Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 23/10/2008

M. René-Pierre Signé attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'annonce de l'extension de la fièvre catarrhale à sérotype 1 qui fait craindre le pire aux agriculteurs. Inutile de souligner l'inquiétude et le désarroi des éleveurs : ils commençaient à peine à se remettre des effets de la FCO à sérotype 8 que voilà le sérotype 1.

Les agriculteurs, connaissant déjà de grandes difficultés pour payer leurs emprunts et leurs charges toujours en hausse, vont devoir attendre la délivrance des vaccins. Le délai sera probablement assez long, ce qui les obligera à garder leurs broutards plus longtemps avant de les exporter. Les garder plus longtemps veut dire les nourrir plus longtemps, d'où des frais supplémentaires qui pèseront encore sur leur trésorerie.

D'autre part, les aides européennes promises sont toujours lentes à se mettre en place. On parle de 30 millions d'euros promis par l'État sans que l'on ait de détails sur ces aides, sur leur montant exact et leurs conditions d'attribution.

Cette question correspond à un cri d'alarme des agriculteurs qui subissent de plein fouet des épizooties récurrentes depuis l'ESB, la fièvre aphteuse et maintenant la FCO qui a la détestable possibilité de muter et de rendre inefficace ou insuffisante la vaccination précédente.

Il souhaite donc quil l'éclaire sur la politique nationale et européenne mise en place pour aider les agriculteurs à surmonter cette crise.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associatve publiée le 18/11/2008

Réponse apportée en séance publique le 17/11/2008

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 315, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le secrétaire d'État, je regrette l'absence de M. Barnier. Sans vouloir douter de vos compétences en matière agricole, je les crois quand même inférieures à vos compétences sportives ! (Sourires.)

M. Roland Courteau. Comme c'est bien dit !

M. René-Pierre Signé. Je voulais appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la probable extension de la fièvre catarrhale ovine, FCO, à sérotype 1, qui fait craindre le pire aux agriculteurs. Inutile de souligner l'inquiétude et le désarroi des éleveurs : à peine remis des effets de la FCO à sérotype 8, les voici confrontés au sérotype 1 !

Les agriculteurs, déjà en grande difficulté pour payer leurs emprunts et dont les charges ne cessent d'augmenter, vont devoir attendre la délivrance des vaccins. Le délai sera probablement assez long, ce qui les obligera à garder leurs broutards plus longtemps avant de les exporter. Les garder plus longtemps veut dire les nourrir plus longtemps, d'où des frais supplémentaires qui pèseront encore sur leur trésorerie.

En outre, les aides européennes promises sont toujours lentes à se mettre en place. Dans ma question, je faisais état de 30 millions d'euros d'aides promis par l'État. Je corrige ce chiffre, qui était antérieur aux discussions entre M. Barnier et les instances européennes, puisque les aides promises seront en fait de 50 millions d'euros. Mais il s'agit de reports de crédits, de prêts bonifiés, de remboursements accélérés de crédits de TVA, de mobilisations de reliquats de droits à paiement unique, DPU. Ainsi, outre l'insuffisance de leur montant, ces aides sont très imprécises quant à leurs conditions d'attribution.

Ma question relaie le cri d'alarme des agriculteurs qui subissent de plein fouet des épizooties récurrentes : l'ESB, la fièvre aphteuse et, maintenant, la FCO, qui a la détestable caractéristique de muter et de rendre inefficace ou insuffisante la vaccination précédente.

Je souhaite donc être éclairé sur la politique nationale et européenne mise en place pour aider les agriculteurs à surmonter cette crise.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Michel Barnier : il prépare en ce moment même le conseil des ministres de l'agriculture qui devrait conclure les négociations qu'il mène dans le cadre du « bilan de santé » de la PAC.

Vous appelez son attention sur la situation particulièrement difficile dans laquelle se trouve actuellement le secteur de l'élevage.

Les éleveurs sont confrontés à une situation de crise sanitaire sans précédent avec la fièvre catarrhale ovine.

Face à cette crise, la mobilisation reste entière dans un contexte où nous affrontons désormais le sérotype 1, qui remonte d'Espagne.

