Question de M. COINTAT Christian (Français établis hors de France - UMP) publiée le 05/10/2006

M. Christian Cointat expose à M. le ministre des affaires étrangères que le système de numerus clausus des étudiants étrangers mis en place par le Gouvernement de la Communauté Française de Belgique pose problème pour un nombre significatif d'étudiants Français. Ces décisions suscitent la crainte de mesures équivalentes de la France, qui pénaliseraient les étudiants belges et les binationaux franco-belges, particulièrement ceux habitant dans les zones frontalières de la Belgique et de la France. Cette décision soulève des difficultés pour l'application du programme de Bologne (19 juin 1999) et, d'une manière générale, des programmes européens d'enseignement et de recherche. Il lui expose que la Commission européenne s'est interrogée sur la licéité de ces mesures par rapport à la législation communautaire et que plusieurs étudiants français ont engagé des recours contentieux contre les mesures belges. Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour garantir les droits des étudiants concernés. Il lui demande notamment si une négociation est envisagée entre les deux États pour garantir le rayonnement de l'espace culturel francophone. Il lui rappelle qu'un accord de coopération a été signé entre la France et la Communauté française de Belgique en 1999, dont la commission mixte permanente a retenu prioritairement la mobilité des étudiants dans le domaine de l'éducation. D'autre part, un accord a été également été signé entre la France et la Région Wallone de Belgique le 10 mai 2004. Il lui demande si une solution pourrait être trouvée dans le cadre de l'un ou l'autre de ces accords.

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Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 21/12/2006

