Question de Mme DINI Muguette (Rhône - UC-UDF) publiée le 18/01/2007

Mme Muguette Dini appelle l'attention de M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille sur l'insuffisante protection des enfants dans les cas de suspicion de maltraitance. Ainsi, il existe un décalage préjudiciable entre la durée des retraits des agréments des assistant(e)s maternel(le)s et les délais nécessaires à la justice pour rendre ses conclusions.

Dans l'état actuel des textes, la suspension d'agrément est une mesure d'urgence de quatre mois, prise par le président du conseil général. Cette procédure a pour but de protéger d'un danger potentiel, des enfants gardés par un(e) assistant(e) maternel(le), en raison de suspicion d'actes de maltraitance, d'abus sexuels, pesant soit sur une personne faisant partie de l'entourage immédiat de l'assistant(e) maternel(le), soit, et plus rarement, sur l'assistant(e) maternel(le) lui (elle)-même.

Cette suspicion de maltraitance trouve, dans la grande majorité des cas, son origine dans les dires des enfants gardés par l'assistant(e) maternel(le), étayés, parfois, par des certificats médicaux établis consécutivement à la parole de l'enfant.

Or, à l'issue de ces quatre mois, le président du conseil général, ne disposant d'aucun élément probant autre que les dires de l'enfant, se trouve dans la contradiction suivante :

- soit il refuse de prendre une mesure non fondée et ne procède pas au retrait définitif de l'agrément, prenant alors le risque de laisser des enfants en présence d'une personne susceptible de se livrer à des actes de maltraitance ou d'abus sexuels;

- soit, par principe de précaution, il procède au retrait de l'agrément de l'assistant(e) maternel(le), alors que les juges administratifs considèrent que les déclarations d'un enfant, en l'absence de résultats de l'instruction judiciaire, sont insuffisantes pour fonder un retrait d'agrément. Dans ce cas, les départements s'exposent à des recours.

Pour éviter de telles situations, elle propose deux dispositions différentes :
• prolonger la durée de la suspension d'agrément, ce qui permettrait éventuellement de fonder plus solidement un retrait d'agrément;
• lier la procédure de suspension d'agrément et la procédure de signalement judiciaire en permettant la suspension, ou le « retrait temporaire » d'agrément jusqu'à la clôture de l'instruction de l'affaire, ou du jugement, quitte à prévoir une procédure de nouvel agrément « immédiat » au cas où la personne suspectée est mise hors de cause.

Il est vrai que le retrait de l'agrément prive l'assistant(e) maternel(le) du droit d'exercice de son activité et de sa source de revenus, alors qu'il (elle) n'est pas toujours mis(e) personnellement et directement en cause. Toutefois, elle souhaite que l'intérêt et la protection de l'enfant passent avant toute autre considération.

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 07/02/2007

Réponse apportée en séance publique le 06/02/2007

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, auteur de la question n° 1216, adressée à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

Mme Muguette Dini. Monsieur le ministre, ma question porte sur la protection aléatoire des enfants confiés à des assistantes maternelles - j'emploie le féminin, puisque ce sont, la plupart du temps, des femmes - dans les cas de suspicion de maltraitance.

En effet, il existe un décalage préjudiciable entre la durée des retraits des agréments des assistantes maternelles et les délais nécessaires à la justice pour rendre ses conclusions.

Dans l'état actuel des textes, la suspension d'agrément est une mesure d'urgence de quatre mois, prise par le président du conseil général. Cette procédure a pour but de protéger d'un danger potentiel des enfants gardés par une assistante maternelle, en raison de suspicions d'actes de maltraitance, d'abus sexuels, pesant soit sur une personne faisant partie de l'entourage immédiat de l'assistante maternelle, soit, plus rarement, sur l'assistante maternelle elle-même.

Cette suspicion de maltraitance trouve, dans la grande majorité des cas, son origine dans les dires des enfants gardés par l'assistante maternelle, étayés parfois par des certificats médicaux établis consécutivement à la parole de l'enfant.

