Question de M. CHEVÈNEMENT Jean-Pierre (Territoire de Belfort - RDSE) publiée le 28/11/2008

Question posée en séance publique le 27/11/2008

Ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Madame le ministre, le sauvetage de notre industrie automobile doit devenir une priorité absolue pour le Gouvernement.

L'enjeu est de taille : 3 millions de personnes directement et indirectement employées sont concernées. Cela représente 10 % de notre PIB, si l'on inclut les activités de commerce et de réparation.

La baisse des ventes, plus de 7 % au mois d'octobre dernier, est très préoccupante. De longues périodes de chômage technique sont programmées par les constructeurs et par les sous-traitants. Dans ma région, nombre d'entreprises sont en difficulté ; je pense par exemple à Sonas Automotive, à Beaucourt, ou à Key Plastics, à Voujeaucourt.

Le temps presse : la construction automobile française rencontre des difficultés croissantes sur son marché naturel, l'Europe occidentale. Elle y est dominée par l'Allemagne, pour ce qui est des produits haut de gamme, et doit faire face à une concurrence croissante sur son terrain de prédilection, les gammes basses et moyennes.

La logique industrielle libre-échangiste, en l'absence de toute protection, conduit, et je pèse mes mots, à la disparition potentielle des sites de production français. Toute la production française – je dis bien « toute » – peut être réalisée en Europe centrale et orientale ou dans des pays d'Asie, faute de protection du marché européen. Nous perdrions alors notre marché et l'accès aux marchés voisins : nous serions doublement perdants, à l'exportation comme à l'importation.

La nécessité d'un plan européen s'impose à l'évidence. Les États-Unis ont déjà annoncé un programme de 25 milliards de dollars. La Commission européenne avance le chiffre de 40 milliards d'euros. Qu'en est-il vraiment, puisqu'il s'agit essentiellement de l'addition de plans nationaux ?

Madame la ministre, pouvez-vous nous donner des montants précis et décrire les modalités concrètes d'une telle aide ? Celle-ci ne peut se limiter ni à une baisse de la TVA, qui profitera à toutes les voitures, quelle que soit leur origine, ni à quelques incitations en faveur de la production de véhicules propres.

J'insisterai sur deux points.

En premier lieu, ces aides ne peuvent pas être accordées sans contreparties précises, notamment en ce qui concerne l'emploi des salariés. Par ailleurs, le Gouvernement est-il prêt à envisager l'implication de la puissance publique dans le capital des entreprises françaises notoirement sous-capitalisées ?

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Chevènement. En second lieu, une taxe anti-dumping social et une écotaxe pour égaliser les conditions de concurrence avec les pays à bas coût salarial et refusant toute protection environnementale sont-elles prévues ?

Madame la ministre, lors du prochain Conseil européen qui se réunira dans quelques jours, la France, qui préside l'Union européenne, soulèvera-t-elle le problème de la protection du marché européen, seule à même de garantir la pérennité de notre industrie ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Peu d'applaudissements à gauche !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.


Réponse du Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi publiée le 28/11/2008

Réponse apportée en séance publique le 27/11/2008

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, nous n'attendrons pas le prochain Conseil européen : nous avons déjà engagé ce dialogue avec l'ensemble des États membres, mais aussi, plus largement, avec les pays du G20. En effet, nous devons faire face à deux problèmes simultanés : le développement de tous les pays du monde et la stratégie industrielle de la France, au cœur de l'Europe.

Lors du sommet du G20 à Washington, – je vous renvoie au communiqué final de cette réunion – a été prise la résolution de ne pas avoir recours au protectionnisme. Nous le savons, pour l'avoir éprouvé lors des crises précédentes, le protectionnisme n'est pas une bonne solution et ne peut mener qu'à des crises beaucoup plus graves encore.

Que faisons-nous ?

En ce qui concerne le marché automobile français, je rejoins votre analyse et votre diagnostic. Pour autant, ce sont non pas 3 millions de salariés qui sont concernés, mais plutôt 2,5 millions.

M. René-Pierre Signé. Ne mégotons pas sur les chiffres !

Mme Christine Lagarde, ministre. Cela dépend du degré de granularité qu'on applique pour les sous-traitants : premier tiers, deuxième tiers, troisième tiers. Il n'en reste pas moins que cela touche un très grand nombre de salariés et une part très importante de notre industrie.

Il s'agit d'une crise mondiale : Ford, Chrysler, General Motors sont aussi touchés, de manière beaucoup plus grave.

M. Didier Boulaud. Et en France ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement a tenté de soutenir le marché français. Le mécanisme du bonus-malus, mis en place sur l'initiative de Jean-Louis Borloo dans le cadre du Grenelle de l'environnement, a permis de soutenir fortement les ventes de véhicules automobiles, en particulier ceux de marque française, qui sont les plus concernés par le bonus.

Par ailleurs, depuis plus d'un an maintenant, le Gouvernement a engagé des mesures structurelles fortes, qui profitent au premier chef à l'automobile. Ainsi, le crédit d'impôt recherche simplifié et amplifié, qui prend en compte 30 % du volume global des dépenses de recherche et développement, bénéficie d'abord à ce secteur industriel : plus de 350 millions d'euros pour l'un des constructeurs, près de 400 millions d'euros en crédits d'impôt recherche pour l'autre. Telles sont les créances de ces deux établissements sur l'État français. En effet, ces secteurs sont fortement facteurs d'innovation : actuellement, ce sont eux qui déposent le plus de brevets en France.

M. David Assouline. Elle parle depuis cinq minutes !

Mme Christine Lagarde, ministre. Si ma réponse ne vous intéresse pas, je peux m'arrêter. Mais elle semble intéresser M. Chevènement.

M. David Assouline. Ce n'est pas une conférence !

M. Alain Fouché. Il faut être correct !

M. le président. Je suis le seul comptable du temps !

Veuillez poursuivre, madame la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous le savons, la baisse de la demande sur le marché automobile entraînera des suppressions d'emplois et des mises au chômage technique. Le Gouvernement doit soutenir l'activité de ces constructeurs.

M. Jean-Louis Carrère. C'est alambiqué !

Un sénateur UMP. Malotrus !

Mme Christine Lagarde, ministre. En revanche, et je réponds très précisément à votre question, monsieur le sénateur, le Gouvernement n'aidera pas ce secteur sans obtenir en contrepartie des engagements, en termes de niveau d'emplois, de maintien de la recherche et développement sur le territoire français et de décisions en matière de localisation de production.

Devant cette situation, le Gouvernement français ne restera pas les bras ballants ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. La réponse est trop vague !

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