Question de Mme BEAUFILS Marie-France (Indre-et-Loire - CRC) publiée le 28/12/2006

Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture sur la situation des établissements publics d'enseignement technique agricole qui connaissent
une baisse de leurs moyens depuis ces quatre dernières rentrées scolaires.
Les conséquences sont dramatiques : elle lui rappelle la suppression de 548 emplois, la diminution moyenne de la dotation globale horaire de 1,5% par an, la réduction d'horaires ce qui entraîne la suppression de nombre de dédoublements et la disparition des heures de soutien dans certaines formations. Elle constate la remise en cause de la capacité des établissements publics à poursuivre l'accomplissement de leur mission première de formation et d'insertion scolaire. Elle lui demande ce qu'il compte faire pour que les établissements publics puissent mettre en oeuvre un enseignement technique agricole conforme aux besoins de notre temps.

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Réponse du Ministère délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche publiée le 31/01/2007

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2007

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 1208, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mme Marie-France Beaufils. Nous assistons, depuis 2003, à une dégradation constante des moyens alloués à l'enseignement technique agricole public ; cela a été évoqué à plusieurs reprises par les personnels et a été rappelé dans cette assemblée, en particulier lors du vote du budget.

Toutefois, il semble que M. Bussereau ne soit pas très réceptif à ce qui est martelé depuis trois ans. En effet, il persiste dans une politique qui ne fait qu'aggraver la situation de l'enseignement agricole, dont tout le monde reconnaît la qualité et l'efficacité en termes de débouchés.

Lors d'une précédente discussion, M. le ministre de l'agriculture et de la pêche ne reconnaissait que la suppression de huit emplois pour l'enseignement public agricole dans le budget pour 2007. Mais ce sont, en réalité, 548 emplois qui auront disparu depuis le début de la législature, dont 48 pour le budget 2007.

Dans la loi de finances, M. le ministre se glorifiait de ne remplacer que trois départs en retraite sur quatre dans ce secteur. Or le Gouvernement a plafonné le recrutement, ce qui a conduit de nombreux établissements à refuser des élèves faute de moyens pour les accueillir.

En outre, et c'est la cerise sur le gâteau, si vous me permettez l'expression, l'interdiction de redoublement pour les élèves de terminale qui n'ont pas réussi leur examen vient s'ajouter à l'ensemble de ces mesures, privant ainsi malheureusement certains jeunes d'une nouvelle chance. Cela me semble totalement anti-pédagogique et peut être lourd de conséquences pour ceux dont on n'accepte pas le moindre échec.

La situation devient grave. L'enseignement agricole public, déjà minoritaire, a vu sa part se réduire de deux points, pour ne représenter aujourd'hui que 38 % du total des effectifs.

Les conséquences de cette politique d'austérité sont inquiétantes pour les élèves et pour les enseignants : les horaires des enseignements obligatoires ont été réduits ; de nombreux dédoublements ont été supprimés dans plusieurs disciplines ; les heures de soutien, qui contribuaient à remettre à niveau les élèves en difficulté, ont été annulées dans de nombreuses formations ; les enseignements facultatifs ont été diminués de façon drastique. On assiste ainsi à des suppressions d'emplois contractuels.

Cette réalité n'est pas contestable ! Jusqu'à ce jour, comme moyen de défense pour justifier cette politique, M. le ministre invoque le contexte budgétaire difficile. Mais celui-ci dépend en fait des décisions du Gouvernement, qui a organisé sciemment la baisse des impôts pour les plus riches et amoindri ainsi les ressources de l'État.

Le prétexte de la réduction du déficit public a bon dos ! Les choix budgétaires effectués pendant toute la législature ont eu comme fil conducteur l'affaiblissement des services publics en direction des citoyens, au profit du renforcement de ce que le Gouvernement appelle les pouvoirs régaliens.

Le budget pour 2007 n'a pas dérogé à la règle. On enregistre une baisse de 10,54 millions d'euros pour l'enseignement agricole public, quand l'enseignement agricole privé bénéficie d'une augmentation de 6,72 millions d'euros.

Vous semblez donc prendre pour cible l'enseignement public agricole. Vous l'avez affaibli depuis trois ans, tout en déclarant qu'il obtenait de bons résultats. C'est une drôle de façon de le soutenir ! C'est surtout faire peser sur lui un risque très lourd d'être dans l'impossibilité de poursuivre sa mission.

Comptez-vous prendre des mesures pour que cet enseignement puisse répondre aux besoins du secteur agricole, de l'aménagement et du développement de nos territoires, et pour qu'il puisse assurer sa mission d'insertion scolaire, dont tout le monde vante l'intérêt ? Cela serait d'ailleurs conforme à la loi d'orientation agricole de 1999.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Dominique Bussereau, qui m'a chargé de vous répondre en son nom au sujet de l'enseignement agricole public. Il s'agit d'un domaine que je connais également.

