Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 10/11/2005

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les relations entre la Colombie et l'Union européenne. Cette dernière a considéré, le 3 octobre dernier, que la loi dite « Justice et Paix » récemment adoptée par le Congrès colombien « constituait une avancée significative ».
Ce texte a pourtant fait l'objet de nombreuses critiques de la part des Nations Unies, de la Cour Interaméricaine des droits de l'Homme et des organisations de la société civile tant colombienne qu'internationale.
Cette loi consacre en réalité l'impunité des paramilitaires impliqués dans de très nombreux assassinats, dans l'acquisition frauduleuse de terres et le déplacement de populations… Elle ne donne aucune garantie quant à un réel démantèlement de ces groupes paramilitaires ; aucune garantie non plus quant aux droits des victimes, au droit à la vérité, au droit à une juste réparation, à un retour des terres qui leur ont été volées.
Le Président colombien a proposé de créer une commission de vérification du processus de démobilisation des groupes armés, afin d'accompagner un éventuel soutien de l'Union européenne. Mais la question se pose de la composition de cette commission, sachant que, pour le Président colombien, les organisations en désaccord avec sa politique sont liées à la guérilla.
Dans ces conditions, le Gouvernement français et l'Union européenne doivent refuser tout soutien politique ou financier, même symbolique, pour la mise en œuvre de cette loi.
Elle lui demande les démarches qu'il compte effectuer en ce sens.

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Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 15/12/2005

La loi Justice et paix, adoptée par le Congrès colombien le 21 juin et promulguée par le président Alvaro Uribe le 25 juillet pour démobiliser les « groupes armés illégaux » - qu'il s'agisse des paramilitaires ou des mouvements de guérilla - a fait l'objet des conclusions adoptées par le conseil des affaires générales (CAG) de l'Union européenne (UE) le 3 octobre dernier. Ces conclusions définissent le cadre d'action de l'UE et proposent sur ce texte un point de vue nuancé. Le Conseil a ainsi pris note de différentes réserves, exprimées notamment par le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme : importance insuffisante accordée à la nécessité d'un démantèlement effectif des structures paramilitaires collectives ; distinction floue entre les délits « politiques » et les autres types de délits ; peu de temps disponible pour enquêter sur les aveux et sur les avoirs susceptibles de provenir d'activités illicites ; possibilités réduites offertes aux victimes de demander réparation ; peines maximales limitées pour les délits les plus graves ; difficultés qu'éprouvera le système juridique colombien à répondre aux exigences de la nouvelle loi (paragraphe 5 des conclusions du CAG). Il a affirmé que la loi nécessite d'être mise en oeuvre de façon effective et transparente (paragraphe 6) et a décidé d'apporter une coopération aux groupes de victimes pour appuyer la mise en oeuvre de la loi (paragraphe 7). Suite à la définition de cette position commune, et dans le prolongement des conclusions du Conseil, la France affirme de façon constante auprès de ses partenaires européens la nécessité d'une attention particulière concernant la mise en oeuvre de la loi Justice et paix (en liaison notamment avec les Nations unies et la commission interaméricaine des droits de l'homme) et d'une grande vigilance de l'ensemble de la communauté internationale - afin que la loi adoptée par le Congrès colombien puisse apporter, dans le respect des principes de justice, de vérité et de réparation, une pleine contribution à la recherche de la paix en Colombie. A ce stade, il semble notamment indispensable, avant que l'UE ne s'engage plus avant (dans le cadre d'un appui et non d'une substitution) dans une éventuelle assistance au gouvernement colombien ou à l'organisation des Etats américains, qu'il soit procédé à une évaluation exhaustive de la mise en oeuvre de la loi Justice et paix, afin de déterminer si celle-ci est effectuée « de manière effective et transparente », comme le prévoient les conclusions du CAG du 3 octobre.

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