Question de M. BIZET Jean (Manche - UMP) publiée le 09/10/2008

M. Jean Bizet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la filière laitière française. Il lui exprime, d'une part, son incompréhension quand à la remise en cause de la mission du CNIEL (Centre national interprofessionnel de l'économie laitière), qui a permis depuis 1997 de donner satisfaction à tous les partenaires de la filière, et d'autre part, son inquiétude à propos de l'évolution du revenu des producteurs de lait qui ont vu leurs charges augmenter de près de 15 % en un an.

La mission du CNIEL consistait à fournir des éléments d'appréciation sur le prix des produits laitiers. Ces cotations étaient exogènes à la filière laitière française ; en d'autres termes, celle-ci n'avait pas capacité à influer directement sur le niveau des cotations.

À une époque où l'on assiste en Europe du Nord à une restructuration importante des entreprises de transformation aboutissant à une vraie position monopolistique, il comprend mal la position de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui, au travers d'une lettre en date du 21 avril 2008, enjoint le CNIEL de mettre un terme à l'émission de recommandations nationales d'évolution, à la hausse ou à la baisse du prix du lait, jugeant cette pratique anticoncurrentielle.

Si la volonté du Gouvernement est de « casser un outil » qui avait permis de mettre fin dans les années 1995/1996 à la « guerre du lait » pour faire baisser le prix du lait au consommateur, il se trompe. En effet, entre 2004 et 2006, lorsque le prix du lait avait baissé de 10 %, il n'y avait pratiquement pas eu de répercussions sur les prix auprès des consommateurs.

De plus, l'autre mérite de la mission du CNIEL était de permettre d'éviter la volatilité des prix et de donner une meilleure lisibilité à tous les partenaires de la filière confortant ainsi les 400.000 emplois directs liés à cette filière.

Par conséquent, il le remercie de bien vouloir lui préciser sa position sur ce sujet essentiel pour préserver l'équilibre de l'économie laitière, secteur d'activité particulièrement important dans le département de la Manche.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la coopération et de la francophonie publiée le 29/10/2008

Réponse apportée en séance publique le 28/10/2008

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 304, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Bizet. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la filière laitière française. Je tiens à exprimer, d'une part, mon incompréhension au sujet de la remise en cause de la mission du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière, le CNIEL, qui a permis, depuis 1997, de donner satisfaction à tous les partenaires de la filière, et, d'autre part, mon inquiétude à propos de l'évolution du revenu des producteurs de lait, qui ont vu leurs charges augmenter de près de 15 % en un an.

La mission du CNIEL consistait à fournir des éléments d'appréciation sur le prix des produits laitiers. Ces cotations étaient exogènes à la filière laitière française. En d'autres termes, celle-ci n'avait pas la capacité d'influer directement sur le niveau des cotations.

À une époque où l'on assiste en Europe du Nord à une restructuration importante des entreprises de transformation aboutissant à une vraie position monopolistique, je comprends mal la position de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, qui, au moyen d'une lettre en date du 21 avril 2008, enjoignait le CNIEL de mettre un terme à l'émission de recommandations nationales d'évolution – à la hausse ou à la baisse – du prix du lait, jugeant cette pratique anticoncurrentielle.

Si la volonté du Gouvernement est de « casser un outil » qui a permis de mettre fin, au cours des années 1995-1996, à la « guerre du lait » pour faire baisser le prix du lait au niveau du consommateur, j'estime que le Gouvernement se trompe. En effet, entre 2004 et 2006, lorsque le prix du lait a baissé de 10 %, il n'y a pratiquement pas eu de répercussions sur les prix auprès des consommateurs.

De plus, l'autre mérite de la mission du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière était de permettre d'éviter la volatilité des prix et de donner une meilleure lisibilité à tous les partenaires de la filière, confortant ainsi les 400 000 emplois directs liés à cette filière.

Par conséquent, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir me préciser votre position sur ce sujet essentiel pour préserver l'équilibre de l'économie laitière française, secteur d'activité particulièrement important, notamment dans mon département de la Manche.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le sénateur, Michel Barnier se trouvant actuellement au Conseil des ministres de l'agriculture et de la pêche à Luxembourg, il vous prie de l'excuser de ne pas être présent aujourd'hui au Sénat pour répondre lui-même à votre question.

Vous l'interrogez sur l'incompréhension ressentie quant à la remise en cause de la mission du CNIEL et vous l'alertez sur l'inquiétude à propos de l'évolution du revenu des producteurs de lait.

Le retournement du marché des produits laitiers, s'agissant en particulier du beurre et de la poudre de lait, rend difficiles les discussions du quatrième trimestre de l'année 2008. Michel Barnier est conscient de ces difficultés. Nous mettons tout en œuvre pour faciliter les discussions professionnelles actuelles tout en respectant leur caractère privé. Il nous faut aussi préparer l'avenir.

Les actions du Gouvernement sont les suivantes.

En premier lieu, il s'agit de clarifier le cadre des discussions interprofessionnelles.

