Question de M. COLLOMBAT Pierre-Yves (Var - SOC) publiée le 04/05/2006

M. Pierre-Yves Collombat rappelle à M. le ministre de la fonction publique que permettre la mobilité des fonctionnaires est un incontestable gage de qualité pour la fonction publique. Diverses mesures l'encouragent d'ailleurs, à juste titre. Cette utile mobilité, cependant, doit être conciliée avec un principe républicain essentiel : la séparation des pouvoirs et des fonctions. Deux questions notamment se posent : à quelles conditions un fonctionnaire ayant exercé, à quelque titre que ce soit, des fonctions de contrôle, administratif ou financier, d'une collectivité locale peut-il servir auprès de cette collectivité par voie de détachement ou la retraite venue ? à quelles conditions des magistrats en charge du ministère public et des fonctionnaires de police dont la mission est le renseignement peuvent-ils aussi le faire ? Certes, la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984, complétée par le décret n° 2004-715 du 20 juillet 2004, dispose déjà que les départements, les régions et leurs établissements publics, ne peuvent engager des fonctionnaires ou d'anciens fonctionnaires ayant exercé, dans le même ressort territorial, au cours des deux années qui précèdent, les fonctions de préfet, de sous-préfet, de secrétaire général de préfecture, ou de secrétaire en chef de sous préfecture. Mais à sa connaissance, ce sont les seules dispositions légales existantes, ce qui laisse fâcheusement en dehors d'autres catégories de fonctionnaires ayant exercé des fonctions de contrôle des collectivités locales (TPG et comptables du Trésor, directeurs de la concurrence, etc.) et, plus généralement, exigeant une totale indépendance par rapport à elles (magistrats en charge du ministère public, directeurs des renseignements généraux, etc.). Ainsi, le département du Var vient-il d'engager par voie de détachement, sans aucun délai de carence, le directeur départemental des renseignements généraux, en poste depuis des années. Hors de toute question de personne, cela ne paraît pas conforme avec l'esprit de nos institutions républicaines. Une activité aussi sensible que celle des renseignements généraux ne tient, en effet, sa légitimité que d'une stricte indépendance par rapport aux pouvoirs locaux. Il lui demande s'il pense légitime d'étendre la réglementation encadrant les conditions dans lesquelles les fonctionnaires de l'Etat peuvent servir auprès des collectivités locales à d'autres personnes que les hauts fonctionnaires préfectoraux, notamment à ceux qui ont été évoqués ? Dans l'affirmative, quelles dispositions envisage-t-il de prendre ?

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Réponse du Ministère de la fonction publique publiée le 31/05/2006

Réponse apportée en séance publique le 30/05/2006

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 1036, adressée à M. le ministre de la fonction publique.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous nous accordons tous, me semble-t-il, pour estimer que la mobilité des fonctionnaires est un incontestable gage de qualité pour la fonction publique. Diverses mesures l'encouragent d'ailleurs, à juste titre.

Cette utile mobilité, cependant, doit être conciliée avec un principe républicain essentiel, celui de la séparation des pouvoirs et des fonctions.

À cet égard, deux questions principales se posent.

En premier lieu, à quelles conditions un fonctionnaire ayant exercé, à quelque titre que ce soit, des fonctions de contrôle, administratif ou financier, d'une collectivité territoriale peut-il servir auprès de cette collectivité, par voie de détachement ou une fois la retraite venue ?

En second lieu, à quelles conditions des magistrats chargés du ministère public et des fonctionnaires de police dont la mission est le renseignement peuvent-ils rejoindre les services d'une collectivité territoriale dans le ressort géographique de laquelle ils exercent leurs fonctions ?

Certes, la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984, complétée par le décret n° 2004-715 du 20 juillet 2004, dispose déjà que les départements, les régions et leurs établissements publics ne peuvent engager des fonctionnaires ou d'anciens fonctionnaires ayant exercé, dans le même ressort territorial, au cours des deux années qui précèdent, les fonctions de préfet, de sous-préfet, de secrétaire général de préfecture ou de secrétaire en chef de sous-préfecture.

