Question de M. CAZEAU Bernard (Dordogne - SOC) publiée le 16/12/2005

Question posée en séance publique le 15/12/2005

M. Bernard Cazeau. Ma question concerne le contrat de responsabilité parentale et, en particulier, les mesures connexes que vous avez annoncées, monsieur le Premier ministre, lors de votre conférence de presse du jeudi 1er décembre 2005.

Le contrat de responsabilité parentale s'appliquerait dans le cas de situation d'absentéisme à l'école, du fait d'une présence tardive et sans surveillance dans les espaces publics, ou en cas de comportement déviant en milieu scolaire.

Nul ne nie le phénomène en question. Selon une étude de l'éducation nationale datant de 2004, l'absentéisme atteignait 10,7 % chez les lycéens professionnels hors ZEP et 12,1 % en ZEP. La lutte contre l'inassiduité à l'école doit donc être une priorité pour les zones défavorisées.

Toutefois, les mesures que vous avez préconisées en cas d'échec sont inacceptables pour nous, comme pour l'ensemble des acteurs concernés, c'est-à-dire l'éducation nationale, les conseillers généraux, voire les travailleurs sociaux.

Comme vous le savez, depuis la loi du 3 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, il n'est plus possible de porter atteinte aux allocations familiales, sauf s'il s'agit de familles de mineurs délinquants.

Dès lors, monsieur le Premier ministre, faut-il confondre mineurs délinquants et enfants ou adolescents en situation d'échec scolaire ? Faut-il penser que la délinquance est systématiquement la conséquence de l'échec scolaire ? Une telle assimilation va au-delà de ce qui est admissible au regard de l'éthique, voire sur le plan légal.

Faut-il, par ailleurs, laisser s'aggraver la situation de familles défavorisées en les pénalisant financièrement ? L'abbé Pierre ne nous dit-il pas que la France compte déjà aujourd'hui un million d'enfants pauvres ?

Faut-il penser que vous avez trouvé les moyens de différencier et de sanctionner les comportements à l'école et que vous souhaitez vous substituer au monde enseignant, dont le rôle éducatif est primordial ?

Enfin, voulez-vous transformer en auxiliaires de justice les responsables du monde éducatif et de la protection de l'enfance que sont les chefs d'établissement et les conseils généraux ? Il est peu probable qu'ils y consentent.

Pensez-vous que réagir par des effets d'annonce, comme vous le faites à travers cette mesure - prise sans concertation avec l'ensemble des acteurs du terrain -, constitue la meilleure réponse aux incidents sociaux qui se sont produits sur la scène publique française le mois dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 16/12/2005

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2005

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Cazeau, si vous êtes contre le contrat de responsabilité parentale, il faut le dire !

M. Alain Gournac. Mais oui, c'est cela !

M. Philippe Bas, ministre délégué. J'observe que vous ne le dites pas, car, effectivement, vous n'assumez pas le fait d'être contre cette nouvelle aide aux familles et aux enfants en difficulté. (M. Jacques Mahéas s'exclame.) Alors, vous vous attaquez aux procédures et aux modalités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Bel et Mme Nicole Bricq. Pas du tout !

M. Yannick Bodin. Ce n'est pas la question !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Permettez-moi de vous rappeler ce qu'est le contrat de responsabilité parentale.

Il y a des enfants de dix ou douze ans qui gâchent leurs chances d'avenir en « séchant » les cours, qui sont laissés dehors la nuit, livrés à eux-mêmes et à toutes les mauvaises influences.

M. Robert Hue. Oh là là !

M. Simon Sutour. On voit même Sarkozy dans les rues !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Que nous proposez-vous ? Sans doute de ne rien faire !

Mme Adeline Gousseau. Et voilà !

M. Alain Gournac. Eh oui !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Eh bien, le Gouvernement, sur l'initiative du Premier ministre, Dominique de Villepin, a prévu de proposer à la représentation nationale un contrat qui est destiné d'abord à aider les parents à reprendre la main et à jouer pleinement leur rôle. (Mme Catherine Tasca s'exclame.)

Et ce rôle, les parents vont pouvoir le jouer grâce à l'aide des services de l'aide sociale à l'enfance.

M. Jacques Mahéas. Et donc des départements !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Cazeau, vous qui êtes président de conseil général, vous le savez mieux que quiconque : qui, mieux que les services de l'aide sociale à l'enfance - avec un effectif de 150 000 personnes, des moyens s'élevant à 5 milliards d'euros par an, soit le premier poste budgétaire des départements -, pourrait aider les parents et les enfants pour rétablir l'exercice de la fonction parentale ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Jean-François Picheral. C'est vrai ! Et le conseil général, lui, il va payer !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais il est vrai que, dans le cas où les parents feraient preuve de mauvaise volonté et où, après plusieurs semaines d'efforts pour les amener à mieux exercer leur rôle, ils refuseraient de le faire, une disposition, qui s'ajoute à la mise sous tutelle ou à l'amende prononcées par le juge, prévoit la possibilité non pas de la suppression, mais de la suspension temporaire des allocations familiales (Très bien ! sur les travées de l'UMP) avec versement sur un compte bloqué.

M. Jean-Pierre Sueur. Comment les enfants mangeront-ils à la cantine ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Ce blocage du compte sera levé quand les parents auront enfin accepté de jouer pleinement leur rôle.

Mais, bien entendu, cette disposition ne sera appliquée que sur l'initiative de ceux qui sont les protecteurs naturels des enfants et de leurs parents, c'est-à-dire les intervenants de l'aide sociale à l'enfance, et seulement, je le répète, pour les parents de mauvaise volonté. (Hourvari.)

Tel est, monsieur le sénateur, l'objet de cette disposition et il ne s'agit de rien d'autre. Mais si vous préférez qu'on ne fasse rien, comme vous-même et vos amis voilà quelques années, il faut le dire ! (Applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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