Question de Mme GHALI Samia (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 14/05/2009

Mme Samia Ghali attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur ses intentions en matière d'accueil des enfants de deux à trois ans dans les écoles maternelles. Elle rappelle son attachement à l'égalité des chances pour tous les enfants et considère que la réussite scolaire passe nécessairement pour certains enfants par une prise en charge précoce par le système éducatif et scolaire. Elle lui demande donc si l'expérimentation, engagée depuis septembre dernier dans le département du Rhône, concernant la prise en charge payante des enfants de deux à trois ans dans des "jardins d'éveil", dans des locaux de l'école maternelle, par du personnel municipal sera généralisée. Si tel était le cas, elle dénoncerait avec les parents, les élus municipaux, les enseignants, les personnels de l'éducation nationale, les ATSEM, le désengagement de l'État dans sa mission de service public d'éducation et le déplacement des charges financières vers les mairies et les parents. Elle lui demande donc de ne pas généraliser cette expérimentation et d'assurer l'ouverture de classes pour les enfants de deux à trois ans, là où les besoins se font sentir. Elle lui demande quels sont les moyens que l' État entend mettre en œuvre pour que l'éducation nationale assure pleinement sa mission de service public et garantisse l'égalité des chances entre les enfants.

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Transmise au Secrétariat d'État chargé de la famille


Réponse du Secrétariat d'État chargé de la famille publiée le 24/06/2009

Réponse apportée en séance publique le 23/06/2009

La parole est à Mme Samia Ghali, auteur de la question n° 552, transmise à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.

Mme Samia Ghali. Madame la secrétaire d'État, le rôle de l'école maternelle est fondamental. Les rapports de l'éducation nationale aboutissent tous aux mêmes conclusions : les performances au cours préparatoire des élèves de zones d'éducation prioritaire qui sont scolarisés précocement sont meilleures dans presque tous les domaines. C'est ce que constatent au quotidien les personnels du service départemental de la protection maternelle et infantile.

Dans les familles pour lesquelles les actions de parentalité et les interventions sociales s'avèrent nécessaires, l'inscription précoce de l'enfant à l'école est un élément indispensable de l'éveil et de son développement.

Alors que l'école n'est obligatoire qu'à partir de six ans, la quasi-totalité des enfants de trois ans y sont inscrits.

Concernant l'inscription des enfants de moins de trois ans, les pouvoirs publics avaient privilégié une approche souple et pragmatique. En 2002, près de 37 % des enfants de moins de trois ans se trouvaient scolarisés. Aujourd'hui, en raison des obstacles posés et des refus affichés, ils ne seraient plus que 22 %.

Nous nous trouvons en ce moment en période de préinscription et, même dans les quartiers les plus défavorisées, les inspections académiques opposent des fins de non-recevoir. Il s'agit pourtant de populations fragiles, qui connaissent des difficultés culturelles, sociales et financières. L'inscription à l'école publique et gratuite les aiderait en favorisant l'éveil de leurs enfants et en permettant à ceux-ci d'acquérir les premiers apprentissages.

Il est évident que l'accueil des enfants de moins de trois ans au sein des écoles maternelles doit être amélioré. Dans cette optique, l'effort doit être porté sur le niveau de la formation des personnels et, bien sûr, le ratio d'encadrement. Ce n'est pas votre option puisque, aujourd'hui, pour ces enfants, les portes de l'école tendent à se fermer…

Votre politique va même en sens inverse : en septembre dernier, une expérimentation concernant la prise en charge payante des enfants de deux à trois ans dans des « jardins d'éveil » a été engagée dans le département du Rhône et, au début du mois d'avril, vous avez annoncé son extension par l'attribution payante de 8 000 places en jardin d'éveil.

Je vous demande donc de bien vouloir préciser à la représentation nationale dans quels locaux se feront ces expérimentations, dans quelles conditions – je pense notamment au ratio d'encadrement – et avec quels personnels ? Quelles seront leur formation et leurs compétences ? Enfin, pourriez-vous nous indiquer le coût qui sera supporté par les familles et les collectivités territoriales ?

