Question de M. de ROHAN Josselin (Morbihan - UMP) publiée le 09/04/2009

M. Josselin de Rohan attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire sur le paragraphe V de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, introduit par l'article 235 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, qui exclut les rus et les étiers du dispositif prévu par la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Ainsi, aux termes de ces dispositions, les rives des rus et étiers en amont d'une limite située à l'embouchure du cours d'eau ne sont plus soumises à l'interdiction de construction sur la bande littorale des cent mètres, cette limite devant être fixée par un décret en Conseil d'État. Il souligne que malgré de nombreux rappels et une correspondance abondante avec le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, et les services du Premier ministre, aucun engagement n'a été pris par le Gouvernement relativement à la publication de ce décret et que cette non parution est source d'insécurité juridique. Il lui demande donc quand compte-t-il faire paraître ce décret et quelles sont les raisons qui s'opposeraient éventuellement à sa parution ?

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'aménagement du territoire publiée le 10/06/2009

Réponse apportée en séance publique le 09/06/2009

M. Josselin de Rohan. Monsieur le secrétaire d'État, lors de la discussion de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, la Haute Assemblée a adopté un amendement de M. Patrice Gélard excluant les rus et étiers du dispositif de protection du littoral prévu par la loi du 3 janvier 1986, dite loi Littoral.

Á l'occasion de son déplacement à Rochefort, en Charente-Maritime, le 18 juillet 2005, pour le trentième anniversaire du Conservatoire du littoral, le Président de la République, Jacques Chirac, rappelait que « la politique littorale que mène la France recherche un juste équilibre entre les impératifs de protection du littoral et la nécessité de l'aménager raisonnablement […]. La loi Littoral doit s'appliquer pleinement. Un soin tout particulier sera apporté à une application respectueuse de l'environnement de la récente modification de la loi Littoral en ce qui concerne les rus et étiers de cours d'eau ».

Aux termes des dispositions votées par le Sénat, les rives des rus et des étiers localisés en amont d'une limite située à l'embouchure du cours d'eau ne seront plus soumises, d'une part, à la justification et à la motivation de leur urbanisation dans le PLU et, d'autre part, à l'interdiction de constructions ou d'installations sur la bande littorale des cent mètres. La loi prévoit que la limite au-delà de laquelle ces rives ne seront plus soumises à la législation sur les espaces proches du rivage et des plans d'eau intérieurs doit être fixée par l'autorité administrative, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État.

Malgré deux questions écrites de mon collègue André Trillard et de moi-même, malgré cinq courriers adressés en 2007 au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, malgré l'assurance donnée à chaque reprise que le dossier faisait l'objet d'un examen attentif ou était en cours de finalisation, le décret sur les rus et étiers n'est jamais paru.

Il en résulte une grande insécurité juridique pour les communes du littoral qui ont sur leur territoire des rus et des étiers. Cette insécurité a donné lieu, dans certains cas, à des affaires très douloureuses. Je pense, en particulier, à celle qui s'est déroulée il y a quelques années dans la commune de Pénestin, dans le Morbihan.

Je vous demande donc simplement les raisons qui s'opposent à la mise en œuvre d'une disposition voulue par le législateur. Quand comptez-vous publier un décret attendu depuis plus de quatre ans ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, relatif aux rus et étiers, est issu d'un amendement sénatorial adopté dans le cadre de l'examen de la loi n°2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

Cet amendement vise à exclure l'application de deux règles de la loi Littoral relatives à l'inconstructibilité de la bande des cent mètres et à l'extension limitée de l'urbanisation dans les espaces proches du rivage, le long des rus et étiers.

Il est apparu nécessaire de mesurer les implications juridiques et environnementales exactes de cette mesure. Il convient de préserver l'équilibre entre développement et protection des communes littorales, que la loi Littoral a aujourd'hui permis d'atteindre.

Compte tenu de leurs spécificités géographiques, un certain nombre de communes, notamment du littoral atlantique, sont particulièrement concernées par ces règles de non-constructibilité le long des rus et étiers. Interdire de construire sur une bande de cent mètres de part et d'autre de petits cours d'eau qui n'excèdent parfois pas quatre-vingts centimètres de large peut sembler totalement disproportionné.

Néanmoins, et conformément à l'esprit du Grenelle de l'environnement, il est indispensable que les secteurs situés à proximité des rus et étiers restent protégés. Les zones humides sont des milieux particulièrement sensibles et présentant une biodiversité souvent développée.

De plus, les contextes locaux sont différents d'une côte à l'autre - nous sommes bien placés, vous et moi, monsieur le sénateur, pour connaître ces différences - voire d'un ru à l'autre. Il apparaît difficile d'apporter une réponse univoque adaptée à l'ensemble des situations sans réflexion poussée.

Pour apporter une réponse appropriée aux questions complexes et sensibles sur le plan environnemental liées à la mise en œuvre de cette disposition, le Gouvernement a examiné avec une attention particulière les difficultés identifiées lors de la rédaction et du vote de cet amendement.

Il tendait à apporter une réponse équitable et juste à un préjudice subi par des résidents d'une commune littorale. Les personnes concernées avaient effectivement subi un préjudice incontestable, lié à une différence d'interprétation de la loi Littoral, sur cette question de « rus et étiers », entre, d'une part, l'État et la commune, qui avait délivré un permis de construire, d'autre part, le tribunal, qui l'avait in fine annulé, alors même que les travaux étaient bien engagés, une série de maisons étant déjà construites, et d'autres en chantier très avancé.

Une fois ce préjudice évalué, il a donné lieu à indemnisation.

Au-delà de ce cas particulier, qui a ainsi trouvé une forme de résolution, il convient effectivement d'entourer d'une plus grande sécurité juridique les cas similaires qui pourraient être rencontrés.

Les travaux engagés sont donc poursuivis, à travers des consultations de niveau local menées conjointement par les directions de l'environnement et de l'urbanisme du ministère, pour identifier différents types de rus et régler les situations locales correspondantes. In fine, il s'agit bien d'apporter un cadre juridique sécurisé aux collectivités, particuliers et opérateurs, tout en veillant à la préservation des milieux très sensibles.

Les réflexions du Grenelle de la mer en cours, dont les conclusions me seront remises aujourd'hui même, sont là pour nous rappeler que l'interface terre - mer ne se résume pas au simple trait de côte ; elle remonte sur les bassins versants et se poursuit en mer, bien au-delà de la bande littorale elle-même.

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.

M. Josselin de Rohan. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Puisque vous renvoyez la solution de ces problèmes à l'établissement de schémas d'orientation et de cohérence territoriale, SCOT, ou de documents particuliers, j'en déduis que nous attendrons longtemps encore la parution d'un décret !

Comme vous l'avez très bien dit tout à l'heure, les choix sont souvent faits sur la base des décisions rendues par les tribunaux administratifs, qui varient très largement de l'un à l'autre selon le degré de compréhension des magistrats qui les composent.

Puisque vous êtes maire d'une commune du littoral, vous savez, monsieur le secrétaire d'État, que des associations environnementalistes passent leur temps à déférer toutes les décisions des maires devant les tribunaux administratifs, voire devant le Conseil d'État.

L'importance actuelle de la jurisprudence dans l'application de la loi Littoral aboutit à des situations d'insécurité, à Pénestin et ailleurs. Je ne sais ce qui ressortira du Grenelle de la mer, mais je doute qu'il permette d'apporter une réponse au cas que je viens d'évoquer. Je crains que le contentieux ne se développe dans ce domaine, et je le déplore.

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