Question de M. CORNU Gérard (Eure-et-Loir - UMP) publiée le 25/05/2006

M. Gérard Cornu appelle l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur la révision des tarifs du service "collecte et remise du courrier à domicile" engagée par La Poste en fin d'année dernière. Conséquence directe de l'ouverture de l'activité "courrier" au secteur concurrentiel, cette révision tarifaire s'est traduite pour certaines entreprises du monde rural par une hausse très sensible des prix. S'il est évidemment nécessaire que La Poste s'adapte aux différentes évolutions pour devenir une entreprise compétitive, ses activités doivent aussi être adaptées au contexte local et, s'il est normal de payer pour un service rendu, il apparaît que la revalorisation des tarifs pratiqués est lourde de conséquences pour certains clients. Des communes ont purement et simplement mis fin à leur contrat avec La Poste, quand certaines entreprises de par la spécificité de leur activité ou la localisation de leur site n'ont d'autre alternative que de subir ces hausses pouvant dépasser 100%. Une telle situation s'explique mal quand elle touche des secteurs géographiques où la concurrence est inexistante et pourrait avoir à terme des répercussions évidentes sur le plan de l'aménagement du territoire. Quels moyens peuvent être mis en oeuvre en concertation avec La Poste pour éviter cet écueil préjudiciable à l'avenir de nos territoires ?

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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 07/06/2006

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2006

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, auteur de la question n° 1054, adressée à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Gérard Cornu. Madame la ministre, en tant que parlementaire, je comprends que La Poste ait l'obligation de s'adapter à différentes évolutions pour devenir, dans un environnement concurrentiel, une entreprise compétitive grâce à la modernisation de ses processus et au développement de l'offre de services à ses clients ; de cela nous sommes ici tous convaincus.

Les défis à relever sont nombreux : la mise en place de la Banque postale, la modernisation des réseaux de proximité, et, désormais, l'ouverture à la concurrence en matière de courrier. C'est à ce dernier point que je consacrerai mon propos de ce matin.

Il apparaît que la revalorisation tarifaire du service « collecte et remise du courrier à domicile » engagée à la fin de l'année dernière est lourde de conséquences pour certains clients de La Poste. La majoration du coût qui a été enregistrée a conduit certaines entreprises à subir des hausses exorbitantes alors que, du fait de la spécificité de leur activité ou de la localisation de leur site, elles n'ont pas eu le choix du prestataire.

Pour exemple, dans mon département, une entreprise de machinisme agricole implantée dans une petite commune rurale compte depuis dix ans sur les colis de pièces détachées déposés avec le courrier du matin pour assurer la maintenance des équipements agricoles qui lui sont confiés. Or elle a vu le montant de la prestation passer de 1 300 euros à 2 900 euros à compter du 1er janvier dernier, soit une augmentation de plus de 220 %, au motif que le service du port et de l'enlèvement à domicile dans le secteur professionnel pouvait être fourni par de nombreux autres opérateurs et qu'à défaut d'augmentation La Poste se serait rendue coupable de dumping.

Une telle situation s'explique mal quand elle touche des secteurs géographiques où la concurrence est de fait inexistante, et elle risque d'avoir des répercussions évidentes en termes d'aménagement du territoire.

Les communes rurales sont également affectées par cette importante augmentation des tarifs. Certaines sont contraintes de mettre un terme à ce service, qui leur donnait pourtant entière satisfaction ; c'était d'autant plus vrai qu'il était souvent assuré plus ou moins gratuitement par La Poste.

La situation est donc difficile à gérer à la fois pour les entreprises installées en milieu rural et pour de nombreuses communes rurales qui n'ont pas d'autre solution que de renoncer à ce service. Elle soulève en outre un douloureux problème en termes d'aménagement du territoire.

C'est pourquoi je voudrais savoir quels moyens peuvent être mis en oeuvre, en concertation avec La Poste, pour éviter ces écueils à tout le moins préjudiciables pour l'avenir de nos zones rurales.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, François Loos, ministre délégué à l'industrie, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, m'a fourni un certain nombre d'éléments de réponse.

Je rappellerai d'abord ce que fait La Poste, et qu'elle fait bien.

Le service de collecte et de remise du courrier est une prestation unique qui répond partout en France aux besoins des entreprises de toute taille.

La Poste met tout en oeuvre pour renforcer la qualité de cette prestation tout en garantissant le prix le plus juste à ses clients. En particulier, elle s'adapte aux exigences horaires de chacun et assure une expédition quotidienne dans les meilleures conditions de sécurité. Le service de remise précoce, par ailleurs, permet à certains, en particulier aux entreprises, de recevoir leur courrier très tôt le matin et, ainsi, de gérer le plus rapidement possible les demandes qui parviennent par la voie postale.

