Question de M. MURAT Bernard (Corrèze - UMP) publiée le 15/06/2006

M. Bernard Murat attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation de la population civile colombienne. Au lendemain de l'élection présidentielle du 28 mai dernier, et considérant les déclarations du président réélu relatives à sa volonté d'instaurer « une sécurité démocratique contre le terrorisme », il lui demande quelle sera la position diplomatique de la France sur ce dossier.

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Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 10/08/2006

Succédant aux élections parlementaires du 12 mars dernier, qui ont donné à la coalition favorable au Président Uribe la majorité absolue au Sénat et à la Chambre des représentants, le premier tour des élections présidentielles colombiennes s'est tenu le dimanche 28 mai. Marquées par un taux de participation de l'ordre de 44 %, ces élections ont donné une large victoire au président sortant, crédité de 62,2 % des suffrages. Le Président Uribe a devancé le candidat du pôle démocratique alternatif (PDA - gauche), Carlos Gaviria, qui a obtenu 22 % des voix, et le candidat du parti libéral, Horacio Serpa, qui a réuni près de 12 % des suffrages. Il devient ainsi le premier président colombien depuis un siècle à être réélu pour un second mandat, ce qui le place à la tête de son pays jusqu'en 2010. Dans un long discours faisant suite à sa réélection, le président Uribe a annoncé la poursuite de sa politique dite de « sécurité démocratique », mise en oeuvre depuis le début de son premier mandat en 2002, soulignant notamment que « la sécurité démocratique a commencé à récupérer les libertés que nous avait arrachées le terrorisme ». Cette politique de fermeté, qui vise à restaurer l'autorité de l'Etat, à combattre les mouvements de guérillas (Forces armées révolutionnaires de Colombie - FARC, fondées en 1964 - et Armée de libération nationale - ELN), et à renforcer les conditions de sécurité existant dans un pays touché par plus de quarante années d'affrontements internes, a produit des résultats sensibles dans les grands centres urbains. Son bilan, malgré une puissante aide militaire américaine développée dans le cadre du plan « Colombie » (700 millions de dollars d'aide par an depuis l'an 2000), s'avère en revanche beaucoup plus nuancé dans les campagnes. La situation de la population civile colombienne est aussi un enjeu du processus mis en oeuvre par la loi « Justice et Paix », adoptée par le congrès colombien en juillet 2005. Cette loi vise, d'une part, la démobilisation de l'ensemble des « groupes armés illégaux » (paramilitaires et mouvements de guérilla), même si, dans les faits, elle concerne très largement les seuls groupes paramilitaires (près de 30 000 hommes démobilisés) et, d'autre part, l'accès des victimes de ces différents groupes aux principes de vérité et de réparation. Cette loi fera l'objet, sur la base notamment des orientations définies par la cour constitutionnelle colombienne dans sa décision du 18 mai dernier, d'une évaluation de l'Union européenne, qui entend se pencher tout particulièrement sur l'importance accordée aux droits des victimes. La question des otages demeure également un sujet central de la vie publique colombienne. Le Président Alvaro Uribe connaît toute l'importance que les autorités françaises attachent à ce problème. Le 13 décembre 2005, le Président colombien a ainsi accepté la proposition, formulée par la France, la Suisse et l'Espagne, de délimiter une petite zone, située dans le département de Valle Del Cauca, afin de permettre au gouvernement colombien et aux FARC d'engager des négociations en vue d'un accord humanitaire permettant la libération des otages, dont Madame Ingrid Betancourt. Le Président Uribe a confirmé cette position au ministre des affaires étrangères lors de leur entretien à Bogota le 26 janvier dernier. Le 23 février, à l'occasion du quatrième anniversaire de l'enlèvement de Madame Betancourt, la présidence de l'Union européenne a publié une déclaration qui reconnaît la nécessité de conclure un accord humanitaire et qui appuie pleinement la proposition que la France a faite, avec l'Espagne et la Suisse, pour faciliter l'ouverture d'un dialogue. Nous considérons, dans le contexte créé par la réélection du Président Uribe, qu'il est essentiel de continuer à promouvoir inlassablement cette initiative, notamment auprès des FARC, que nous avons invitées à réagir de manière constructive à cette proposition. Soucieuse que les contacts nécessaires se fassent dans la plus grande discrétion, la France espère une issue favorable qui signifierait la fin d'une épreuve terrible pour les otages et leurs proches et qui pourrait également être le signe d'une volonté de s'engager sur la voie d'une solution négociée du conflit colombien. L'accord humanitaire que la France appelle de ses voeux serait un pas dans cette direction. Notre pays demeure disponible pour accompagner la Colombie dans la recherche de chemins de paix bénéficiant à l'ensemble de sa population.

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