Question de M. RISPAT Yves (Gers - UMP) publiée le 02/03/2006

M. Yves Rispat attire l'attention de M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur les conséquences dramatiques pour l'avenir du département du Gers de la décision d'exclure 161 communes sinistrées de l'éligibilité au dispositif de reconnaissance au titre des catastrophes naturelles pour les mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse de l'été 2003. En effet, près des trois quarts des 463 communes du département du Gers, victimes de la sécheresse 2003, ont demandé à être reconnues. Après de multiples interventions auprès des ministères compétents, 166 communes ont pu être reconnues, l'ensemble de ces communes étant situées dans l'est du département. Contrairement à toute logique météorologique et géographique, le département se retrouve « coupé en deux » par une frontière est-ouest incompréhensible et privant 161 communes de l'ouest du département d'une aide. L'annonce pour toute la France d'une enveloppe globale de 180 millions d'euros, ventilée en 30 millions d'euros pour les communes limitrophes de celles retenues et 150 millions d'euros pour toutes les autres, est totalement dérisoire par rapport à l'étendue des dégâts et au coût des réparations. Cela va se traduire dans le département du Gers par trois façons différentes et plus inégalitaires les unes que les autres de gérer ces dossiers ; d'une part, les communes reconnues sinistrées et indemnisées selon la procédure habituelle des catastrophes naturelles, d'autre part, les communes limitrophes de celles-ci, au nombre d'une douzaine dans le Gers, qui émargeront sur l'enveloppe nationale des 30 millions d'euros et enfin toutes les autres avec les 150 millions d'euros restant sur les crédits nationaux ce qui ramènera l'indemnité maximum à environ 42 000 €, ce qui équivaut à un dossier par commune, après un dernier examen par une commission départementale. Il ajoute qu'une autre inégalité grave touche son département à vocation touristique: toutes les résidences secondaires ainsi que les nombreux bâtiments communaux, situés dans la partie ouest, seront exclus de toute indemnisation. Tous ces éléments démontrent combien ce dossier important pour son département suscite pour les habitants des 161 communes exclues, qu'ils soient propriétaires, entrepreneurs ou maires, un profond mécontentement, difficilement contrôlable.

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Réponse du Ministère délégué à l'aménagement du territoire publiée le 08/03/2006

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2006

M. le président. La parole est à M. Yves Rispat, auteur de la question n° 956, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

M. Yves Rispat. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur les injustices dont sont victimes 161 communes du Gers, qui ont été exclues du bénéfice du dispositif d'indemnisation des catastrophes naturelles alors qu'elles ont subi des mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse de 2003.

Je me permets de rappeler que près des trois quarts des 463 communes du département du Gers avaient demandé à être reconnues sinistrées. Après un premier refus global, 163 communes ont pu obtenir cette reconnaissance. Toutes ces communes sont situées dans l'est du département, à proximité du bassin de la Garonne. J'ai apporté une carte (L'orateur brandit une carte présentant deux zones différemment colorées), qui est éloquente. Voilà comment a été divisé le département : certaines communes ont été arrosées, d'autres n'ont été que mouillées ; il y a des gagnants et des perdants ! Tout cela est difficile à admettre.

On a d'abord prétendu que les communes non retenues ne répondaient pas à différents critères. Par exemple, les sols n'y seraient pas argileux, ce qui est absolument faux. En effet, c'est à l'ouest du département que l'on trouve les terrains les plus argileux.

On nous a ensuite affirmé que les éléments d'appréciation avaient été fournis par le Bureau de recherches géologiques et minières. Interrogé, celui-ci nous a fait savoir qu'il ne peut nous communiquer aucune information, le rapport établi étant confidentiel. Je tiens cette réponse à votre disposition, monsieur le ministre !

Enfin, concernant la réserve hydrique, qui doit être inférieure ou égale à 21 % de la normale, on fait état, pour ma propre commune, Lupiac, que vous devriez connaître, car elle est célèbre (Sourires), de renseignements fournis par la station météorologique de Mont-de-Marsan. Il est tout de même curieux qu'une commune du Gers dépende désormais de Mont-de-Marsan !

