Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 30/03/2006

M. Jean-Pierre Godefroy attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le montant de la garantie d'Etat pour les commandes de navires civils. L'article 119 de la loi de finances rectificative pour 2005 a mis en place un dispositif de garantie de cautionnement et de préfinancement en faveur des entreprises du secteur de la construction navale pour la construction de navires civils dont le prix de vente est supérieur à 40 millions d'euros. Un décret en Conseil d'Etat, qui n'est pas encore paru, doit en préciser les conditions ainsi que les critères à respecter pour les entreprises qui souhaiteront en bénéficier. Ce dispositif est destiné à assurer une meilleure visibilité aux conditions de financement des chantiers navals civils dont l'activité est soumise à des risques élevés et pour laquelle il n'existe pas d'offre privée de financement et de cautionnement suffisante. Ce soutien au secteur de la construction navale française est indispensable pour assurer sa viabilité. Mais la mise en oeuvre de ce dispositif pour la construction de navires d'une valeur supérieure à 40 millions d'euros en réserve de fait l'accès à un unique chantier (les Chantiers de l'Atlantique sont les seuls en France à construire des navires de cette valeur) alors que d'autres chantiers un peu moins importants en auraient tout autant besoin pour assurer leur activité. Il lui demande donc de lui préciser où en est l'élaboration du décret en Conseil d'Etat et d'envisager l'abaissement de ce seuil à hauteur de 20 millions d'euros.

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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 05/04/2006

Réponse apportée en séance publique le 04/04/2006

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 997, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, ma question vise à attirer votre attention sur le montant de la garantie d'État pour les commandes de navires civils.

L'article 119 de la loi de finances rectificative pour 2005 a mis en place un dispositif de garantie de cautionnements et des préfinancements en faveur des entreprises du secteur de la construction navale, pour la construction de navires civils dont le prix de vente est supérieur à 40 millions d'euros.

Un décret en Conseil d'État, qui n'est pas encore paru, doit préciser les conditions et les critères à respecter par les entreprises qui souhaiteront en bénéficier.

Ce dispositif est destiné à assurer une meilleure visibilité des conditions de financement des chantiers navals civils dont l'activité est soumise à des risques élevés et pour laquelle il n'existe pas d'offre privée de financements et de cautionnements suffisante. Il est un soutien indispensable si l'on veut assurer la viabilité du secteur de la construction navale française, notamment face à la concurrence étrangère.

Toutefois, la mise en oeuvre de ce dispositif pour la construction des seuls navires d'une valeur supérieure à 40 millions d'euros en réserve de fait l'accès à un unique chantier, les chantiers de l'Atlantique, qui sont les seuls en France à construire des navires d'un tel coût.

Pourtant, d'autres chantiers de moindre importance en auraient tout autant besoin pour assurer leur activité. Je pense aux Constructions mécaniques de Normandie, les CMN, qui sont implantées dans ma commune et que vous connaissez bien, monsieur le ministre, mais aussi aux chantiers de Concarneau, de Bordeaux ou d'Arcachon.

Vous savez que la situation des Constructions mécaniques de Normandie est critique. Depuis des mois, actionnaires, dirigeants, salariés et élus locaux se mobilisent pour redresser cette entreprise confrontée à de lourdes difficultés financières. À cet effet, un protocole de recapitalisation a été élaboré. Il ne manque que la signature de l'État, les collectivités régionales et départementales ayant accepté de transformer leur avance remboursable en subvention.

L'accès au dispositif de garantie de cautionnements institué à l'article 119 de la loi de finances rectificative pour 2005 serait un atout supplémentaire pour convaincre les partenaires et clients potentiels de l'entreprise, notamment dans le cadre de la diversification - cette entreprise construisait surtout des navires militaires - que constitue le marché de la grande plaisance, très porteur pour l'avenir.

Monsieur le ministre, ma question est double : où en est l'élaboration du décret en Conseil d'État et, surtout, envisagez-vous d'abaisser le seuil prévu de 40 millions à 25 millions d'euros afin de rendre éligibles les chantiers que je viens d'évoquer à la garantie de cautionnements prévue à l'article 119 de la loi de finances rectificative pour 2005 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, la construction navale est une activité exposée à des risques élevés, en raison du volume financier de chaque commande et, en même temps, de leur faible nombre.

