Question de Mme BRICQ Nicole (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 06/11/2008

Mme Nicole Bricq attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur le devenir du statut coopératif.

Plusieurs litiges juridiques en cours auprès de la Commission européenne pourraient en effet remettre en cause les cadres légaux et les réglementations fiscales qui régissent les coopératives : le résultat des deux premiers, qui concernent les coopératives espagnoles et italiennes, pèsera fortement sur celui du troisième, qui résulte d'une plainte déposée en 2004 contre le régime fiscal des coopératives agricoles françaises par la Confédération française de commerce en gros et du commerce international (CGI).

Est visé le régime qui voulait, jusqu'alors, que la Commission européenne permette aux États membres d'accorder aux coopératives des régimes fiscaux dérogatoires proportionnés à leurs contraintes juridiques et à leur valeur ajoutée sociale. Cette position était assumée au point qu'elle fit l'objet d'une « communication sur la promotion des coopératives en Europe » datant de 2004.

Des entreprises coopératives existent dans tous les secteurs économiques, le mouvement coopératif, né dans les débuts de la première révolution industrielle en Europe s'est diffusé partout dans le monde pendant le XXème siècle. Aujourd'hui les entreprises coopératives groupent plus de 800 millions de membres dans le monde et emploient davantage de personnes que toutes les entreprises multinationales existantes.

L'ONU et l'OIT reconnaissent la contribution des coopératives au développement économique et social des peuples et encouragent les gouvernements à adopter des mesures qui favorisent leur promotion et leur renforcement. Plus spécifiquement dans le cas des coopératives agricoles en France, celles-ci jouent un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire constituant parfois le premier employeur dans les zones rurales.

La loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 a reconnu le rôle décisif que jouent les sociétés coopératives agricoles, dans la promotion de l'agriculture française et des territoires.

Opter pour une fiscalité de droit commun conduirait à rompre avec cette idée fondatrice du mouvement coopératif et des coopératives d'utilisation de matériel agricole qui veut qu'elles soient inscrites dans le prolongement direct des exploitations agricoles, mais aussi à rendre plus complexe la gestion administrative des coopératives de proximité et les initiatives collectives locales.

C'est pourquoi elle interroge le Gouvernement sur son engagement à défendre le statut et la fiscalité des coopératives pour qu'au sein de l'espace européen cette forme d'entreprise puisse exister à armes égales dans une économie concurrentielle alors que la France préside l'Union européenne.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 18/11/2008

Réponse apportée en séance publique le 17/11/2008

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question n° 335, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Mme Nicole Bricq. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur l'avenir du statut coopératif.

Deux litiges juridiques qui pourraient remettre en cause les cadres légaux et les réglementations fiscales régissant les coopératives sont en cours auprès de la Commission européenne. Le résultat du premier litige, qui concerne les coopératives espagnoles et italiennes, pèsera fortement sur celui du second, qui résulte d'une plainte déposée en 2004 contre le régime fiscal des coopératives agricoles françaises par la Confédération française du commerce interentreprises, la CGI.

Jusqu'alors la Commission européenne permettait aux États membres d'accorder aux coopératives des régimes fiscaux dérogatoires proportionnés à leurs contraintes juridiques et à leur valeur ajoutée sociale. Cette position était reconnue au point que la Commission européenne a publié en 2004 une communication sur la promotion des coopératives en Europe.

Je ne rappellerai pas l'importance du mouvement coopératif, qui, depuis la première révolution industrielle, s'est diffusé partout dans le monde au cours du XXe siècle. Les entreprises coopératives regroupent plus de 740 millions de membres dans le monde et emploient, faut-il le rappeler, plus de personnes que toutes les entreprises multinationales existant à ce jour.

Plus spécifiquement, les coopératives agricoles jouent en France un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire et constituent parfois le premier employeur dans les zones rurales.

La loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 a reconnu le rôle décisif que jouent les sociétés coopératives agricoles dans la promotion de l'agriculture française et des territoires.