Pour être maman d'un enfant de vingt mois, j'ai bien conscience des problèmes importants de garde que rencontrent de nombreux parents, qui se posent d'ailleurs plus à la naissance qu'à l'âge de deux ans. Il faut augmenter l'offre de places en crèche.

Madame la secrétaire d'État, vous vous désengagez par principe – et, je le crains, par économie – de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, quels que soient les quartiers. Nous sommes nombreux à nous inquiéter de la mise en place, in situ, de structures payantes pour les parents, dont les missions seront en deçà de celles du service public de l'éducation nationale.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Madame la sénatrice, je voudrais d'abord vous rappeler que je suis chargée du développement des modes de garde. Il y a, d'un côté, l'éducation nationale et, de l'autre, la mission que m'a confiée le Président de la République, consistant à développer sur l'ensemble du territoire, au service des familles, 200 000 places supplémentaires correspondant à de nouveaux modes de garde, pour accompagner et encourager la natalité, qui, vous le savez, est la plus forte d'Europe.

Vous avez sans doute eu connaissance de l'étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DRESS, qui démontre que, entre 2002 et 2007, le coût des gardes d'enfants, tous modes confondus, a baissé de plus de 4,5 % par an, soit 24,35 % en cinq ans – c'est une bonne nouvelle ! – grâce à la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, au crédit d'impôt en faveur des familles modestes et aux aides fiscales.

Vous soulevez la question de la préscolarisation. Vous savez que l'école maternelle à la française est une exception mondiale ! Je vous rappelle que la quasi-totalité des études qui ont été réalisées – nous ne disposons sans doute pas des mêmes, mais Mme Royal en avait elle-même commandé une sur ce sujet – démontrent qu'une scolarisation trop précoce est généralement néfaste pour les jeunes enfants. Cela dit, il se peut que, dans certains quartiers difficiles, des enfants qui ne sont pas suffisamment pris en charge en retirent un bénéfice.

Sans généraliser à l'excès, il demeure qu'une préscolarisation n'est pas souhaitable parce que l'enfant n'est pas accompagné de la même manière que dans un mode de garde plus traditionnel. Entre deux et trois ans, un enfant est encore un bébé ! Dans ces conditions, s'il est pris en charge à l'école maternelle, avec une enseignante et un ATSEM – agent territorial spécialisé des écoles maternelles –, l'encadrement n'est pas suffisant, ne serait-ce que parce que, bien souvent, il n'est pas encore « propre ».

Les jardins d'éveil que nous allons expérimenter ont fait l'objet d'un rapport sénatorial de Mme Papon et de M. Martin, puis de consultations et de concertations avec l'ensemble des acteurs de la petite enfance, des collectivités locales et des représentants de l'Association des maires et de l'Assemblée des départements de France.

L'objectif est de diversifier les modes de garde sur l'ensemble du territoire. Ainsi, les 8000 places prévues dans le cadre de l'expérimentation ne viendront aucunement concurrencer la maternelle, ni même les zones où se trouvent déjà des structures de préscolarisation. En revanche, les jardins d'éveil représentent un outil utile pour compléter les modes de garde existants.

Cette structure, plus souple à mettre en œuvre, repose sur la mutualisation des moyens : une mairie, une association ou une entreprise pourra mettre en place un jardin d'éveil en utilisant des moyens déjà existants. Par exemple, un maire peut consacrer des locaux disponibles pour organiser un accueil périscolaire dans le cadre d'un groupe scolaire : cela lui permettra, à partir du bâti existant de mutualiser l'électricité, le chauffage, etc.

Le coût moyen d'une place de crèche, vous le savez, c'est 13 000 euros par an, contre moins de 8 000 euros pour une place en jardin d'éveil. Tout le monde y gagne puisque les financements seront croisés : les caisses d'allocations familiales, les collectivités locales – et je vous rappelle que la petite enfance relève bien de leurs attributions –, les parents, qui contribuent en fonction de leurs revenus. Même les entreprises pourront participer au financement des jardins d'éveil dans le cadre de leur politique familiale.

L'encadrement sera beaucoup plus resserré, avec des groupes de douze à vingt-quatre enfants. Il y aura trois encadrants, auxquels s'ajouteront deux employés qui pourront travailler à mi-temps dans d'autres structures.