À ce jour, le ministère de l'agriculture et de la pêche a déjà utilisé plus de 50 millions de doses vaccinales contre le sérotype 8 sur l'ensemble du territoire. Ce plan massif de vaccination contre le sérotype qui venait du Nord, dont les éleveurs français ont été les premiers à bénéficier en Europe, a permis la protection d'une forte proportion du cheptel français.

Nous devons recommencer la campagne pour 2009 et y associer la lutte contre le sérotype 1. Michel Barnier a donc décidé la mise en œuvre d'une vaccination obligatoire et simultanée de l'ensemble des animaux pour les deux sérotypes 1 et 8 durant la période hivernale, entre décembre et avril.

Deux appels d'offres ont été lancés afin de disposer des doses nécessaires.

La livraison des vaccins sera réalisée selon une répartition équitable sur l'ensemble des départements, au prorata du nombre de têtes du cheptel dans chaque département.

Elle concernera dans un premier temps l'ensemble des départements à l'exception des vingt départements dont les animaux ont déjà été vaccinés de manière obligatoire contre le sérotype 1 et qui seront servis dans un deuxième temps.

Pour la filière bovine, un plan de vaccination spécifique pour les animaux destinés aux échanges a été décidé afin de limiter au minimum la période de blocage des exportations.

En outre, à la demande de la France, appuyée par de nombreux États membres, la Commission européenne a proposé d'augmenter de 100 millions d'euros le cofinancement communautaire pour la prise en charge de la vaccination, portant ainsi à 160 millions d'euros la participation de l'Union européenne à l'achat des vaccins et à la vaccination.

Enfin, Michel Barnier poursuit les discussions avec la Commission et avec ses homologues italiens et espagnols afin d'assouplir les conditions de sortie des animaux destinés aux échanges à partir des zones vaccinées préventivement contre un sérotype dont elles sont indemnes.

Un accord vient d'ailleurs d'être signé avec les autorités sanitaires italiennes.

Cet accord permettra d'assouplir considérablement les échanges de broutards vers l'Italie à partir de la mi-décembre.

Les animaux vaccinés contre le sérotype 1 et 8 pourront être expédiés en Italie après la deuxième injection, ce qui permettra de gagner soixante jours par rapport à la situation actuelle, où le délai est de quatre-vingt-dix jours.

Par ailleurs, entre la mi-décembre et début janvier, les animaux non vaccinés ou vaccinés contre un seul sérotype pourront être expédiés sans aucune contrainte.

La signature de cet accord va nous permettre de définir rapidement la date de la campagne de vaccination massive de l'ensemble du territoire national et une réunion avec les organisations professionnelles agricoles est déjà prévue mercredi matin au cabinet. Le calendrier de mise à disposition des doses par département sera adressé aux préfets et aux organisations professionnelles nationales.

La vaccination simultanée 1-8 sera obligatoire et aura lieu pendant la période hivernale, l'objectif étant de vacciner l'ensemble des animaux avant le 30 avril.

Parallèlement, les mesures économiques de soutien aux éleveurs touchés par la FCO ont été renforcées.

Michel Barnier a annoncé, comme vous le rappeliez à l'instant, un plan de soutien supplémentaire de 30 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 168 millions d'euros de crédits européens et nationaux déjà débloqués pour cette crise.

Lors du comité de suivi de la FCO qui s'est tenu le 3 novembre dernier, Michel Barnier a ainsi confirmé la mise en place des mesures suivantes : une aide d'urgence au maintien des animaux revalorisée de 20 euros à 30 euros pour les bovins de cinq à seize mois et de 10 euros à 15 euros pour les veaux dans les départements touchés par le sérotype 1 entre le 1er juillet et le 31 octobre, dont un acompte sera versé aux éleveurs concernés avant la fin de l'année 2008 ; une aide générale à l'engraissement pour toutes les zones qui portera sur la période du 1er novembre au 28 février 2009 et sera dotée de 5 millions d'euros au total.

Michel Barnier souhaite également que puisse être examinée la possibilité de mettre en place une aide générale au maintien des animaux sur les exploitations pour accompagner les départements qui changeront de statut sanitaire au fur et à mesure de la mise en place de la vaccination contre le sérotype 1 sur l'ensemble du territoire.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, la mobilisation du Gouvernement reste entière pour aider nos agriculteurs à surmonter cette crise qui vient s'ajouter aux difficultés économiques que connaît par ailleurs le secteur de l'élevage avec une forte augmentation des charges.