La Poste est toutefois soumise aux règles de la concurrence, notamment à l'une des pierres angulaires du droit de la concurrence français : le principe selon lequel la vente à perte des produits ou des services est rigoureusement interdite.

En 2006, La Poste a donc proposé à ses clients, pour le service de collecte, une grille tarifaire unique établie sur la base de trois critères objectifs : la tranche horaire ; la tranche de volume maximum, mesuré en nombre de plis ; la tranche de temps d'accès. En ce qui concerne la remise, le service est facturé sur la base d'un devis établi après calcul du coût de revient, celui-ci permettant de déterminer le seuil de revente à perte.

Jusqu'à cette année, certains clients bénéficiaient d'un tarif extrêmement avantageux, voire de la gratuité de la prestation. Le tarif proposé en 2006, lui, est établi à partir de critères objectifs nationaux qui permettent un traitement équitable des clients et qui sont cohérents et conformes aux nouvelles règles de concurrence imposées à l'opérateur.

La hausse survenue en 2006 a été rendue nécessaire, notamment, par la forte augmentation des prix de revient afférents aux transports, en particulier par celle qui frappe les carburants. Les charges de fonctionnement ont également fortement augmenté du fait de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sur les déplacements des véhicules utilitaires et sur le renforcement de la sécurité.

La nouvelle grille tarifaire permet à La Poste de couvrir ses coûts de revient sans pour autant répercuter les différences de coûts liées à la zone d'implantation géographique des entreprises, qu'il s'agisse de zones urbaines ou de zones rurales, ces dernières bénéficiant de ce mode de tarification.

À titre d'exemple - les montants sont moins élevés que ceux que vous indiquez dans votre question -, une collecte par La Poste au domicile du client en option « standard » est proposée à 4 euros hors taxes par jour, quelle que soit la zone géographique considérée. Outre le caractère concurrentiel de son tarif, ce service épargne aux entreprises des déplacements quotidiens, générateurs de frais kilométriques, leur permettant également d'optimiser le temps consacré à leur activité.

Par ailleurs, La Poste va renforcer d'ici à 2007 ses engagements sur la qualité de service, grâce au suivi informatisé des tournées, et veiller à la simplification des termes contractuels de ses offres, souvent jugés trop compliqués par ses utilisateurs.

De nouveaux services sont à l'étude, notamment la collecte des plis au siège des entreprises par le facteur ou la collecte à des heures plus tardives pour satisfaire également de nouveaux clients ayant des modes de fonctionnement différents.

Enfin, dans le cadre du projet national de modernisation du courrier, La Poste entend privilégier un dialogue territorial continu pour répondre à la fois à l'objectif de performance qu'elle s'est fixé et, bien entendu, aux missions de service public qui lui incombent, notamment dans les territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Madame la ministre, loin de moi d'accréditer l'idée selon laquelle La Poste ne serait pas une entreprise performante : La Poste est, bien sûr, une entreprise performante et, pour demeurer telle, elle doit se moderniser.

Le problème qui se pose est double.

Vous avez fort bien répondu, madame la ministre, sur le volet concernant les entreprises : La Poste ne doit pas vendre à perte, cela me paraît tout à fait justifié. Cela étant, il y a loin de la vente à perte aux augmentations très importantes qu'elle fait subir à certaines entreprises, notamment en milieu rural.

Certes, le milieu rural est plus difficile à desservir que le milieu urbain ; il me semble cependant que nous devons garder à l'esprit une préoccupation d'aménagement du territoire, et c'est sur elle que, à travers ma question, je voudrais attirer l'attention du Gouvernement. C'est aussi le devoir des parlementaires et du Gouvernement que de faire en sorte que l'aménagement du territoire ne soit pas déséquilibré. Il faut bien voir qu'il est des points du territoire où la concurrence est inexistante en matière postale : certaines entreprises n'ont d'autre choix que de s'adresser à La Poste parce qu'il n'y a pas d'entreprise concurrente.

Pour les communes rurales, dont le budget, vous le savez, est très tendu, le service qui était rendu par La Poste était parfait. Ce n'était tout de même pas grand-chose pour le facteur que de prendre les plis de la commune, et le coût n'était pas exorbitant !

Sur ces deux aspects, il me semble que le Gouvernement, avec l'aide du Parlement, pourrait passer des conventions intéressantes avec La Poste, de façon à rendre service à l'ensemble des entreprises et du monde rural.

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