Devant l'afflux sur son territoire d'étudiants étrangers non résidents, dont un grand nombre de Français, le gouvernement de la Communauté française de Belgique a promulgué le 16 juin 2006, un décret régulant le nombre d'étudiants étrangers dans certains cursus de premier cycle de l'enseignement supérieur. En application de ce décret, qui a pris effet à compter de la rentrée universitaire 2006, un quota a été mis en place limitant à 30 % de l'effectif le nombre de non-résidents admis en première année de certaines filières d'enseignement supérieur belge : études vétérinaires, kinésithérapie, podologie, audiologie, ergothérapie, lodopédie, étude de sage-femme et d'éducateur spécialisé. Ce décret s'applique de fait à la grande majorité des étudiants français porteurs d'un projet d'étude en Belgique, à l'exception de ceux d'entre eux dont la famille réside de façon permanente en Belgique ou qui ont, au moment de leur inscription universitaire, leur domiciliation principale dans ce pays depuis au moins trois ans. Ces deux dernières catégories d'étudiants bénéficient du statut « d'étudiants étrangers résidents » et ne sont donc pas concernés par le nouveau dispositif de quota mis en place. Les étudiants « non résidents » ont disposé d'un délai limité à trois jours ouvrables pour leur inscription dans l'établissement de leur choix, le choix étant lui-même limité à un seul établissement. Pour les établissements d'enseignement où le nombre d'étudiants « non résidents » inscrits dépasse le quota de 30 %, un tirage au sort a été établi pour déterminer les admissions. Toutefois, un certain nombre d'étudiants « non résidents » tirés au sort n'ont pu intégrer l'établissement de leur choix, leur dossier de demande d'équivalence de diplôme, déposé avant le 16 juillet 2006, ayant été jugé incomplet. Ces étudiants n'ont été informés du refus d'équivalence par l'administration de la Communauté française de Belgique qu'au début du mois de septembre, après le tirage au sort. Le retard intervenu dans la communication de cette information a largement pénalisé ces étudiants qui, prévenus plus tôt de leur inéligibilité, auraient pu envisager une solution alternative pour leur projet d'étude. En outre, ces étudiants recalés n'ont pas été remboursés de leurs frais de dossier (124 EUR). Il convient également de signaler le cas d'étudiants français ayant effectué une première année d'étude dans un des établissements visés par le décret et qui, souhaitant changer de filière au sein du même établissement, ont été soumis à la règle du tirage au sort, ce qui, en cas de résultat négatif, a pu les conduire à perdre une année. Cette situation est discriminatoire au regard des conditions d'admission des étudiants belges dans les établissements d'enseignement supérieur français. En effet, ceux-ci ne sont pas tenus de constituer un dossier spécifique de demande d'équivalence mais doivent simplement présenter à l'université de leur choix, au moment de leur inscription, leur diplôme de fin d'études secondaires. En réponse à la situation créée par ce décret, deux recours en suspension ont été déposés. Un premier recours a été introduit devant une cour d'arbitrage belge, par des étudiants français et des professeurs belges, au motif que le décret visé est discriminatoire, que son application est disproportionnée et qu'il vient à contre-courant des objectifs européens en matière de mobilité étudiante. En outre, les opposants à ce texte ont fait valoir que l'existence de plusieurs filières d'étude serait directement menacée par le contingentement des étudiants français, qui représentent de loin la principale communauté d'étudiants étrangers en Belgique. Ce recours a toutefois été rejeté par la cour d'arbitrage belge. Celle-ci s'est prononcée non pas sur le fond de la loi, mais sur l'existence d'un éventuel préjudice. En l'occurrence, les juges de la cour d'arbitrage ont considéré que les deux conditions requises pour que la suspension du décret visé puisse être décidée n'étaient pas remplies, à savoir que des « moyens sérieux doivent être invoqués et [que] l'exécution immédiate de la règle doit risquer un préjudice grave difficilement réparable ». A cet égard, la cour a considéré que les étudiants français requérant « ne démontrent nullement qu'ils ne pourraient pas entamer les études envisagées ni dans le pays où ils séjournent, ni dans un autre pays, ni dans une autre communauté en Belgique, s'ils n'étaient pas admis » ; de même, la cour a jugé que les professeurs belges, qui dénonçaient une diminution de la qualité de l'enseignement dans ces formations ainsi qu'un risque de suppression de leurs postes d'enseignants, n'allèguent pas d'un intérêt direct et « ne démontrent pas que le décret attaqué risque de leur causer un préjudice grave difficilement réparable, puisqu'il pourrait l'être, par exemple, par une indemnité financière ». Un autre recours a été également déposé devant la Commission européenne au motif que le décret est contraire au droit européen, notamment à l'article 12 du traité instituant la Communauté européenne, qui interdit toute discrimination en fonction de la nationalité ainsi qu'aux articles 149 et 150, qui prévoient la coopération entre les Etats membres en matière d'enseignement et de formation ainsi que la mobilité des formateurs et des étudiants. La Commission européenne a demandé aux autorités de justifier cette législation. La procédure est en cours. (pour mémoire : la Belgique a déjà été condamnée en 2004 pour discrimination par le juge européen dans le même domaine). En dépit des mesures de contingentement prises par l'administration de la Communauté française de Belgique, le gouvernement français, dans le souci de maintenir l'attractivité du territoire, n'envisage pas de prendre des mesures de réciprocité qui remettraient en cause la politique d'accueil des étudiants belges en France. Il préfère interagir en faveur des étudiants français visés par le décret du 16 juin 2006. Dans cette perspective, le ministère des affaires étrangères a pris contact, par l'intermédiaire de son secrétaire général, avec M. William Ancion, délégué général de la représentation de la communauté française de Belgique et de la région wallonne à Paris. Au cours de cet entretien, qui a porté également sur l'ensemble de la coopération existante entre la France et la communauté français de Belgique ainsi que sur certaines échéances européennes, le délégué général de Wallonie - Bruxelles a reconnu la nécessité d'une concertation rapide concernant les difficultés d'équivalence de diplôme. A la demande de notre ambassade, un entretien a eu lieu avec Mme Arena, ministre-présidente de la communauté française de Belgique. Mme Arena a donné son accord pour la réunion dans des délais rapprochés, d'un groupe de travail qui associerait, pour la partie belge, le directeur de la commission des équivalences et le conseiller en charge de ce dossier auprès de Mme Arena, et pour la partie française, des représentants du ministère des affaires étrangères, du ministère de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et du centre international d'études pédagogiques. Lors de cet entretien, la ministre-présidente a justifié le dispositif belge de délivrance des équivalences par arrêté, pris au cas par cas, en faisant valoir que les universités belges ne procèdent à aucun filtrage préalable des étudiants. Elle a également invoqué la gratuité des études dans ces établissements et la diversité des sections du baccalauréat français, qui ne donnent pas toujours l'accès aux études supérieures dans les établissements relevant de la CFB. Au terme de cet entretien, la réunion d'un groupe de travail doit intervenir rapidement dans la perspective de faciliter la reconnaissance des diplômes de fin d'études secondaires pour les candidats français à des études supérieures en communauté française de Belgique. Il s'agit de réaliser une étude comparative des certifications des études secondaires permettant de simplifier les procédures d'équivalence pour nos ressortissants en vue de prendre des mesures d'assouplissement dès la rentrée universitaire prochaine et de réduire ainsi le déséquilibre de traitement des étudiants français en Belgique par rapport aux étudiants belges en France.

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