Question de Mme LÉTARD Valérie (Nord - UC-UDF) publiée le 10/11/2005

Mme Valérie Létard attire l'attention de M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille sur les décrets d'application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et plus précisément sur son volet accessibilité. Sans nul doute, la loi du 11 février 2005 contient de véritables avancées qui ont soulevé de légitimes espoirs de voir cette question restée trop longtemps ignorée, avancer de manière significative. Mais le contenu des premiers projets de décrets d'application sur lesquels les associations ont été consultées n'a pas manqué de susciter un grand nombre d'inquiétudes quant à la portée réelle des textes réglementaires. En effet, il semble que les décrets tendent à appliquer la loi du 11 février 2005 d'une manière excessivement restrictive, ce qui a pour conséquence de ne pas élever d'une façon suffisamment volontariste les obligations réglementaires en matière d'accessibilité, par rapport au dispositif existant. On peut en citer quelques exemples : d'une part, les textes en vigueur n'imposent l'obligation d'un ascenseur que pour les immeubles de plus de trois étages. A priori ce seuil ne serait pas modifié, de même que ne seraient pas imposées les réserves d'ascenseur permettant d'installer ultérieurement ce type d'équipement partout. D'autre part, concernant le cadre bâti existant, les décrets ne semblent porter que sur les bâtiments d'habitation collectifs, à l'exclusion des maisons individuelles alors qu'une telle distinction n'est pas mentionnée dans la loi. Enfin, en matière de transports publics, il est prévu qu'en cas d'impossibilité technique avérée d'adapter les infrastructures, des services de substitution seront organisés. Mais l'intention de créer une instance indépendante chargée d'apprécier le motif de la dérogation ne serait pas à l'ordre à jour. En tout état de cause, les inquiétudes des associations sont fortes. C'est pourquoi elle lui demande de lui apporter l'assurance que les décrets définitifs respecteront bien l'impulsion que le législateur a souhaité donner en matière d'accessibilité.

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 21/12/2005

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2005

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, auteur de la question n° 862, adressée à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, la préparation des décrets d'application de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a donné lieu à un intense travail mené en concertation entre vos services et les associations concernées.

J'avais déposé cette question au mois d'octobre afin de relayer les très grandes inquiétudes qu'a suscitées chez ces dernières la première mouture de ces textes d'application, en particulier s'agissant de l'accessibilité. Les associations jugeaient en effet que ces décrets se situaient très en retrait par rapport aux obligations et à l'esprit de la loi.

Aussi, monsieur le ministre, je suis heureuse que, à la suite d'un premier avis défavorable du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, la copie ait été largement revue, action que je porte à votre crédit. Les avancées sur le cadre bâti neuf, notamment, sont tout à fait importantes, qu'il s'agisse de la réserve d'ascenseur, de l'installation de siphons de sol ou de la possibilité de réserver un logement accessible et adaptable dans chaque programme de logements.

Le CNCPH devrait se prononcer très prochainement sur la dernière version de ces décrets d'application.

Si les avancées sont indéniables, il reste toutefois un point sur lequel la loi a ouvert des possibilités que les textes d'application ne reprennent pas, à savoir la faculté de déférer plus rapidement à l'obligation d'accessibilité, fixée à dix ans. Le raccourcissement de ces délais, s'agissant en particulier des établissements recevant du public et assurant une mission de service public ainsi que des commerces de proximité, serait un signal fort de la volonté de l'État de remplir au mieux l'engagement qu'avait pris le Président de la République lorsqu'il a déclaré la cause du handicap comme l'une de ses trois grandes priorités.

Les personnes handicapées attendent en effet de cette nouvelle loi des mesures concrètes qui améliorent leur vie quotidienne. Sans méconnaître les difficultés qui résulteraient de cet effort - il faudrait en effet aider les petits commerces pour les inciter à être accessibles -, on peut assurer que la possibilité pour ces personnes d'accomplir chaque geste de la vie quotidienne - acheter son pain, aller à la banque, faire ses courses - sans que cela soit une course d'obstacles constituerait un pas décisif vers une véritable égalité de traitement.

Monsieur le ministre, afin d'aller au bout de la démarche engagée avec la loi du 11 février 2005, quelles initiatives comptez-vous prendre pour utiliser la possibilité ouverte par la loi de fixer des délais intermédiaires en matière d'accessibilité ?

M. le président. Les collectivités territoriales font aussi beaucoup d'efforts pour permettre aux handicapés d'emprunter les transports en commun. La ville de Marseille y consacre ainsi 2 millions d'euros par an.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, j'ai eu l'occasion de me rendre dans plusieurs villes de France, dont la ville de Marseille. Je tiens à rendre hommage au travail qui y est effectué pour favoriser l'accessibilité des personnes handicapées. Je le fais d'autant plus volontiers qu'on reçoit toujours le meilleur accueil dans cette excellente ville. (Sourires.)

Madame la sénatrice, la loi du 11 février 2005, voulue par le Président de la République, fait partie de ces grandes lois de la République. C'est une loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Son ambition est donc immense.

Ayant pris en charge la politique du handicap au mois de juin, j'ai bien sûr eu à coeur que soient publiés le plus rapidement possible les décrets d'application les plus importants de la loi. À cette fin, j'ai engagé une intense concertation avec les représentants des personnes handicapées, mais aussi avec l'Assemblée des départements de France, laquelle est particulièrement concernée par la mise en oeuvre de la loi.

