Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 09/08/2007

M. Jean Louis Masson attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme sur le fait qu'à la suite des élections législatives, toutes les questions écrites qui avaient été posées sous la précédente législature et qui n'avaient pas encore obtenu de réponse ont été déclarées caduques. Il lui pose donc à nouveau la question qui avait été adressée à son prédecesseur le 2 février 2006 et à laquelle celui-ci n'avait pas répondu. Plus précisément, il attire son attention sur le fait qu'il se confirme que les services secrets américains et notamment la CIA ont utilisé l'espace aérien et certains aéroports des pays de l'Union européenne afin de transporter des prisonniers détenus en toute illégalité. Ces prisonniers étaient conduits vers des lieux secrets pour être l'objet de tortures et de sévices divers contraires aux droits de l'homme et caractérisant même la notion de crimes de guerre. Bien qu'étant moins impliquée que d'autres pays, la France n'a cependant pas une position tout à fait claire en la matière. Il souhaiterait donc qu'il lui indique sans ambiguïté si oui ou non la France ignorait totalement l'existence de tels passages dans son espace aérien, et s'il n'y a jamais eu l'ombre d'un indice susceptible d'alerter les pouvoirs publics français en la matière.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé des affaires étrangères et des droits de l'homme publiée le 10/04/2008

La France n'est pas « moins impliquée » que d'autres pays de l'Union européenne dans les transports de prisonniers par une Agence de renseignement étrangère : à la connaissance de ce ministère, elle ne l'est pas du tout, et à aucun moment ni en aucun lieu, les services de l'Etat n'ont été associés d'une manière ou d'une autre à des opérations de ce type, par ailleurs condamnées par le Conseil européen au nom de tous les Etats membres, y compris la France. La question du survol de l'espace aérien national est différente, car il est impossible de contrôler systématiquement la cargaison d'aéronefs qui n'effectuent aucune escale sur notre sol, sachant qu'en outre, les opérations dont il est question font le plus souvent recours à des prestataires privés dont le lien avec la lutte contre le terrorisme est tout sauf apparent. Si la France avait eu à cet égard le moindre indice ou le moindre doute, elle aurait effectué immédiatement les démarches diplomatiques requises auprès du pays commanditaire. Si elle n'a pas eu à le faire, c'est que, très probablement, notre espace aérien n'a pas été utilisé. Il convient de rappeler à cet égard que le parquet de Bobigny a, en septembre dernier, classé sans suite une plainte visant le transit présumé par la France d'avions de la CIA transportant ce type de suspects, après enquête de la gendarmerie des transports aériens (cela concernait notamment des transits par les aéroports du Bourget et de Brest, au sujet desquels aucun élément ne permettait d'affirmer que ces vols avaient été affrétés par la CIA, ni que des détenus se trouvaient à bord). Comme le sait l'honorable parlementaire, notre pays peut se féliciter d'avoir développé au fil des ans un système de prévention et de répression du terrorisme qui a fait ses preuves, tout en respectant les règles de l'Etat de droit. En trois grandes lois successives (1986, 1996 et 2006), un régime spécialisé de traitement des affaires de terrorisme a été mis en place sous le contrôle du juge, qui a permis d'éviter le recours à un régime d'exception. Il faut ajouter au contrôle du juge français ceux exercés par la CJCE et la CEDH, deux enceintes qui constituent le cadre éthique de notre lutte contre le terrorisme. Ce régime, à la fois opérationnel, efficace, et respectueux de la règle de droit, recueille l'adhésion de l'opinion publique. Sans doute faut-il y voir le fruit d'une longue expérience du terrorisme et des nombreux attentats qui ont malheureusement endeuillé notre pays : cette caractéristique nous a évitée jusqu'à présent de réagir « à chaud » de manière excessive à des évènements qui n'auraient pas été anticipés. Chaque pays réagit à sa façon à une menace difficile à percevoir par l'opinion publique tant qu'elle n'est pas directement touchée, mais doit naturellement le faire dans le respect de ses obligations internationales. C'est pourquoi la diplomatie française s'emploie, dans les différentes enceintes multilatérales dont elle est membre (ONU, UE, Conseil de l'Europe, OSCE, G8...) et les dialogues bilatéraux qu'elle promeut (notamment Etats-Unis, Russie, Inde, Egypte...) à rapprocher les points de vue et faire converger les pratiques sur des normes communes qui soient celles de l'état de droit. Cette action recoupe celle des services qui, dans leurs échanges bilatéraux et multilatéraux, s'emploient à façonner une perception commune d'une menace que le Livre blanc du gouvernement français sur la sécurité intérieure face au terrorisme, rendu public en 2006, qualifie de stratégique.

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