Question de M. CAZEAU Bernard (Dordogne - SOC) publiée le 13/09/2007

M. Bernard Cazeau attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les mesures spécifiques de soutien à la filière veau de boucherie.

En effet, lors d'un déplacement récent du ministre dans le département de Dordogne, celui-ci avait annoncé un plan se proposant de consacrer 8 millions d'euros aux différents acteurs de cette production. Répartis entre les différentes catégories de professionnels et considéré à l'échelle nationale, où l'on dénombre des milliers d'ateliers, ce plan s'avère, de l'avis même des professionnels, très insuffisant. Les entreprises d'intégration, comme Sobeval que le ministre a visité, connaissent des pertes sévères et les éleveurs, en retour, sont pénalisés. Face à cela, il est unanimement admis que le compte n'y est pas.

Le cercle vicieux est connu : un aliment laitier plus cher, un coût de production majoré, des prix de vente peu flexibles du fait des pressions de la grande distribution et donc des pertes, pour les industries et pour les éleveurs qui sont en quelque sorte leurs employés.

Il en est ainsi de la vie d'une entreprise, mais le problème est que la répartition des pertes de la filière menace aujourd'hui des centaines d'exploitations agricoles et à terme notre capacité à produire.

On nous dira que la solution technologique au problème alimentaire est en gestation avec la création de nouveaux produits pour l'engraissement des veaux, mais toutes les techniques actuelles demeurent imparfaites et donc non généralisables pour l'instant. Captifs du système productif, les éleveurs des filières intégrées pâtissent en dernière instance, tout à la fois victimes d'une rétractation de la production et d'une élévation concomitante du coût des emprunts réalisés pour les mises aux normes des bâtiments d'élevage.

Le découragement est grand parmi ceux à qui on a pourtant demandé d'investir il y a quelques années et qui voient désormais les charges croître tandis que le prix des produits chute. Les agriculteurs les plus anciens songent à se retirer. D'ailleurs, on les y pousse. Les plus jeunes, lourdement endettés, ne savent plus que faire : cesser toute activité ? Changer de production ? Mais avec quels moyens ? La situation exige donc une action forte des pouvoirs publics. Faudra t-il qu'à la manière des céréales ou du lait on constate la pénurie avant de songer à préserver notre capacité à produire ?

Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les dispositions qu'il compte prendre afin de permettre à cette communauté agricole de reprendre confiance en elle.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la pêche publiée le 10/10/2007

Réponse apportée en séance publique le 09/10/2007

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 32, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, lors d'un déplacement récent dans le département de la Dordogne, vous avez annoncé un plan tendant à consacrer 8 millions d'euros aux différents acteurs de cette production.

Réparti entre les différentes catégories de professionnels et considéré à l'échelle nationale, où l'on dénombre des milliers d'ateliers, ce plan s'avère, de l'avis même des professionnels, très insuffisant.

Les entreprises d'intégration que vous avez visitées, comme Sobeval, connaissent des pertes sévères et les éleveurs sont pénalisés en retour. Face à cette situation, il est unanimement admis que le compte n'y est pas.

Le cercle vicieux est connu : un aliment laitier plus cher, un coût de production majoré, des prix de vente peu flexibles du fait des pressions de la grande distribution, et donc des pertes pour les industries et pour les éleveurs, qui sont, en quelque sorte, leurs employés.

Il en est ainsi de la vie d'une entreprise. Mais le problème est que la répartition des pertes de la filière menace aujourd'hui des centaines d'exploitations agricoles et, à terme, notre capacité à produire.

On nous dira que la solution technologique au problème alimentaire est en gestation avec la création de nouveaux produits pour l'engraissement des veaux, mais toutes les techniques actuelles demeurent imparfaites, et donc non généralisables pour l'instant.

Captifs du système productif, les éleveurs des filières intégrées pâtissent en dernière instance de cette situation, tout à la fois victimes d'une rétractation de la production et d'une élévation concomitante du coût des emprunts réalisés pour la mise aux normes des bâtiments d'élevage.

Le découragement est grand parmi les éleveurs auxquels on a demandé d'investir il y a quelques années et qui voient désormais leurs charges s'alourdir tandis que les prix chutent. La situation exige donc une action forte des pouvoirs publics.

Faudra-t-il attendre que s'installe la pénurie, comme dans le cas des céréales ou du lait, avant que l'on songe à préserver notre capacité de production ?

Monsieur le ministre, je vous demande donc quelles dispositions vous comptez prendre afin de permettre à cette communauté agricole de reprendre confiance en elle.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Cazeau, votre question me donne l'occasion de confirmer un certain nombre de mesures annoncées lors de ma visite dans votre département et d'exprimer le grand intérêt que j'ai pris à cette visite.