Par ailleurs, un bilan du fonctionnement de ces structures innovantes sera effectué chaque année.

Du reste, nous croulons déjà sous les demandes de maires ! J'enverrai la méthodologie des jardins d'éveil à tous les parlementaires, et je vous rappelle que vous pouvez aussi la télécharger sur le site de la caisse nationale des allocations familiales ou sur celui du Gouvernement, <www.familles.gouv.fr>.

Ce dispositif est un atout pour les collectivités locales et pour les familles parce qu'il répond vraiment à l'exigence d'un encadrement privilégié des tout-petits.

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali.

Mme Samia Ghali. Madame la secrétaire d'État, s'agissant de la question de l'entrée à l'école maternelle à moins de trois ans, je mettrai en avant mon statut de mère de quatre enfants, dont l'aîné a dix-huit ans et passe son bac en ce moment même – j'espère que tout va bien se passer (Sourires.) – et le plus jeune, vingt mois.

Madame la secrétaire d'État, j'entends vos arguments et, sur le fond, je suis d'accord avec vous sur ce sujet important. Ce qui m'inquiète, ce sont les inégalités qui risquent d'apparaître entre les communes riches et les communes pauvres ou entre les quartiers d'une même ville. À Marseille, où je suis élue, je peux vous dire qu'on ne parle pas aujourd'hui de jardin d'éveil…

Madame la secrétaire d'État, vous avez raison, il est toujours mieux, pour un enfant, d'être gardé par une nounou ou d'être accueilli dans une crèche plutôt que d'aller à l'école à deux ans. Mais que se passe-t-il pour les enfants de moins de trois ans qui sont nés, par exemple, au mois de mars et qui rentreront finalement à l'école à trois ans et demi ? Est-il plus intéressant qu'ils soient à l'école maternelle ou qu'ils restent devant la télé à regarder des feuilletons américains ? Car c'est cela qui se passe !

Il s'agit là d'un problème bien réel, et même s'il ne relève pas entièrement de votre compétence, madame la secrétaire d'État, vous êtes chargée de la famille, et c'est la raison pour laquelle je vous interpelle.

Le Président de la République a affirmé hier qu'il fallait donner des moyens aux écoles de la deuxième chance pour qu'elles se développent. J'estime, pour ma part, que l'on devrait commencer par donner des moyens suffisants aux écoles de la première chance, qui en ont bien besoin, surtout dans certains quartiers. En scolarisant certains enfants à deux ans et demi et d'autres à quatre ans, on crée des disparités importantes et certains enfants prennent d'emblée du retard !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je veux souhaiter bonne chance à votre fils qui passe le bac ! (Nouveaux sourires.) Vous avez quatre enfants, j'en ai trois. (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste.) Nous avons toutes deux l'expérience des différents modes de garde…

Je voudrais vous rassurer sur un point.

Les secteurs déficitaires, notamment en milieu rural ou dans certains quartiers qui sont dépourvus de structures de garde et qui ont besoin de les développer, seront aidés par la caisse nationale d'allocations familiales à hauteur de près de 3 200 euros.

Dans la convention d'objectifs et de gestion que nous avons signée avec la CNAF, vous le savez, l'État a fait un effort de près de 1,3 milliard d'euros pour développer ces modes de garde. Nous avons prévu une ligne budgétaire de 30 millions d'euros, à laquelle Fadela Amara et moi-même tenions beaucoup, pour développer les modes de garde dans 215 quartiers prioritaires.

On le sait, certaines femmes à la recherche d'un emploi ne peuvent même pas répondre à un entretien parce qu'elles ne savent pas comment faire garder leurs enfants ! La ligne budgétaire que nous avons donc mise en place pour les tout-petits pourra sans doute intéresser les quartiers de Marseille, en permettant d'y développer l'offre de garde.

Les appels à projets ont été lancés, et je suis tout à fait prête à vous recevoir pour que nous examinions ensemble très concrètement les secteurs de votre choix afin de trouver des solutions pour les quartiers difficiles et les familles les plus défavorisées.

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