Toutefois, ce sont là, à ma connaissance, les seules dispositions légales existantes, ce qui laisse fâcheusement en dehors du champ des incompatibilités d'autres catégories de fonctionnaires ayant rempli des missions de contrôle des collectivités territoriales - par exemple les trésoriers-payeurs généraux et les comptables du Trésor ou les directeurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - ou, plus généralement, dont les fonctions exigent une totale indépendance par rapport à elles : magistrats chargés du ministère public, directeurs des renseignements généraux, etc.

Ainsi, le conseil général du Var vient d'engager par voie de détachement, sans aucun délai de carence, le directeur départemental des renseignements généraux, qui était en poste depuis plusieurs années. En dehors de toute considération de personne, cela ne paraît pas conforme à l'esprit de nos institutions républicaines. Une fonction aussi sensible que celle de directeur des renseignements généraux ne tire, en effet, sa légitimité que d'une stricte indépendance par rapport aux pouvoirs locaux.

Dans ces conditions, pensez-vous légitime, monsieur le ministre, d'étendre le champ de la réglementation encadrant les conditions dans lesquelles les fonctionnaires de l'État peuvent servir auprès des collectivités territoriales à d'autres personnes que les hauts fonctionnaires préfectoraux, notamment à celles que je viens d'évoquer ? Dans l'affirmative, quelles dispositions envisagez-vous de prendre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le sénateur, j'indiquerai tout d'abord que le recrutement auquel vous avez fait référence est conforme au droit.

Si la mobilité entre les fonctions publiques fait partie des déroulements de carrière normaux des fonctionnaires, des dispositions précises ont bien entendu été prévues pour encadrer un certain nombre de cas sensibles.

Ainsi, comme vous l'avez rappelé, les membres du corps préfectoral ne peuvent être recrutés dans les services des départements et des régions de leur ressort territorial qu'au terme d'un délai de deux ans.

En outre, les magistrats des chambres régionales des comptes ne peuvent être recrutés dans une collectivité territoriale du ressort de leur juridiction qu'après un délai de cinq ans.

Par ailleurs, à l'inverse, nul ne peut être nommé membre d'un tribunal administratif ou d'une cour administrative d'appel s'il a exercé depuis moins de trois ans, dans le ressort de ce tribunal ou de cette cour, une fonction de direction au sein des services d'une collectivité territoriale.

Enfin, pour l'ensemble des fonctionnaires, le détachement n'est jamais de droit. Il suppose l'accord de l'administration d'origine.

Telles sont les règles qui s'appliquent à la mobilité des fonctionnaires entre les différentes fonctions publiques.

Voilà, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je peux apporter à la question que vous avez soulevée, en précisant encore une fois que le recrutement auquel vous avez fait allusion est tout à fait conforme au droit.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je n'ignorais certes pas, monsieur le ministre, que le recrutement que j'ai évoqué était conforme au droit.

Cela étant, ayant posé ma question sans intention polémique - sinon, j'aurais interrogé M. le ministre de l'intérieur -, j'attendais tout de même autre chose que cette réponse en pure langue de bois !

L'affaire que j'ai mise en exergue concerne un département ayant eu pour préfet M. Marchiani, et qui a donc connu le mélange des genres... Pour l'anecdote, la préfecture m'a un jour répondu, à cette époque, alors que je souhaitais parler au préfet, que ce dernier se trouvait en Angola. J'ai ensuite appris qu'il n'y séjournait pas nécessairement au Club Méditerranée !

Quoi qu'il en soit, lorsque j'ai adressé ma question, je souhaitais obtenir une réponse technique, car la réglementation des incompatibilités dans la fonction publique est un véritable sujet de préoccupation. Or, comme vous êtes aussi chargé de la réforme de l'État, monsieur le ministre, je comptais vous entendre au moins reconnaître la réalité du problème et annoncer que vous alliez engager une réflexion.

Depuis, l'actualité a tout de même montré que le mélange des genres, la porosité entre les services de renseignement et les sphères politique ou industrielle n'étaient pas très sains. Ne voulant pas polémiquer, je ne rappellerai pas ici les affaires qui s'étalent dans toute la presse, mais j'insiste sur le fait, monsieur le ministre, que vous devez, puisque la réforme de l'État relève de vos attributions, prendre en considération les problèmes que j'ai soulevés et agir, d'autant que l'on évoque une réunion de l'ensemble des services de renseignement et la constitution d'une structure unique chargée du renseignement intérieur. Toutes les dérives que nous constatons à l'échelon national ne doivent pas se retrouver à l'échelon local.


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