La dotation globale horaire attribuée aux lycées agricoles publics permet de couvrir l'intégralité des enseignements obligatoires et des dédoublements prévus par les programmes dans les classes ouvertes pour l'année scolaire 2006-2007.

S'agissant du contexte budgétaire, c'est un autre débat. Mais nous assumons cette politique nécessaire de maîtrise des dépenses publiques.

La dotation a été quasiment maintenue par rapport à l'année scolaire précédente. Pour la prochaine année scolaire, le budget voté par les assemblées parlementaires garantit une stabilité des moyens.

Dans la loi de finances pour 2007, le Gouvernement a de nouveau porté une attention particulière à l'enseignement technique agricole, tant public que privé. Il a en particulier conforté l'accompagnement éducatif, pédagogique et social des élèves en consolidant trois postes particulièrement importants.

Tout d'abord, les crédits consacrés aux assistants d'éducation progressent de 5 %, ce qui est essentiel pour assurer un bon encadrement des nombreux élèves accueillis dans les internats de nos établissements. Nous le savons, c'est une spécificité de l'enseignement agricole.

Ensuite, les crédits relatifs au remplacement des personnels augmentent de 1,8 % pour assurer la continuité pédagogique et le bon fonctionnement des établissements.

Enfin, l'aide sociale aux élèves est confortée.

En matière d'emploi, l'enseignement a également été préservé. Le taux de renouvellement des postes à la suite des départs à la retraite est plus élevé chez les enseignants que chez les autres catégories d'agents : trois départs à la retraite sur quatre seront remplacés, c'est incontestable, et ce ratio est le même qu'à l'éducation nationale. Au final, ce sont seulement huit emplois d'enseignants qui seront supprimés dans l'enseignement public et dix emplois dans l'enseignement privé.

Madame la sénatrice, ces efforts réalisés par le ministère de l'agriculture et de la pêche dans le contexte que nous connaissons constituent, à l'évidence, la traduction d'une détermination forte du Gouvernement à préserver la spécificité de l'enseignement agricole au sein de notre système éducatif, sa qualité, son ancrage dans nos territoires, en particulier dans les territoires ruraux.

En conclusion, votre inquiétude est largement entendue et nous donnons à l'enseignement agricole public les moyens d'un fonctionnement de qualité, qui est sa marque depuis fort longtemps.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, sur ce sujet, nous ne disposons vraiment pas des mêmes chiffres !

Prenons l'exemple des heures consacrées au soutien. Pour un certain nombre de formations, elles ont disparu. Le fait est même assez marquant dans un certain nombre de secteurs. Ainsi, pour le brevet de technicien supérieur agricole, elles sont passées de cent vingt heures à soixante ! Et je pourrais vous citer d'autres exemples !

S'agissant de l'évolution des emplois, vous reprenez, dans votre réponse, ce que m'a dit M. Bussereau lors d'une précédente rencontre, à savoir que, dans le budget 2007, huit emplois contractuels seront supprimés dans l'enseignement privé. Mais, dans l'enseignement technique public, ce sont dix postes d'enseignants qui seraient supprimés et quarante-huit équivalents temps plein sur l'ensemble des personnels.

Un autre exemple montre clairement à quel point la situation est en train de se dégrader : alors que cent trente-cinq postes devaient être supprimés dans le budget 2006, en définitive, quarante-six postes de plus le seront, ce qui porte le nombre de suppressions à cent quatre-vingt-un.

Aujourd'hui, vous prétendez que la situation s'améliore ; vous comprendrez que je ne puisse accepter de tels propos.

Les crédits consacrés à l'aide sociale aux élèves ont été en diminution et le sont encore, dans la loi de finances pour 2007 par rapport à la loi de finances pour 2006, de 2 150 000 euros. Il s'agit là d'un véritable problème ! Cela est dû, nous a-t-on dit, au fait qu'en 2006 il a fallu rattraper les retards antérieurs.

Sur le terrain, la réalité est tout autre s'agissant de l'accueil des élèves, et je le constate aussi dans mon département : un certain nombre de jeunes qui auraient voulu suivre ces formations n'ont pas pu intégrer les établissements, faute de capacités d'accueil suffisantes.

Le travail qui a été engagé avec les lycées agricoles est pourtant d'une très grande richesse. Dans mon département, une réflexion a été menée, sur toutes ces terres touchées par la déprise agricole et situées particulièrement dans les zones inondables de la Loire, avec les professionnels, la chambre d'agriculture et le lycée agricole de notre agglomération. Il y avait là, pour des jeunes, un potentiel de formation et d'avenir. Or, aujourd'hui, compte tenu des moyens de l'enseignement agricole public qui diminuent, alors que, parallèlement, ceux de l'enseignement privé augmentent fortement, une barrière est en train de se dresser, qui ne nous permet pas d'envisager l'avenir dans les mêmes conditions.

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