Non seulement j'ai pu mesurer sur place la grande inquiétude, voire la désespérance, qui règne parmi les éleveurs de veaux de boucherie de votre département - et d'autres, d'ailleurs - mais j'ai également pu apprécier le volontarisme et le professionnalisme d'un certain nombre d'entreprises de transformation. La SOBEVAL en fait partie, mais elle n'est pas la seule, même si elle est la plus importante dans cette région. J'ai été très impressionné par l'ancrage de cette filière dans un territoire.

Comme vous le rappelez, monsieur le sénateur, la filière des veaux de boucherie affronte de graves difficultés liées à un déséquilibre récurrent entre l'offre et la demande de viande de veau et, surtout, au renchérissement des coûts de production. Au demeurant, nous insistons aujourd'hui sur les difficultés propres à la filière du veau de boucherie, mais cette dernière n'est malheureusement pas la seule à subir les conséquences de l'augmentation du prix des matières premières. Une autre filière rencontre actuellement de grandes difficultés, celle du porc, pour ne pas parler des volailles, même si le contexte est un peu différent.

Pour en revenir au veau de boucherie, je rappellerai que des concertations entre les professionnels et ma propre administration ont permis d'aboutir à une proposition qui, je le reconnais, en réponse à votre interpellation, est conjoncturelle dans la mesure où les conditions budgétaires - vous en conviendrez - sont extrêmement difficiles. Nous proposons d'établir un cadre interprofessionnel visant à mieux maîtriser la production et à relancer ce secteur, tout en tenant compte, autant que faire se peut, de la situation difficile de beaucoup d'éleveurs.

Le 21 août 2007, j'ai annoncé la mise en place d'un plan de soutien à cette filière d'un montant de 7,8 millions d'euros, dont 1,5 million d'euros consistent en allègements de charges d'emprunts professionnels. Cette première ligne de crédits est en cours d'affectation dans les régions concernées.

S'agissant des autres mesures, comme l'adaptation du nombre de places dans les exploitations ou la compensation des pertes de marge brute des entreprises d'intégration, les moyens financiers ont été sécurisés au niveau de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions pour leur mise en oeuvre, sous réserve du cofinancement interprofessionnel de l'aide aux éleveurs.

Ce plan de soutien comporte par ailleurs un volet en faveur de la recherche et de la promotion - vous en avez d'ailleurs fait état dans votre question - car la qualité des productions peut toujours être améliorée, ce qui suppose un effort de recherche.

Je rappelle enfin que nous avons contribué à la défense de la production française de veau en obtenant des autorités communautaires, en juin 2007, de réserver la dénomination « veau » aux seuls bovins de moins de huit mois. Cette mesure mettra un terme aux distorsions de concurrence existant avec certains pays du nord de l'Europe.

Enfin, au-delà de cette proposition de plan - dont je reconnais le caractère conjoncturel, je le répète -, nous travaillons à un certain nombre de mesures plus structurelles, conformément au voeu exprimé par le Président de la République le 11 septembre 2007 à Rennes.

Nous allons devoir affronter de nombreuses crises - quand je dis nous, je parle de l'État et de la profession : des crises climatiques, qui vont se multiplier avec le réchauffement de l'atmosphère et dont les agriculteurs sont les premières victimes, des crises sanitaires, notamment celle de la fièvre catarrhale ovine - sans doute la crise sanitaire la plus grave que nous ayons eue à affronter depuis très longtemps -, des crises économiques. Or nous ne disposons pas encore des outils nécessaires pour y faire face.

Dans le cadre des discussions engagées à propos du bilan de la PAC et de la future politique alimentaire, rurale et agricole que nous voulons construire pour l'après 2013, je vais travailler à la mise en place de meilleurs outils de gestion de crise, de prévention et de mutualisation des risques, et je serais heureux que le Sénat s'associe à ce travail. Cette réflexion apportera une réponse durable et plus structurelle aux crises économiques du type de celle que traverse la filière du veau de boucherie.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, vous reconnaissez - très honnêtement, il faut le dire - le caractère extrêmement conjoncturel, donc implicitement insuffisant, de l'action menée. Je ne sous-estime pas votre préoccupation pour l'avenir ni la qualité du travail que vous réaliserez pour résoudre cette crise, qui ne touche pas seulement le veau de boucherie mais l'ensemble de la profession agricole.

Même avec des moyens relativement modestes - 8 millions d'euros, c'est insuffisant quand la profession évalue les besoins à quinze millions d'euros ! - vous pouvez aider un secteur agricole en très grande difficulté, au niveau national comme au niveau périgourdin, ce qui n'exclut pas d'aider les autres. Si la conjoncture se maintient, vous savez bien que des milliers d'entreprises agricoles et industrielles en France vont souffrir et risquent de disparaître. J'espère donc que vous tiendrez compte de mon interpellation et que vous pourrez nous annoncer une amélioration des aides que vous accorderez à cette profession, en fonction des disponibilités budgétaires.

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