Les conditions offertes par le marché ne permettent pas, à elles seules, d'assurer le financement de ces commandes. C'est pourquoi le Gouvernement a proposé en décembre 2006 au Parlement de mettre en place un dispositif de garantie en faveur de la construction navale civile.

Il est indispensable de donner aux chantiers navals français une visibilité financière équivalente à celle des autres acteurs européens. Les chantiers allemands ou néerlandais, par exemple, bénéficient déjà d'un tel mécanisme, qui a reçu l'autorisation de la Commission européenne, car il remédie à une défaillance de marché et s'inscrit dans le cadre de la politique communautaire en faveur de la construction navale européenne.

À la suite de ces autres États membres, le Gouvernement a notifié le dispositif de garantie français à la Commission européenne, dont la décision est attendue dans les prochaines semaines.

Ce dispositif est orienté vers une défaillance de marché clairement identifiée. C'est pourquoi il ne s'applique qu'aux navires dont le prix de vente est supérieur à 40 millions d'euros. Ce seuil a, je le rappelle, été fixé par la loi de finances pour 2006. Il est justifié par le fait que les navires dont le prix de vente est supérieur à 40 millions d'euros correspondent généralement à des navires à forte valeur ajoutée, comme les yachts de grande taille, les car-ferries ou les paquebots, dont les coûts de démarrage sont élevés.

Le constructeur doit ainsi faire face à des montants unitaires de risques élevés, comparés à son carnet de commandes global. Il rencontre donc de véritables difficultés pour obtenir des établissements financiers les garanties et les préfinancements nécessaires pour la réalisation du contrat. À l'inverse, il existe généralement, en dessous de ce seuil de 40 millions d'euros, des instruments de marché permettant de répondre à la demande.

Le groupe Chantiers de l'Atlantique ne sera que l'un des bénéficiaires potentiels du dispositif. En dehors de ce groupe, d'autres constructeurs sont susceptibles de fabriquer des navires dont le prix unitaire est supérieur à 40 millions d'euros. Certains chantiers augmentent leur activité en se tournant vers la construction de navires plus coûteux, en ciblant les navires d'assistance offshore pour lesquels il existe une demande de plus en plus forte, orientée vers des navires de plus en plus sophistiqués, et en s'attaquant au marché de la grande plaisance, secteur également caractérisé par une forte demande de navires de plus en plus grands et luxueux, qui atteignent donc des coûts supérieurs à 40 millions d'euros.

Le dispositif de garantie est ouvert aux entreprises de construction qui respecteront des conditions posées par décret. Je vous informe que le Gouvernement a d'ores et déjà transmis au Conseil d'État un projet de décret, actuellement en cours d'examen.

Les conditions qu'il prévoit sont, notamment, le respect d'un ratio minimal de fonds propres sur engagements financiers, fixé à 10 %, la nécessité pour l'entreprise de posséder des capacités de conception et de fabrication de navires civils en France, le fait que la garantie ne peut pas couvrir plus de 80 % des cautionnements et préfinancements accordés par des établissements financiers pour un contrat de construction de navire civil, la limitation de la durée de la garantie à quatre ans, la rémunération de la garantie à un taux supérieur à celui du marché, afin de ne pas constituer une aide d'État et, enfin, l'obligation pour la société de présenter des sûretés en contrepartie de l'octroi de la garantie.

Voilà donc le détail du dispositif soumis à l'examen du Conseil d'État.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, il me paraît dommage de conserver le seuil de 40 millions d'euros. En effet, dans le cas de la grande plaisance, des bateaux qu'on pourrait presque qualifier de « première fabrication » nécessitent beaucoup d'investissements, bien que leur prix unitaire soit inférieur à 40 millions d'euros.

Il serait regrettable qu'un seul chantier puisse bénéficier de ce dispositif, car les autres chantiers rencontrent les mêmes difficultés que s'ils construisaient des bateaux d'un coût supérieur à 40 millions d'euros. La construction de bâtiments de cette importance suppose l'existence d'infrastructures que ces entreprises ne pourront pas créer, alors que le marché de la grande plaisance est très porteur, mais ne concerne que des bâtiments d'un coût inférieur à 40 millions d'euros.

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