. En effet, en tant que législateurs, nous ne pouvons pas confier l'avenir de nos territoires à la seule jurisprudence.

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