Question de Mme KHIARI Bariza (Paris - SOC) publiée le 02/12/2005

Question posée en séance publique le 01/12/2005

Mme Bariza Khiari. Monsieur le Premier ministre, il aura fallu les émeutes dans les banlieues pour que les questions de la lutte contre les discriminations et du rétablissement de l'égalité républicaine soient portées au devant de la scène. Ce n'est pourtant pas faute de vous avoir alerté !

Lors de la création de la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, nous avions proposé à titre expérimental l'anonymat des CV dans les entreprises, pour permettre un égal accès au premier entretien d'embauche. Il s'agissait, somme toute, de transposer au secteur privé le principe républicain de sélection qui prévaut pour les examens et concours. Il nous a été répondu que ce n'était pas pertinent.

Nous avions également proposé d'inclure une disposition dans le bilan social des entreprises, afin que puisse être évalué, pour mieux le combattre, le phénomène du « plafond de verre », qui exclut de l'ascension hiérarchique les personnes issues de l'immigration, les femmes, les handicapés et les seniors.

Nous avons vu au Sénat, ici même, dans cet hémicycle, ces magnifiques modèles positifs d'identification que sont ces talents des cités. Pour la plupart, ils sont issus de l'immigration et ils sont les lumières des quartiers.

J'avais aussi appelé votre attention sur une mesure discriminatoire portant sur les élections professionnelles. Par décret, vous avez supprimé le droit de vote accordé aux artisans étrangers non européens alors qu'ils contribuent, comme leurs collègues, à la richesse de notre pays.

La même surdité a été constatée à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, au cours duquel nous avons dénoncé la diminution du minimum vieillesse pour les retraités immigrés. Toutes choses égales par ailleurs, un travailleur français souhaitant profiter de sa retraite là où il est né percevra au minimum 589 euros, alors qu'un travailleur immigré souhaitant rentrer dans le pays où il est né ne recevra, lui, que 150 euros !

Enfin, l'apprentissage à quatorze ans nous paraît de nature à aggraver les inégalités, d'autant que vous avez refusé ce matin même la proposition de loi du groupe socialiste visant à diversifier le recrutement des classes préparatoires.

Quant au rétablissement des subventions aux associations, cette mesure est évidemment indispensable, mais elle ne saurait remplacer l'égal accès à l'emploi et au logement.

Toutes ces dispositions convergentes touchent les parents ou les grands-parents de ceux qui cumulent les discriminations pratiquées en matière d'emploi, de logement et de loisirs.

À ces morts sociales s'ajoutent à présent des atteintes insupportables à la mémoire.

L'UMP a rejeté, et en toute connaissance de cause cette fois-ci, l'abrogation d'un texte qui vise à faire en sorte que les manuels scolaires montrent les aspects positifs de la colonisation. Monsieur le Premier ministre, ce texte n'a pas sa place dans notre législation.

M. Bernard Murat. Vous l'avez voté !

Mme Bariza Khiari. Faire l'apologie de la colonisation dépasse l'entendement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Imposer une vision partisane de l'Histoire est une offensive idéologique de temps révolus dont vous ne mesurez pas l'impact symbolique.

M. Josselin de Rohan. Mme Printz a dit que c'était très bien !

Mme Bariza Khiari. De plus, la surenchère verbale à laquelle se livrent les membres de votre majorité sur les bancs de l'Assemblée nationale n'est plus supportable, surtout quand elle alimente un imaginaire post-colonial. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Caricature !

Mme Bariza Khiari. Monsieur le Premier ministre, ces dérapages ne sont pas de nature à favoriser le « vivre ensemble » ni à renforcer notre cohésion.

M. Henri de Richemont. La question !

M. le président. Je vous prie de conclure, ma chère collègue !

Mme Bariza Khiari. Dans ces conditions, comment redonner confiance à tous les enfants de la République ?

