Question de M. RETAILLEAU Bruno (Vendée - NI) publiée le 08/02/2008

Question posée en séance publique le 07/02/2008

M. Bruno Retailleau. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.

Le 16 janvier dernier, la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris a reconnu le principe du préjudice écologique dans l'affaire de la marée noire de l'Erika. C'est fondamental. Au-delà de nos différences, force est de reconnaître que les collectivités - communes, départements, régions - ont pris une part déterminante dans ce combat judiciaire.

Mais, pour importante qu'elle soit, cette avancée reste fragile. Surtout, il ne s'agit que d'une étape pour permettre aux collectivités de mieux prendre en charge les problèmes de l'environnement. En effet, pour se prévaloir du préjudice écologique, une collectivité, quelle qu'elle soit, doit, au préalable, pouvoir se constituer partie civile. Or, en l'état actuel de notre droit, les cas dans lesquels une collectivité peut avoir un intérêt à agir, comme l'on dit en termes un peu plus techniques, sont extrêmement rares : ce n'est que lorsque la propriété d'une collectivité est directement concernée ou lorsque cette collectivité a une compétence très spécifique lui imposant de préserver un territoire très particulier.

Dans tous les autres cas, vous pouvez en être sûre, madame la secrétaire d'État, tout juge considérera que l'intérêt que veut pourtant légitimement défendre la collectivité se confond avec l'intérêt général, que seul le ministère public a la charge de représenter auprès des différentes autorités judiciaires. Cette situation n'est pas satisfaisante ; elle est même choquante, et ce pour trois raisons.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Bruno Retailleau. Tout d'abord, les collectivités sont toujours en première ligne ; ce sont toujours elles qui sont les premières confrontées aux dégâts et toujours elles qui doivent commencer à les réparer.

M. Jean-Pierre Raffarin. Absolument !

M. Bruno Retailleau. La situation est aussi choquante parce que les associations agréées en matière d'environnement ont, elles, la possibilité de se constituer parties civiles, à l'inverse des assemblées délibérantes élues.

M. Dominique Braye. Très juste !

M. Bruno Retailleau. Enfin, il existe une brèche. Effectivement, aux termes du code de procédure pénale, en cas d'incendie volontaire, cette faculté a été reconnue aux collectivités.

M. Charles Revet. Eh oui !

M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre d'État, alors que la décentralisation est désormais une réalité qui permet à chacun de constater que les collectivités sont entrées dans l'âge adulte, alors que nous parlons de plus en plus de la préservation de notre environnement, l'heure n'est-elle pas venue de moderniser notre droit pour donner à nos collectivités la capacité pleine et entière de défendre leur population et surtout leur territoire, lorsque ce denier est blessé par une atteinte à l'environnement ? (Très bien ! et applaudissements sur un grand nombre de travées.)

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'écologie publiée le 08/02/2008

Réponse apportée en séance publique le 07/02/2008

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez souligné, le 16 janvier a été rendu le jugement concernant l'Erika. La justice a donc reconnu le préjudice écologique. C'est une étape très importante, tant pour le monde judiciaire que pour les suites du Grenelle de l'environnement, à la mise en oeuvre duquel Jean-Louis Borloo et moi-même consacrons tous nos efforts quotidiennement.

Cette décision marque à quel point la responsabilité est au coeur du développement durable.

Cependant, et c'est tout l'objet de la question, le tribunal de grande instance a considéré aussi que le préjudice écologique ne peut donner lieu à réparation qu'aux seules collectivités locales qui ont « une compétence spéciale en matière d'environnement leur conférant une responsabilité particulière dans la protection, la gestion ou la conservation d'un territoire ».

Très concrètement, le tribunal de grande instance a considéré que seuls les départements étaient concernés par cette définition, et sous certaines réserves.

Je vous l'accorde, on peut s'interroger sur l'application de la règle, notamment à l'égard des communes situées sur le littoral qui, de manière évidente, sont impliquées dans la protection, la gestion et la conservation de leur territoire. La cour d'appel a été saisie par un certain nombre de collectivités publiques. Elle se prononcera ultérieurement sur ce point.

Au-delà de la question de la réparation et du préjudice écologique, le tribunal de grande instance a ouvert très largement la possibilité à toutes les communes d'engager une action sur le fondement de l'atteinte à leur image, à leur réputation. Toutes les communes du littoral qui ont demandé réparation à ce titre ont obtenu un dédommagement, de l'ordre de 300 000 euros. Dans votre département, la Vendée, monsieur le sénateur, neuf communes ont obtenu un tel dédommagement.

Cependant, cette ouverture, certes importante, ne résout pas le problème hautement symbolique de la possibilité d'obtenir une réparation au titre du préjudice écologique.

Comme je l'ai déjà indiqué, la cour d'appel se prononcera. Mme le garde des sceaux et moi-même examinerons cet arrêt avec la plus grande attention. Nous en tirerons les conséquences afin de garantir à toutes les communes victimes la faculté de se défendre, y compris d'engager une action devant la justice lorsque leur environnement est touché.

Dès le printemps, un projet de loi résultant des travaux du Grenelle de l'environnement sera déposé devant les assemblées. Il reprendra la transposition de la directive européenne sur la responsabilité environnementale. Ce texte pourra être l'occasion de discuter de nouvelles dispositions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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