Question de M. BEL Jean-Pierre (Ariège - SOC) publiée le 20/01/2006

Question posée en séance publique le 19/01/2006

M. Jean-Pierre Bel. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

En écoutant, mardi dernier, le Premier ministre répondre aux députés qui l'ont, à juste titre, interpellé sur la généralisation du contrat « nouvelles embauches » à tout jeune âgé de moins de vingt-six ans dans toutes les entreprises et sur l'exonération des cotisations patronales les concernant, je me suis dit que les polémiques étaient inutiles et qu'il fallait accepter l'évidence : nous avons deux conceptions, deux logiques complètement différentes.

M. Alain Gournac. C'est clair !

M. Jean-Pierre Bel. Nous sommes en désaccord de fond sur la société que nous souhaitons mettre en place pour les vingt prochaines années.

Alors que, de notre côté, nous appelons de nos voeux la mise en oeuvre d'un plan de lutte contre la précarité de l'emploi, l'instauration d'une véritable sécurité sociale professionnelle pour tous les salariés, la relance du pouvoir d'achat pour dynamiser la consommation des ménages et ainsi soutenir la croissance et l'emploi, de votre côté, vous estimez que le règlement de la situation passe par un changement de notre modèle social, et vous soutenez l'idée, certes masquée par un affichage trompeur, qu'il vaut mieux précariser. Vous allez même jusqu'à généraliser la précarité aux plus anciens, avec la création d'un CDD pour les plus de cinquante-sept ans !

Vous répondez aux inquiétudes de la jeunesse en lui offrant comme unique perspective d'embauche un marché du travail complètement éclaté avec de plus en plus de travailleurs pauvres ; vous préconisez une France où les jeunes, placés dans une insécurité professionnelle et sociale manifeste, auront de plus en plus de difficultés à se loger, où les nouvelles générations seront dans l'impossibilité de se projeter dans l'avenir tellement elles seront condamnées, à l'avance, par le présent.

Alors que nous parlons de contrat d'autonomie pour les jeunes, de développement de la solidarité intergénérationnelle, vous présentez un contrat grâce auquel l'employeur pourra, pendant deux ans, licencier du jour au lendemain et sans motif.

Alors que nous parlons de Conférence annuelle sur l'emploi et les salaires, vous faites fi du dialogue social, puisque les mesures que vous avez annoncées n'ont fait l'objet d'aucune concertation avec les organisations syndicales, lesquelles, à l'unanimité, les rejettent en bloc.

Monsieur le ministre, depuis la mise en place du contrat-jeunes en juillet 2002, le taux de chômage des jeunes est passé de 19,3 % à 23 %. Par ailleurs, contrairement à vos engagements, vous n'avez procédé à aucune évaluation sérieuse du contrat « nouvelles embauches » avant d'en généraliser l'application.

Dans ce contexte, je vous demande de bien vouloir, par respect envers la représentation nationale, répondre précisément à la question suivante : quelles mesures concrètes entendez-vous prendre rapidement pour lutter contre la précarité de manière générale et, plus particulièrement, contre celle des jeunes ? En réalité ne comptez-vous pas régler le problème du chômage en institutionnalisant la précarité de l'emploi pour les jeunes ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement publiée le 20/01/2006

Réponse apportée en séance publique le 19/01/2006

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, je souhaite tout d'abord adresser un témoignage d'amitié au président de la commission des affaires sociales, qui vit un drame personnel. Gérard Larcher représentait, ce matin, le Gouvernement aux obsèques de son épouse.

M. le président. Je lui transmettrai votre marque de sympathie, monsieur le ministre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Pardonnez mon émotion, mesdames, messieurs les sénateurs, mais j'ai beaucoup travaillé en collaboration avec M. About, à propos notamment du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale et du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

J'en viens à votre question, monsieur Bel.

Vous le savez bien, chacun de nous se sent mal lorsqu'un jeune vient nous dire qu'il ne trouve pas de travail parce qu'il n'a pas d'expérience ou qu'il ne sait pas ce qu'il va devenir après le stage qu'il effectue, car il n'a aucun droit et qu'au mieux il ne retrouvera qu'un CDD. Quelles solutions lui proposer ?

Dans un premier temps, nous avons tenté de relancer l'alternance et avons en partie réussi. En effet, le nombre de jeunes concernés est en augmentation de 10 %.

Le Premier ministre souhaite améliorer l'orientation des élèves, notamment l'orientation précoce, pour parvenir à une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi, seule réponse de fond pour le quart de siècle à venir. Nous devons concilier les aspirations de la jeunesse avec les besoins de notre économie, qu'il s'agisse d'une économie très capitalisée, d'une économie sociale ou de la fonction publique. Il faut s'inscrire dans un schéma de consolidation.

Le contrat de première embauche n'est pas un contrat- jeunesse ; il est essentiellement destiné à une première embauche. Nous ne partons pas de l'idée qu'il y aura échec, mais nous voulons, dans cette éventualité, mettre en place une certaine souplesse ; nous voulons aussi qu'en cas de rupture de contrat le jeune puisse bénéficier de droits sociaux qui n'existaient pas auparavant. Voilà tout simplement ce dont il s'agit.

S'agissant de l'exonération des charges, de grâce, soyez plus rigoureux, monsieur le sénateur ! En effet, cette exonération ne vaut pas pour toute la jeunesse de France ; cette mesure, particulièrement stimulante pour les entreprises, est réservée à l'embauche des jeunes chômeurs depuis plus de six mois. Il n'y a donc aucun effet d'aubaine à redouter ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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