Opter pour une fiscalité de droit commun conduirait non seulement à rompre avec l'idée fondatrice du mouvement coopératif selon laquelle les coopératives, notamment les coopératives d'utilisation de matériel agricole, sont inscrites dans le prolongement direct des exploitations agricoles, mais aussi à rendre plus complexes la gestion administrative des coopératives de proximité et les initiatives collectives locales.

Alors que la France préside encore pour quelques semaines l'Union européenne, j'interroge aujourd'hui le Gouvernement sur son engagement à défendre le statut et la fiscalité des coopératives, pour qu'au sein de l'espace européen cette forme d'entreprise puisse exister à armes égales dans une économie concurrentielle. Je ne doute pas que le Gouvernement et le Président de la République aient à cœur de faire avancer ce dossier.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la sénatrice, vous avez fort bien rappelé que la Commission européenne avait été saisie au mois de mai 2004 d'une plainte déposée à l'encontre de l'État français pour la mise en œuvre d'un régime fiscal dérogatoire applicable aux coopératives agricoles.

Depuis la notification de cette plainte, des échanges ont eu lieu entre la Commission européenne et les autorités françaises. Ainsi, la France a adressé deux réponses à la Commission européenne en 2004, puis en 2006.

Les autorités françaises ont indiqué que les mesures fiscales dérogatoires en faveur des sociétés coopératives n'étaient ni plus ni moins que la contrepartie des contraintes juridiques auxquelles ces entités étaient soumises. Du point de vue de la France, de telles mesures ne sont donc pas de nature à procurer des avantages concurrentiels indus aux coopératives, ce qui exclut que de telles dispositions puissent être qualifiées d'aides d'État.

Je vous confirme donc l'engagement du Gouvernement à défendre les coopératives, puisque c'est l'objet de votre question, madame la sénatrice. Je souscris tout à fait à vos analyses : les coopératives constituent un outil adapté au marché, notamment en renforçant le poids des producteurs, qui peuvent ainsi mieux résister dans un contexte de pression croissante sur les prix.

Depuis que les réponses des autorités françaises ont été transmises à la Commission européenne, aucune procédure formelle d'examen du régime fiscal français des coopératives agricoles au regard de la réglementation communautaire relative aux aides d'État n'a encore été ouverte.

En outre, dans le cadre de questions préjudicielles posées par des juridictions italiennes à la Cour de justice des Communautés européennes, portant notamment sur la qualification d'aides d'État au sens du traité CE de mesures fiscales dérogatoires en faveur de sociétés coopératives, les autorités françaises sont intervenues pour contester cette qualification.

Madame la sénatrice, je vous assure donc que les autorités françaises restent particulièrement vigilantes sur les actions menées par la Commission européenne à propos des différents régimes fiscaux applicables aux sociétés coopératives, et entendent continuer à défendre les intérêts de ces organismes.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je remercie Mme la secrétaire d'État d'avoir confirmé que la France maintenait sa position sur ce sujet.

Je tiens à souligner que le mandat de la Commission européenne va bientôt s'achever. Mme Neelie Kroes, commissaire européenne chargée de la concurrence, a été très active, quelquefois même assez rigide, il faut bien le dire, sur ce sujet.

J'entends empêcher que ce dossier ne s'endorme. C'est pourquoi ma question a pour objet de rappeler l'importance du monde coopératif dans l'activité économique. Après le sommet de Washington qui vient de se tenir et de proposer des mesures en faveur de la relance économique – on se demande d'ailleurs quelle sera la réaction de l'Europe –, il me paraît important de ne pas fragiliser ce secteur, qui, je le rappelle, est pourvoyeur d'emplois. Il faut que la France tienne bon au-delà de la présidence française de l'Union européenne et du changement qui interviendra prochainement au sein de la Commission européenne.

Je le répète, ce dossier ne doit pas dormir. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu le réveiller en ce lundi matin, monsieur le président ! (Sourires.)

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