Question de M. LECERF Jean-René (Nord - UMP) publiée le 02/08/2007

M. Jean-René Lecerf attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les montants des dommages et intérêts prononcés par les tribunaux civils.
Des exemples récents démontrent qu'il existe de fortes disparités dans les dommages et intérêts accordés d'un tribunal à l'autre pour des litiges pourtant comparables, voire quasiment identiques. Il semble que les juges rechignent à s'aligner sur les jugements d'autres tribunaux, même lorsqu'ils sont versés au débat par la partie demanderesse. Or, comme le rappelle justement M. Jean-Pierre Dintilhac, président de chambre de la Cour de cassation de 1999 à 2006, dans un ouvrage récent ("Rendez-nous la justice", éditions Jacob-Duvernet, page 219) : "La qualité de la justice, c'est encore la recherche de cohérence. Ceux qui s'adressent à la justice ou qui sont confrontés à elle acceptent mal de voir des situations identiques traitées de manières différentes selon le magistrat saisi. L'indépendance des magistrats ne doit pas favoriser l'individualisme et dispenser les juges de confronter leurs points de vue et de chercher à les rapprocher".
Il s'agit donc de concilier l'indépendance des juges avec l'égalité des citoyens devant la justice. Il lui demande donc s'il lui paraît possible et souhaitable d'envisager une modification du nouveau code de procédure civile afin d'harmoniser les dédommagements accordés par les tribunaux, en fixant par exemple, des dédommagements planchers pour les grandes familles de litige. Ainsi, lorsqu'un fournisseur d'accès à Internet n'a pas fourni la prestation contractuellement garantie, le dédommagement pourrait être, au minimum, de dix fois le coût de l'abonnement mensuel. Ce système ne ferait pas disparaître les disparités de traitement, mais les réduirait considérablement.

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Réponse du Ministère de la Justice publiée le 28/02/2008

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'elle partage pleinement son souci d'une égalité de traitement des justiciables, notamment quant aux montants d'indemnisation qui leur sont alloués. Cette préoccupation doit être cependant conciliée avec le principe de la réparation intégrale du dommage, qui implique une appréciation individualisée de chaque demande dont est saisi le juge, incompatible avec tout traitement forfaitaire de l'indemnisation. Dans le respect de ce principe, la Chancellerie s'attache à favoriser l'harmonisation des jurisprudences, notamment en matière d'indemnisation du dommage corporel, en améliorant l'accès, la lisibilité et l'exhaustivité des bases de données jurisprudentielles existantes ainsi qu'en promouvant auprès de l'ensemble des acteurs de la matière l'utilisation de la nomenclature des chefs de préjudice, établie par un groupe de travail présidé par M. Jean-Pierre Dintilhac, président de chambre honoraire à la Cour de cassation. La rationalisation attendue de ces actions devrait contribuer à une meilleure harmonisation de la jurisprudence. S'agissant de la responsabilité contractuelle, qui pèse notamment sur les fournisseurs d'accès à internet évoqués dans la question, un dédommagement dont le seuil serait forfaitairement fixé par le législateur, quel que soit le manquement imputable au professionnel, serait incompatible avec le principe posé à l'article 1150 du code civil, selon lequel le débiteur ne doit réparer que le seul dommage prévisible lors de la conclusion du contrat. Cependant, afin d'améliorer la situation des particuliers dans le secteur des communications électroniques, la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a prévu plusieurs améliorations significatives des droits de ces derniers. Ainsi, afin de limiter le contentieux lié à la restitution des dépôts de garantie et des sommes versées d'avance aux opérateurs, le nouvel article L. 121-84-1 du code de la consommation prévoit que ces sommes doivent être restituées au plus tard dans un délai de dix jours à compter du paiement de la dernière facture ou de la restitution au professionnel de l'objet garanti. En cas de retard, les sommes dues sont, de plein droit, majorées de moitié. De même, le nouvel article L. 121-84-7 limite le montant des frais de résiliation susceptibles d'être facturés au client aux coûts que le fournisseur a effectivement supportés au titre de la résiliation, à condition que ces frais soient dûment justifiés et que leur prise en charge par le consommateur soit explicitement prévue par le contrat.

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