Cela étant, j'ai donc écrit à la station de Météo France de Mont-de-Marsan, qui m'a indiqué que, ma commune étant située dans le département du Gers, elle avait transmis ma lettre au délégué départemental de Météo France pour le Gers, qui est l'interlocuteur qualifié pour tout dossier. Or, quand on s'adresse à lui, il répond que les critères ont été élaborés par la commission interministérielle, que Météo France a appliqué ceux-ci à l'échelon central, que, à la demande de ladite commission, le rapport est resté confidentiel, et que les services départementaux de Météo France n'ont pu y avoir accès. Cette façon de procéder est assez décevante en termes de transparence...

Tout cela montre avec quel manque de sérieux ont été examinées les demandes formulées par 161 communes véritablement sinistrées et explique la perte de confiance que peuvent éprouver la moitié des élus d'un département. Ce n'est pas la mobilisation, qualifiée d'exceptionnelle, d'une enveloppe globale de 180 millions d'euros pour toute la France, 30 millions d'euros étant affectés aux communes limitrophes de celles qui ont été reconnues victimes de catastrophe naturelle, 150 millions d'euros étant répartis entre toutes les autres, qui permettra de les satisfaire.

De plus, cette mesure confirme les injustices. Elle est tout à fait dérisoire par rapport à l'étendue des dégâts et au coût des réparations.

Cela va se traduire, dans le Gers, par trois façons différentes et inégalitaires de traiter les dossiers.

En premier lieu, les communes reconnues sinistrées seront indemnisées selon la procédure habituelle s'agissant de catastrophes naturelles, en liaison avec les compagnies d'assurances.

En deuxième lieu, les communes limitrophes de celles qui ont été retenues, soit une dizaine dans le Gers, émargeront à une enveloppe nationale de 30 millions d'euros.

En troisième lieu, toutes les autres communes se partageront, à l'échelon national, 150 millions d'euros, ce qui ramènera le montant maximal de l'indemnité, accordée après examen du dossier par une commission départementale, à 42 000 euros par commune, ce qui équivaut à peu près à satisfaire une demande d'indemnisation par commune.

Ainsi, dans notre département, le plus agricole de France, toute prise en charge est exclue pour la totalité des bâtiments d'exploitation agricole. Il en va de même pour toutes les résidences secondaires, dans cette région à vocation touristique. Enfin, pour les 161 communes que j'ai évoquées au début de mon intervention, les bâtiments communaux ne pourront faire l'objet d'aucune indemnisation.

Tous ces éléments expliquent que ce dossier important suscite, parmi les habitants de notre département, notamment ceux des 161 communes exclues, qu'ils soient propriétaires, entrepreneurs ou maires, un profond mécontentement, justifié et difficilement contrôlable.

Mme Marie-France Beaufils. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous avez déjà, à de très nombreuses reprises, exprimé vos préoccupations quant à la situation de 161 communes du département du Gers pour lesquelles l'état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols survenues en 2003 n'a pas été reconnu. Plusieurs réunions de travail ont été organisées, à votre demande, au ministère de l'intérieur.

Mon collègue Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, auquel vous avez adressé votre question, m'a prié de l'excuser auprès de vous. Je vais vous apporter en son nom un certain nombre d'éléments de réponse.

Le Gouvernement, vous le savez, porte à cette situation tout à fait exceptionnelle une attention constante, qui l'a conduit à assouplir à plusieurs reprises les critères retenus pour accorder la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Ainsi, sur l'ensemble du territoire national, plus de 4 000 communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle du fait de la sécheresse de l'été de 2003, soit le nombre le plus élevé depuis 1982, le cas des tempêtes de 1999 étant exclu.

Pour donner un avis sur les demandes de classement en état de catastrophe naturelle, la commission interministérielle compétente se fonde sur des critères précis : présence d'argile sur le territoire de la commune attestée par un rapport ou une étude géotechnique, critères météorologiques permettant de qualifier l'intensité anormale de la sécheresse de 2003.

Afin de définir l'intensité anormale de la sécheresse de 2003, Météo France dispose de stations de référence qui découpent le territoire national en 200 zones, chacune d'entre elles correspondant à un ensemble géographique homogène d'un point de vue climatique, ce qui explique les choix de la commission interministérielle.

