Question de M. GAILLARD Yann (Aube - UMP) publiée le 13/04/2006

M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les difficultés que rencontrent certains artistes plasticiens professionnels pour se loger dans notre pays et plus particulièrement en Ile-de-France où ils sont le plus nombreux.
En effet, les artistes, s'ils veulent développer leur activité, doivent disposer d'un lieu pour travailler et vivre. Des lieux spécifiques tels que les ateliers-logements, dont les loyers ne sont pas trop chers, ne sont pas en nombre suffisant pour satisfaire toutes les demandes.
Il existe bien quelques résidences d'artistes telles que la villa des arts à Montmartre mais, pour combien de temps encore ? En effet, cette résidence, qui permettait à des peintres ou des sculpteurs, pas encore connus, de créer grâce à des ateliers peu chers, risque fort de se voir transformée en loft de luxe si l'opération immobilière en cours aboutit, la détournant ainsi de sa vocation artistique.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les actions qu'il entend mettre en place pour soutenir ces artistes en matière d'ateliers et/ou logements.




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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 10/05/2006

Réponse apportée en séance publique le 09/05/2006

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, auteur de la question n° 1020, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Yann Gaillard. Monsieur le ministre, aujourd'hui, vous allez inaugurer solennellement l'exposition « La force de l'art » au Grand Palais. Or, ma question porte sur ce qui est à la base même de l'art, c'est-à-dire la condition des artistes. Cette condition, essentielle, consiste à ce que les artistes soient dotés d'ateliers ou d'ateliers-logements leur permettant d'exercer leur activité et d'exprimer leur créativité dans de bonnes conditions.

En Île-de-France, la grande région créative de France, il y aurait au total 2 035 ateliers d'artiste, dont 900 à la ville de Paris, 300 à l'office public d'aménagement et de construction de Paris, 440 à la direction régionale des affaires culturelles d'Ile-de-France, auxquels il faut ajouter quelques cités des arts, d'ailleurs menacées par la spéculation immobilière, comme on le constate aujourd'hui à la résidence des arts de Montmartre.

Beaucoup de problèmes se posent et la Maison des artistes a d'ailleurs créé une commission sur la condition de l'artiste qui se propose d'étudier le problème des ateliers ou des ateliers logements.

D'abord, il y a le problème de la destination des ateliers, souvent transformés en logements, qui sont quelquefois sous-loués et disparaissent donc de la géographie artistique. Ensuite, il y a le problème de la spécialisation. Avec la multiplication des techniques, l'atelier doit être différent dans sa dimension et dans sa contexture du simple atelier où l'on peut faire de la peinture abstraite avec un chevalet. Enfin, il y a le problème de la spéculation immobilière.

Je voudrais vous faire une suggestion, monsieur le ministre. Ne pourriez-vous pas vous réunir avec le maire de Paris et le président de la région d'Ile-de-France dans une sorte de grande commission oecuménique qui, sans opérer bien entendu de distinction entre la condition des artistes français et celle des artistes étrangers faisant depuis toujours la gloire de l'École de Paris, étudierait cette question émouvante au moment même où vous exaltez la force de l'art en France ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous avez raison d'insister sur le lieu et les conditions de vie des artistes qui travaillent dans notre pays.

Je vous remercie aussi d'évoquer cette très grande exposition qui ouvre ses portes demain au public au Grand Palais et dont le vernissage se tient aujourd'hui même. Elle a comme objectif de mettre en valeur la création contemporaine et ce grand rendez-vous trisannuel sera peut-être pour beaucoup de nos concitoyens une première confrontation avec la création contemporaine.

Vous avez évoqué à juste titre les difficultés rencontrées par les artistes plasticiens professionnels pour se loger dans notre pays, notamment en Ile-de-France où ils sont le plus nombreux, et plus généralement le problème des ateliers et des résidences d'artistes.

Récemment, j'ai donné à tous les préfets de région, que j'avais réunis, des instructions très précises pour que, dans l'ensemble de la politique contractuelle de l'État, qu'il s'agisse de la rénovation urbaine ou du logement social, la dimension culturelle des projets d'aménagement ne soit pas oubliée.

En effet, outre le fait qu'il s'agit de rendre satisfaisantes les conditions de vie des artistes plasticiens, la présence d'un atelier ou d'une résidence d'artistes au sein d'un quartier est l'occasion de rencontres, de discussions et d'une effervescence positive. Vous avez donc entièrement raison de soulever ce problème.

Depuis le début des années soixante, le ministère de la culture et de la communication soutient activement la construction et l'aménagement d'ateliers pour artistes plasticiens afin de contribuer à résoudre le problème du manque et du coût élevé de tels locaux.

Cette action se traduit par l'octroi de subventions d'investissement en contrepartie d'un droit de réservation au bénéfice du ministère de la culture et s'est principalement développée en Île-de-France où le ministère est réservataire de près de 1 000 ateliers d'artistes, majoritairement constitués d'ateliers-logements à loyers modérés.

Très attaché à l'amélioration des conditions de travail des créateurs, j'ai confié à l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles une mission permettant, à partir du diagnostic des pratiques mises en oeuvre sur l'ensemble du territoire par l'État et les collectivités territoriales, de déterminer sur les plans juridique, administratif et technique de nouveaux outils d'intervention de l'État en faveur de cette action.

Je retiens en tout cas votre proposition de coopération très étroite entre l'État, la région et la ville et je mènerai ce travail de concertation avec comme seuls objectifs l'efficacité et le résultat, sans aucun point de vue partisan. Nous devons les uns avec les autres résoudre ce problème des conditions de travail de nos artistes plasticiens si nous voulons que notre pays continue d'être un foyer vivant pour la création contemporaine.

Je vous signale d'ailleurs que le projet de loi relatif au droit d'auteur, dont vous allez poursuivre la discussion aujourd'hui et demain, a pour objet, notamment à propos du droit de suite, de traiter un certain nombre de problèmes concrets. De la même manière, les dispositions annoncées par le Premier ministre pour exonérer d'un certain nombre de mesures fiscales les artistes plasticiens dans les cinq premières années de leur travail sont novatrices et importantes.

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Monsieur le ministre, j'aurais mauvaise grâce à ne pas témoigner ma satisfaction devant l'ampleur de votre réponse, qui a de beaucoup dépassé l'objet limité de ma demande. Puisque vous avez fait allusion au droit de suite, je pense que nous aurons à en reparler dans quelque temps, voire quelques heures.

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