Michel Barnier a mis en place, en octobre, un groupe de travail, conjointement avec le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, pour redéfinir un cadre clair de discussions interprofessionnelles tout en répondant au contexte de plus grande volatilité des prix induisant inévitablement des tensions sur le terrain.

La DGCCRF avait rappelé à l'interprofession nationale laitière, le CNIEL, qu'il ne devait pas y avoir de recommandation sur le prix du lait dans le cadre des relations interprofessionnelles. Ce rappel ne remet pas en question l'engagement du Gouvernement à soutenir la démarche interprofessionnelle. Les interprofessions sont essentielles pour renforcer l'organisation économique des filières agricoles et pour participer ainsi au maintien des activités agricoles sur l'ensemble de nos territoires.

Le groupe de travail a confirmé le rôle central de l'interprofession dans le suivi du marché. Le système qui sera mis en place pour la prochaine campagne laitière, à compter du deuxième trimestre de 2009, sera fondé sur des indicateurs élaborés par l'interprofession à l'échelon national et répondant à la nécessité d'une plus grande réactivité par rapport aux évolutions du marché. Sur la base de ces indicateurs, les producteurs réunis au sein des interprofessions régionales, les CRIEL, ou centres régionaux interprofessionnels de l'économie laitière, négocieront avec les transformateurs.

En attendant la mise en place du nouveau système et afin de faciliter en particulier les négociations difficiles du quatrième trimestre, un dispositif souple, par publication d'indicateurs fiables, visant à orienter les prix du lait à l'échelon national sera géré par le CNIEL. Ce dispositif assurera une continuité satisfaisante avec le système pratiqué jusqu'à présent.

En deuxième lieu, il s'agit de donner un signal clair à la production.

L'offre doit être maîtrisée pour éviter un effondrement des prix. Michel Barnier a souhaité donner un message clair aux éleveurs sur la nécessité de maîtriser la production dans le cadre de la gestion des quotas.

Le ministre de l'agriculture et de la pêche a invité les producteurs à ne pas dépasser de plus de 2 % leur quota à ce stade de la campagne, leur rappelant également le maintien des pénalités en cas de dépassement. Ces rappels devaient donner des signaux clairs quant à la nécessité de limiter la production.

En troisième lieu, il s'agit de s'assurer de la transparence des prix.

Une baisse des prix au niveau des producteurs doit se traduire au final par une baisse des prix à la consommation. Le Gouvernement restera vigilant sur ce point. L'observatoire des prix et des marges de la DGCCRF permet d'assurer le suivi de ces évolutions.

En quatrième lieu, il s'agit de préparer l'avenir dans le cadre des négociations du bilan de santé de la politique agricole commune et des réflexions sur la contractualisation

Nous devons préparer la filière au nouveau contexte incluant une plus grande volatilité des cours et une sortie programmée des quotas. Les discussions tenues dans le cadre du bilan de santé confirment, en effet, qu'une majorité d'États membres reste en faveur de la sortie des quotas après 2013.

Nous devons trouver les moyens de limiter les fluctuations de marché et de sécuriser la production laitière dans la diversité de nos territoires.

Les conclusions du bilan de santé de la PAC devront donc prévoir le maintien des outils d'intervention et permettre aux États membres qui le souhaitent d'apporter un soutien particulier à la production laitière en zones difficiles – Michel Barnier pense en particulier à la production en zone de montagne.

Enfin, à l'échelon national, une réflexion est menée avec les professionnels sur les modalités de contractualisation qui permettraient de sécuriser dans le temps des volumes et des prix déterminables sur la base d'indicateurs fiables.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le secrétaire d'État, je me réjouis des excellents propos que vous venez de me rapporter émanant de Michel Barnier, concernant trois points, à savoir la maîtrise de la production, essentielle au maintien du prix du lait, la nécessaire contractualisation pour fixer un certain nombre de bassins, notamment dans des régions les plus fragiles, et – réponse dont je me félicite tout particulièrement – le retour de l'interprofession clarifiée, notamment à l'échelon régional.

Il importe, en effet, de donner un éclairage économique pertinent lors de la fixation du prix du lait au moment où la filière est en train de connaître une profonde évolution, avec la mise en œuvre en 2003 de la réforme de la PAC qui donnera lieu très prochainement à un bilan de santé, mais aussi du fait de l'interaction avec la loi de modernisation de l'économie, ou LME.

Pour ma part, je souhaite que l'on veille à ce que, au travers de cette loi, qui est globalement bonne, les distributeurs ne mettent pas les producteurs en grande difficulté précisément par la compression du prix au niveau de la production.

Je regrette tout simplement l'attitude adoptée par la DGCCRF voilà quelques mois, qui a provoqué quelques turbulences, du fait de la position prise par certaines entreprises, notamment Entremont, entraînant une baisse globale du prix du lait à un moment délicat pour les producteurs.

Cependant, je me réjouis que la raison l'ait emporté malgré tout et qu'il y ait un véritable retour de l'interprofession s'agissant de l'éclairage des différents indicateurs pour fixer le prix du lait.

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