Or, à l'issue de ces quatre mois, le président du conseil général, ne disposant d'aucun élément probant autre que les dires de l'enfant, se trouve devant la contradiction suivante : soit il refuse de prendre une mesure non fondée et ne procède pas au retrait définitif de l'agrément, prenant alors le risque que des enfants soient de nouveau en présence d'une personne susceptible de se livrer à des actes de maltraitance ou d'abus sexuels, soit, par principe de précaution, il procède au retrait de l'agrément de l'assistante maternelle, alors que les juges administratifs considèrent que les déclarations d'un enfant, en l'absence de résultats de l'instruction judiciaire, sont insuffisantes pour fonder un retrait d'agrément. Dans ce cas, les départements s'exposent à des recours.

Pour éviter de telles situations, deux dispositions différentes sont envisageables : d'une part, prolonger la durée de la suspension d'agrément, ce qui permettrait, éventuellement, de fonder plus solidement un retrait d'agrément ; d'autre part, lier la procédure de suspension d'agrément et la procédure de signalement judiciaire, en permettant la suspension ou le « retrait temporaire » d'agrément jusqu'à la clôture de l'instruction de l'affaire ou du jugement, quitte à prévoir une procédure de nouvel agrément « immédiat », au cas où la personne suspectée est mise hors de cause.

Il est vrai que le retrait de l'agrément prive l'assistante maternelle du droit d'exercice de son activité et de sa source de revenus, alors qu'elle n'est pas toujours mise personnellement et directement en cause. Toutefois, il est essentiel que l'intérêt et la protection de l'enfant passent avant toute autre considération.

Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de la réponse que vous voudrez bien apporter à cette demande qui reflète, j'en suis sûre, une grave préoccupation des présidents de conseils généraux.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, le Gouvernement a voulu agir, pour prévenir les cas de maltraitance, en renforçant les exigences de formation dans le nouveau statut des assistantes maternelles. Il existe désormais une formation obligatoire de 120 heures, dont la moitié avant l'accueil du premier enfant.

Dans les situations de suspicion de maltraitance fondées sur les dires de l'enfant, si les conditions d'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général doit procéder au retrait de l'agrément et, en cas d'urgence, le suspendre. Cette première appréciation, réalisée sous sa responsabilité, lui appartient.

Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié à l'assistante maternelle. Cette décision de suspension ne peut excéder une période de quatre mois. À l'issue de cette période, la suspension ne peut être prolongée et il faut prendre une décision ; c'est cette situation que vous évoquez.

Le président du conseil général peut décider le retrait définitif de l'agrément, alors même qu'il ne s'estimerait pas suffisamment éclairé pour prendre une décision définitive, qui est naturellement passible de recours devant les tribunaux. Par conséquent, on comprend que le président du conseil général ne veuille pas prendre cette décision à la légère.

S'il ne procède pas à son retrait, l'agrément redevient de plein droit. Dans ces conditions, et alors même qu'il existe un doute, l'enfant peut être exposé à une situation très difficile.

Vous recommandez donc que la durée de suspension puisse être prolongée ou que les procédures de suspension et de signalement judiciaire soient liées, en permettant le retrait temporaire jusqu'à la clôture de l'instruction.

Je suis prêt à examiner l'une ou l'autre de ces solutions, qui me paraissent effectivement mériter une étude approfondie

Je voudrais, toutefois, rappeler que, selon un principe fondamental de procédure pénale, une personne mise en examen est présumée innocente. Il est donc difficile de prendre une décision définitive alors que la suspicion peut être liée à une simple médisance ou à une fausse accusation.

Cependant, l'article 137 du code de procédure pénale prévoit des mesures de sûreté, parmi lesquelles la possibilité d'astreindre une personne mise en examen à des obligations de contrôle judiciaire.

Dans l'attente d'une réponse définitive à la question que vous m'avez posée, il est donc d'ores et déjà possible d'utiliser cette obligation de contrôle judiciaire pour être rassuré sur la sécurité d'un enfant à l'issue de la période de suspension de l'agrément d'une assistante maternelle.

Aujourd'hui, des réponses sont possibles, vous en proposez d'autres ; je suis à votre entière disposition afin que nous y travaillions ensemble.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Je remercie M. le ministre de ses réponses. Je sais que, sur le fond, nous sommes d'accord.

En réalité, la difficulté est bien plus grande quand les suspicions de maltraitance ou d'abus sexuels concernent l'entourage de l'assistante maternelle. Bien entendu, aucun président de conseil général ne prendra le risque de voir un enfant retourner dans une famille qui n'est pas sûre. C'est une grave question, qui inquiète beaucoup nos services.

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