Comme je l'ai rappelé à l'instant, les principaux décrets d'application sont actuellement pris ou seront pris dans les prochaines semaines. Ce matin même, divers décrets ont été publiés au Journal officiel : il s'agit du décret relatif à la prestation de compensation à domicile pour les personnes handicapées, du décret relatif au montant et aux modalités de versement des concours dus aux départements au titre de la prestation de compensation et du fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, du décret relatif à la maison départementale des personnes handicapées et du décret relatif à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.

Aujourd'hui, se tient une réunion très importante du Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui est en quelque sorte l'assemblée des représentants des associations de personnes handicapées. Ayant déjà eu à délibérer plusieurs fois sur des questions d'accessibilité, il doit se prononcer sur les décrets y étant relatifs. Il y a déjà travaillé à plusieurs reprises, sans pour autant avoir rendu d'avis définitif à ce jour.

Vous m'interrogez sur la traduction réglementaire du principe d'accessibilité généralisée introduit par la loi du 11 février 2005.

Ce principe d'accessibilité est, avec le droit à compensation, au coeur de la loi. C'est une condition de la citoyenneté et de la participation à la vie sociale des personnes handicapées.

Le législateur a souhaité doter notre pays d'une législation ambitieuse en matière d'accessibilité du cadre bâti. Le projet de décret qui est soumis aujourd'hui pour avis au Conseil national consultatif des personnes handicapées est fidèle à cette ambition.

Les principales avancées portées par la loi sont scrupuleusement traduites dans les textes réglementaires. Le sont tout particulièrement l'extension de l'obligation d'accessibilité à tous les handicaps, qu'ils soient physiques, sensoriels, mentaux, psychiques et cognitifs, l'accessibilité de tous les bâtiments neufs, y compris les maisons individuelles, à l'exception de celle qu'un propriétaire construit pour son propre usage, la mise en accessibilité des logements existants à l'occasion de travaux de rénovation et de tous les établissements recevant du public, et ce dans un délai de dix ans.

Cette législation est très stricte puisqu'elle prévoit des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à 75 000 euros d'amende et six mois d'emprisonnement en cas de méconnaissance des obligations réglementaires.

Le Gouvernement a entendu les demandes dont vous faites état, demandes qui avaient été exprimées par les associations au cours de la concertation. Cette dernière a débuté avant l'été dans le cadre de groupes de travail regroupant à la fois les associations de personnes handicapées et l'ensemble des représentants des professions concernées.

La particularité de la législation sur l'accessibilité est qu'elle repose non seulement sur l'État, mais encore sur l'ensemble des propriétaires de bâtiments : particuliers, entreprises, collectivités locales, institutions diverses. Il s'agissait ainsi de concilier l'exigence d'accessibilité avec l'impératif du développement de la construction, surtout en matière de logements. Cette concertation se poursuit depuis plusieurs semaines dans le cadre du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Elle a permis d'améliorer considérablement les textes et d'apporter de nombreuses réponses aux inquiétudes des associations, s'agissant notamment de l'obligation de prévoir un ascenseur. Si une telle obligation n'a finalement pas été prévue pour les immeubles de moins de trois étages, les coûts induits pour les petits propriétaires étant trop importants, le décret impose désormais de prévoir une réserve pour une installation ultérieure dans les immeubles d'habitation de vingt-quatre logements et dans tous ceux qui comportent quinze logements, s'il n'existe pas au moins deux offres de logement accessible dans l'immeuble.

À la demande des associations, des délais raccourcis vont également être fixés pour la mise aux normes des établissements recevant du public.

Dans tous les domaines, nous nous efforcerons de donner tout son sens à cette obligation d'accessibilité.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Je tiens à remercier M. le ministre de sa réponse et de l'accélération qu'il vient de donner à la mise en oeuvre des décrets d'application.

En tout cas, vous nous avez rassurés s'agissant de la question du raccourcissement des délais et de la réglementation applicable aux services et équipements publics.

Pour ma part, monsieur le ministre, je comprends combien il doit être difficile de traiter d'une question aussi transversale que le handicap, qui peut concerner tous les ministères. Il serait peut-être utile, lorsque nous examinons des textes n'ayant pas trait directement au handicap, comme le projet de loi portant engagement national pour le logement, par exemple, qui est actuellement en navette, de prendre systématiquement en considération le handicap et de pouvoir établir à chaque fois un lien entre votre ministère, qui s'occupe effectivement du handicap, et tous les ministères qui traitent d'un sujet particulier.

Ainsi, monsieur Hortefeux, le rôle des collectivités locales est important pour la mise aux normes d'accessibilité de tous les bâtiments publics. L'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, soutient également un certain nombre de projets de réhabilitation, s'agissant, par exemple, des commerces de proximité.

Monsieur Bas, je pense donc que l'on peut aider la cause des handicapés en ayant le réflexe, à chaque fois, d'établir une coordination entre le ministère qui traite au fond du handicap et les autres ministères. S'agissant des activités commerciales et artisanales, le fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, pourrait peut-être prévoir une ligne budgétaire réservée au soutien à la mise aux normes d'accessibilité, dans le cadre de la requalification de bâtiments commerciaux dans des quartiers sensibles ou de la restructuration de commerces anciens dans d'autres secteurs.

Toutes ces pistes seront optimisées lorsque le réflexe aura été pris de traiter le problème du handicap de façon transversale, afin d'y associer l'ensemble des ministères.

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