M. Alain Vasselle. Cela suffit !

Mme Bariza Khiari. Monsieur le Premier ministre, quelles mesures concrètes et rapidement applicables comptez-vous prendre pour lutter contre les discriminations et restaurer l'égalité des chances, qui doit être non plus un slogan, mais un résultat ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du CRC)

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Réponse du Ministère délégué à la promotion de l'égalité des chances publiée le 02/12/2005

Réponse apportée en séance publique le 01/12/2005

M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. Madame le sénateur, vous le savez bien, l'égalité des chances est au coeur de la démarche du Gouvernement...

MM. René-Pierre Signé et Jacques Mahéas. Oh !

Mme Hélène Luc. En gros !

M. Azouz Begag, ministre délégué. Faire de l'égalité des chances une réalité pour tous les Français est l'une des préoccupations majeures qui anime l'action du Gouvernement et du Premier ministre.

L'égalité des chances passe d'abord par l'emploi et par l'insertion professionnelle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Oui !

M. Azouz Begag, ministre délégué. Pour faire face à ces défis, le Gouvernement s'est engagé dans une lutte sans merci afin de réduire le chômage dans les zones les plus sensibles où il est en moyenne deux fois plus élevé que sur le reste du territoire national. Vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. René-Pierre Signé. À qui la faute ?

M. Azouz Begag, ministre délégué. Tous les jeunes âgés de moins de vingt-six ans sont appelés à se rendre dans les trois mois dans les ANPE et les missions locales...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils y vont déjà ! On voit le résultat !

M. Azouz Begag, ministre délégué. Ils se verront alors proposer un emploi et une formation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne croyez même pas à ce que vous dites !

M. Azouz Begag, ministre délégué. Quinze nouvelles zones franches urbaines seront créées pour offrir un cadre favorable à l'activité et à l'emploi.

M. Jean-Pierre Sueur. Effet d'aubaine !

M. Azouz Begag, ministre délégué. Le deuxième levier de l'égalité des chances est, bien sûr, l'éducation nationale.

Pour relever le défi, nous devons offrir à tous les Français,...

Mme Eliane Assassi. Et à ceux qui ne sont pas français ?

M. Jean-Marc Todeschini. Et avec quels moyens ?

M. Azouz Begag, ministre délégué. ...à tous les élèves, sur l'ensemble du territoire national, un accompagnement personnalisé et des rendez-vous à chaque étape de leur scolarité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Ladislas Poniatowski. Soyez polis! Laissez parler M. le ministre délégué !

M. Azouz Begag, ministre délégué. Nous devons également assurer une représentation accrue des jeunes dans les filières d'excellence.

Tels sont les chantiers ouverts aujourd'hui par M. le Premier ministre et confiés à M. Gilles de Robien. Ils concernent, notamment, l'évaluation de la maîtrise de la lecture et de l'écriture par les enfants,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela existe déjà !

M. Jean-Marc Todeschini. Et les moyens ?

M. Azouz Begag, ministre délégué. ...l'accompagnement et la responsabilisation des parents, enfin, l'éducation prioritaire.

La promotion de l'égalité des chances passe enfin aussi par la lutte contre les discriminations.

Nous devons renforcer les outils permettant de combattre ce fléau qui mine notre pacte républicain.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voeux pieux !

M. Azouz Begag, ministre délégué. Les pouvoirs de la HALDE seront renforcés. La pratique du test à l'improviste sera légalisée. Les partenaires vont négocier la diversité, notamment à travers l'expérimentation des CV anonymes.

Pour mettre en oeuvre ces actions en faveur de l'égalité des chances, de nouveaux relais d'action seront créés. Relevons notamment la création d'une agence nationale de la cohésion sociale et pour l'égalité des chances.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là ! Encore une agence !

M. Azouz Begag, ministre délégué. M. le Premier ministre a annoncé que l'année 2006 serait celle de l'égalité des chances.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ça !

M. René-Pierre Signé. Vous n'y croyez pas vous-même !

M. Azouz Begag, ministre délégué. L'ensemble de mes collègues membres du Gouvernement concernés par cette mission et moi-même ferons en sorte que l'année 2006 soit vraiment celle de la marche vers l'égalité des chances pour tous les Français. (Applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

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