Question de M. HAENEL Hubert (Haut-Rhin - UMP) publiée le 02/03/2006

M. Hubert Haenel appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les termes de sa question écrite n° 19524 du 29 septembre 2005, et notamment sur la question de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (C.S.M.).
Il estime que la réponse qui a été faite à sa question écrite était une réponse de pure forme qui ne répondait absolument pas à la question précise posée. La question ne portait pas sur le seul fonctionnement du CSM mais également sur son autosaisine, sa saisine, et sur son éventuelle réforme. A ces questions il n'a pas été répondu.
Le Président de la République a annoncé, à l'occasion de la cérémonie des vœux, une réforme du CSM ce qui est la preuve que contrairement à ce qu'indique le Garde des Sceaux dans sa réponse, le fonctionnement du CSM n'est pas satisfaisant.
Il lui demande donc quels sont les problèmes que pose le fonctionnement du CSM et les grands principes qui vont inspirer cette réforme.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/04/2006

Réponse apportée en séance publique le 04/04/2006

M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel, auteur de la question n° 960, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Hubert Haenel. Monsieur le président, cette question aurait pu faire l'objet d'un rappel au règlement.

Monsieur le garde des sceaux, la réponse à ma question écrite n° 19524 relative au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, était de pure forme, je n'ose pas dire qu'elle relevait de la « langue de bois ».

Je demandais notamment si le CSM pouvait s'autosaisir, donner des avis sans avoir été sollicité par le Président de la République, président du CSM, ou par vous-même, monsieur le garde des sceaux, en tant que vice-président. Je rappelais que, ayant été rapporteur de la réforme constitutionnelle de 1993, je me souvenais que nous avions exclu cette possibilité, et je l'ai d'ailleurs vérifié. Je demandais enfin si une réforme du CSM était envisagée pour régulariser ces pratiques.

La réponse publiée au Journal officiel du 1er décembre 2005 se passe de commentaires. Elle est pour le moins hors sujet, reprenant des considérations d'ordre général et se gardant bien d'aborder les questions précises posées.

J'ai bien conscience que ces sujets sont particulièrement embarrassants. Il me semble cependant que ma question était justifiée puisque, un mois plus tard, le Président de la République annonçait une réforme du CSM. Le Parlement - en tout cas l'Assemblée nationale, à la suite de l'affaire d'Outreau - envisageait lui aussi la réforme de cette institution constitutionnelle.

Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous apporter des informations sur les quelques réflexions que vous menez pour que le CSM ne soit pas qu'un simple organe de cogestion de la carrière des magistrats - une sorte de commission paritaire, ce que le constituant n'a pas voulu -, mais soit le véritable conseil supérieur de la justice.

Nous poursuivrions ainsi la logique de la démarche engagée en 1993, qui, globalement, représente un progrès, mais mérite d'être approfondie, complétée et clarifiée.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je suis surpris par la tonalité de votre question. Je croirais presque que vous avez changé de banc dans l'hémicycle !

Au fond, vous me reprochez de ne pas répondre à une question, alors que vous connaissez précisément la réponse. En effet, le Gouvernement ne peut répondre à cette question tant que le Parlement - et vous êtes parlementaire, jusqu'à preuve du contraire - n'a pas achevé sa propre réflexion.

Vous savez que l'Assemblée nationale a pris l'initiative de créer une commission d'enquête qui doit remettre son rapport le 4 juin 2006. D'ici là, il serait malséant de la part du Gouvernement de présenter les réflexions de l'exécutif, sous prétexte que le Président de la République aurait, à l'occasion des voeux, lancé l'idée d'une réforme du CSM.

Une telle démarche serait profondément choquante du point de vue de nos institutions, et je m'étonne que vous ne considériez pas, comme moi, que ce respect des formes et de l'expression parlementaire soit le premier devoir du Gouvernement.

Les questions que posera la réforme du CSM sont nombreuses. Pour vous être aimable, je peux vous indiquer quatre axes de réflexion.

Faut-il ouvrir davantage la composition du CSM à des personnalités extérieures, voire rendre minoritaires les magistrats ? Je rappelle que, dans la réforme du CSM proposée par Mme Guigou, la représentation des magistrats était minoritaire et que toutes les réformes suggérées depuis, de part ou d'autre, vont dans ce sens.

Faut-il permettre à d'autres autorités que le garde des sceaux et les chefs de cour, comme c'est le cas actuellement, de saisir le CSM en matière disciplinaire ?

Faut-il aller jusqu'à modifier le rôle et les attributions du CSM ? Cet élargissement de compétence pose lui-même plusieurs questions.

Faut-il enfin prévoir le détachement systématique des membres du CSM dans ces fonctions, pour qu'ils puissent exercer à plein temps leur mission ? Cette question est liée à la précédente, puisque l'extension des pouvoirs du CSM obligerait ses membres à se consacrer exclusivement à cette fonction.

Comme vous le constatez, monsieur le sénateur, la réflexion est ouverte, sans aucun tabou, et nous aurons l'occasion de revenir très prochainement sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel.

M. Hubert Haenel. Je voudrais indiquer que ma question, en date du 29 septembre - on ne parlait pas encore de l'affaire d'Outreau, et la réponse du ministre date du 1er décembre -, portait sur les éventuelles violations de la Constitution et des lois organiques que l'on peut observer dans le fonctionnement actuel du CSM.

Je prétends que le CSM ne peut pas s'autosaisir, comme il le fait régulièrement !

Cette question taboue est très gênante, je le comprends, monsieur le ministre. Mais il faudra bien qu'on y réponde un jour, sans doute à l'occasion de la réforme du CSM qui sera prochainement engagée.

Je n'ai pas changé de banc, contrairement à ce que vous insinuiez, monsieur le ministre. J'estime respecter tout à fait mon rôle et ma responsabilité de parlementaire - je vais bientôt fêter mes vingt ans de mandat parlementaire, uniquement comme sénateur -, qui nous font obligation de poser les questions que nous jugeons utiles, en toute sérénité et impartialité, et auxquelles nous sommes en droit d'attendre une véritable réponse !

« On a toujours tort d'avoir raison trop tôt », disait Edgar Faure.

M. Pierre Fauchon. En s'inspirant de Cicéron !

M. Hubert Haenel. Et ce n'est jamais le bon moment pour poser une question !

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