Pour qu'une commune soit éligible, les deux conditions suivantes doivent être cumulativement remplies : d'une part, la réserve hydrique moyenne au troisième trimestre de 2003 doit avoir été inférieure ou égale à 21 % de la réserve hydrique normale ; d'autre part, le nombre de décades pendant lesquelles la réserve hydrique a été nulle doit être compris entre le premier et le troisième rang sur la période de 1989 à 2003. Enfin, si la commune n'est pas éligible au regard de ces deux conditions, elle peut l'être au vu du critère de la durée de retour, qui doit être égale ou supérieure à vingt-cinq ans.

Outre qu'elle doit remplir ces conditions, la commune doit également attester de la présence d'argile sur une partie de son territoire.

Dans le département du Gers, les communes sont rattachées à l'une des cinq stations de référence suivantes : Auch, Blagnac, Clarac, Estillac et Mont-de-Marsan. Pour trois d'entre elles, l'ensemble des critères météorologiques définis pour qualifier la sécheresse de 2003 sont remplis, ce qui a permis de reconnaître l'état de catastrophe naturelle pour 166 communes sur 328 communes demanderesses. Un peu plus de la moitié des demandes ont donc été satisfaites.

Cependant, le Gouvernement est bien conscient que la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, telle qu'elle est actuellement définie par la loi de 1982, n'a pas permis de traiter de manière satisfaisante le problème dans toute son ampleur. Aussi a-t-il proposé au Parlement, pour tenter de répondre à la situation dramatique des familles qui n'ont pu bénéficier de l'élargissement des critères, la mise en place d'une procédure exceptionnelle d'aide, désormais fixée par l'article 110 de la loi de finances pour 2006 du 30 décembre 2005.

Ce dispositif a été doté, dans la loi de finances, de 180 millions d'euros, et les préfets recueillent actuellement, conformément aux instructions de l'arrêté interministériel du 3 février 2006, les dossiers types de demande d'aide financière remplis par les propriétaires des bâtiments à usage d'habitation principale endommagés.

D'ici à la fin du mois de mars, le ministère de l'intérieur procédera à une première évaluation du dispositif et, si nécessaire, proposera au ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, ainsi qu'au Premier ministre, de nouvelles mesures pour adapter la réponse de l'État à la gravité de la situation.

À ce stade, l'éligibilité des demandes sera déclarée par les préfets, qui verseront les aides aux propriétaires, ce qui permettra de réaliser les travaux de confortement nécessaires au rétablissement de l'intégrité de la structure, du clos et du couvert des habitations principales.

Ce traitement rapide, sans recours à des expertises compliquées et coûteuses, mais avec le concours des assureurs, doit permettre aux préfets d'arrêter, avant la fin du premier semestre de 2006, la liste des bénéficiaires de cette ultime procédure déconcentrée.

Voilà, monsieur le sénateur, ce que je peux vous indiquer aujourd'hui. J'aurai le plaisir d'être à vos côtés vendredi prochain, dans votre département. Nous aurons l'occasion de nous entretenir à nouveau de ce sujet, voire de nous rendre compte ensemble, sur le terrain, des difficultés que vous avez évoquées une fois de plus. Nous mettrons tout en oeuvre pour apporter les réponses les plus pragmatiques et les plus efficaces aux légitimes inquiétudes de vos administrés, que vous venez de traduire avec toute la précision nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Yves Rispat.

M. Yves Rispat. Je suis heureux, monsieur le ministre que vous veniez dans notre département : cela vous permettra de constater que l'ensemble du terrain est argileux, que les Gascons sont fermes et durs, et qu'ils ne vont pas se contenter de la réponse que vous m'apportez aujourd'hui !

Je me permets de vous conseiller de contrôler vos services, car les lettres de Météo France que j'ai sous les yeux énoncent clairement qu'il y a confidentialité sur ce problème.

Les compagnies d'assurance affichant un résultat fantastique cette année, je ne comprends pas pourquoi on les ménage à ce point. Elles ont des responsabilités dans cette affaire et toutes les demandes doivent être prises en compte. Il serait réellement abusif de rejeter ces dernières : personne ne pourrait l'admettre.

S'il est exact que nous avons été reçus et entendus à plusieurs reprises au ministère de l'intérieur, force est de constater que les résultats obtenus jusqu'à présent sont insuffisants, et j'espère que vous en prendrez conscience.

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