À ces difficultés économiques, Michel Barnier a apporté des réponses spécifiques hier à l'occasion de la conférence sur la situation économique de l'agriculture, conférence au cours de laquelle un plan global de 250 millions d'euros a été annoncé.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Comme cette réponse détaillée le montre, M. Barnier a pris en compte la gravité de la situation et je l'en remercie, mais je ne suis pas certain qu'il l'ait totalement prise en compte…

Je pense tout d'abord à la mévente : à ce jour, nonobstant les promesses pour l'avenir, le dispositif sanitaire bloque l'exportation des quatre cinquièmes des broutards.

Ensuite, on peut dire que la crise a été sous-estimée, par tout le monde d'ailleurs et pas seulement par le Gouvernement – il y a plus de 1 000 cas dans la Nièvre ! –- et les aides, au demeurant insuffisantes, tardent à venir alors que les agriculteurs doivent faire face à l'augmentation des charges et aux remboursements de leurs emprunts.

Certains dossiers d'indemnisation pour les ovins ont été refusés en vertu du règlement stipulant que le cheptel doit compter 100 brebis et représenter 30 % du chiffre d'affaires de l'exploitation, ce qui a beaucoup pénalisé les élevages mixtes.

Les conseils généraux et régionaux, en tout cas ceux de la Nièvre et de la Bourgogne, ont dû proposer des aides supplémentaires pour les pertes d'ovins et de caprins et établir un plan coordonné qui simplifie les modalités bien que le traitement de la crise soit de la compétence de l'État.

Je ne suis par ailleurs pas certain que les conséquences désastreuses de l'affection aient été mesurées : stérilité des reproducteurs, malformations, avortements… On commence à le découvrir, les accidents se multiplient, malgré la vaccination, et ajoutent encore aux méfaits de la crise.

M. Barnier a peut-être fait ce qu'il pouvait et les mesures qu'il propose sont intéressantes, mais elles sont malgré tout insuffisantes.

Je le répète, il s'agit, d'une part, de récupérer des aides communautaires reliquats de DPU et des aides pour compenser les dommages économiques liés aux mesures de luttes sanitaires contre les épizooties, d'autre part, d'améliorer la trésorerie par des prêts bonifiés, par des reports de cotisations sociales et de taxes sur le foncier non bâti, par la prorogation d'un an d'exonération de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs, par la généralisation du remboursement des crédits TVA, etc. Ces méthodes sont classiques et connues, et l'on sait bien que les charges qui sont reportées devront être remboursées un jour !

Le tout ne semble pas très satisfaisant, en particulier pour les éleveurs ovins, qui sont les plus touchés.

Je rappelle donc qu'ils demandent une réévaluation de 30 euros de la prime à la brebis, qui est actuellement de 14 euros, ce qui ne serait que l'équivalent de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, qui est de 250 euros pour les bovins, la perte par animal bovin ou caprin étant actuellement de 50 euros par animal.

Quant aux éleveurs bovins, ils ne sont guère mieux lotis : le prix de vente d'un animal a baissé et les aides de la PAC baissent également. J'ai rencontré quelques agriculteurs et l'un d'eux notamment m'a fait un rapport très pressant : une exploitation moyenne dans le Morvan perd ainsi 20 000 euros environ dans l'année. C'est dire que la situation de l'élevage est grave !

Je rappelle que l'élevage a perdu 5 millions d'hectares de prairies au cours des dernières décennies.

C'est une profession qui est en train de disparaître : progressivement, les exploitations rétrécissent et la déprise agricole augmente. Or cette profession joue un rôle sur le plan économique, dans une ruralité déjà amputée de ses services publics, ainsi que sur le plan écologique puisqu'elle participe à la protection de la diversité de la faune et de la flore. Enfin, elle assure la continuité de la tradition pastorale et agreste de la France, en particulier du Massif central.

Je ne doute pas que M. Barnier ait conscience de cette situation, mais j'estime que l'on doit faire davantage si l'on veut que les agriculteurs soient en mesure de se maintenir sur un territoire fragilisé, déjà pauvre et qui s'appauvrit encore et subit de plein fouet toutes les attaques contre la ruralité.

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