Question de Mme BOUMEDIENE-THIERY Alima (Paris - SOC-R) publiée le 18/06/2009

Mme Alima Boumediene-Thiery appelle l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur la situation des vieux migrants qui sont amenés à circuler entre leur pays d'origine et la France. Les « chibanis » ont pour la plupart travaillé durant 30 ou 40 ans pour des salaires minima et se trouvent, lorsqu'ils entrent en retraite, confrontés à des difficultés importantes liées à leur nomadisme.

Ces migrants qui résident en France se rendent souvent, durant leur retraite, dans leur pays d'origine pour 1 mois ou parfois pour un séjour de plus de 3 mois. Dans ces circonstances, ils perdent le bénéfice de nombreuses prestations sociales, comme notamment l'aide personnalisée au logement, en raison de ces voyages pourtant nécessaires pour le maintien des liens familiaux.

En effet, pour pouvoir bénéficier de l'allocation pour le logement, les migrants ne peuvent s'absenter de leur domicile plus de 4 mois, puisque une durée d'occupation de huit mois consécutifs est exigée pour pouvoir bénéficier de leur prestation. Au-delà de quatre mois à l'étranger, leur aide personnalisée au logement est supprimée d'office.

La caisse d'allocations familiales a développé une pratique abusive qui consiste à demander aux migrants leur passeport afin de vérifier la régularité et la stabilité de leur séjour. Lorsque les personnes refusent de présenter leur passeport, l'allocation est alors automatiquement supprimée. Ainsi, dans le département du Val-d'Oise, les habitants du foyer Adoma « Résidence les Remparts » à Argenteuil ont été privés de l'aide personnalisée à l'emploi et se retrouvent dans une grande précarité en raison de leur refus de présenter leur passeport. La décision, unilatérale et arbitraire, n'a d'ailleurs pas été notifiée de manière personnelle et n'a donc pas fait l'objet d'une information sur les droits de recours.

Dans une délibération du 6 avril 2009, la HALDE a considéré qu'une telle décision de suspension des aides personnalisées au logement « est illégale et revêt un caractère discriminatoire fondé sur la nationalité». Elle a également considéré que la méthode consistant à exiger la production du passeport pour justifier d'une résidence stable et continue de 8 mois sur le territoire français était « contestable et de nature à amplifier le caractère discriminatoire des décisions litigieuses ».
C'est pourquoi elle lui demande quelles mesures il entend prendre pour garantir le droit d'accès effectif de ces personnes hautement vulnérables à l'aide au logement et pour mettre en œuvre des méthodes de contrôle plus respectueuses des droits fondamentaux et du principe de non-discrimination.

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Réponse du Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville publiée le 01/04/2010

Les « chibanis » sont des personnes ressortissantes des pays du Maghreb venues en France dans les années 1970 pour y travailler, et qui sont aujourd'hui retraitées. Elles vivent dans notre pays mais effectuent de fréquents allers et retours entre la France et ces pays, notamment pour rejoindre leurs familles restées dans leur pays d'origine. Selon l'honorable parlementaire, ces allers-retours peuvent emporter une perte de certains de leurs droits sociaux, notamment des aides personnelles au logement. En effet, un certain nombre de prestations sociales sont servies sous conditions de résidence effective en France. Pour prétendre ainsi au bénéfice d'une aide personnelle au logement (allocation de logement familiale, allocation de logement social et aide personnalisée au logement), il faut pouvoir justifier de l'occupation effective de son logement au moins huit mois par an, soit à titre personnel, soit par son conjoint ou concubin. Par conséquence, en cas de résidence à l'étranger de plus de quatre mois, un chibani ne peut plus prétendre au bénéfice des aides au logement si son logement en France n'est pas occupé par un conjoint ou concubin. C'est la raison pour laquelle l'article 58 de la loi relative au droit au logement opposable a créé une aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine. Cette aide est ouverte aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, vivant seuls et âgés d'au moins 65 ans, qui justifient d'une résidence régulière et ininterrompue en France pendant les quinze ans précédant la demande d'aide et qui effectuent des séjours de longue durée dans leur pays d'origine. Destinée notamment aux anciens salariés hébergés en foyers de travailleurs migrants ou en résidences sociales et dont les retraites contributives sont très faibles, cette aide vise à compléter leurs ressources afin qu'ils puissent, s'ils le désirent, retourner dans leur pays d'origine. Il a été choisi d'expérimenter la mise en oeuvre de cette mesure par accord bilatéral avec les principaux pays concernés par ces populations. Il apparaît que la CAF était fondée à notifier des décisions de suspension des APL pour les allocataires n'ayant pas présenté les pièces justificatives permettant d'attester la condition d'occupation de leur logement au moins huit mois dans l'année. Comme le précise en effet l'article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale, « la non-présentation par le demandeur des pièces justificatives entraîne la suspension [...] du versement de la prestation ». Aussi, dans le cas de figure, la preuve de l'occupation effective du logement par les allocataires aurait pu être apportée par tous moyens (relevés de compte, remboursements de soins, entre autres) et il appartenait bien en conséquence aux personnes concernées de la résidence de produire ces justificatifs pour permettre la validation de leurs droits ou le rétablissement de leurs droits. Ce n'est donc pas l'absence des allocataires le jour même du contrôle qui a entraîné la suspension du versement des APL, mais bien l'absence de présentation des pièces justificatives, sur le fondement de l'article L. 161-1-4. Par ailleurs, les résidents qui n'étaient pas présents le jour du contrôle (contrôle pourtant annoncé bien en amont de la date prévue et qui s'est étalé sur près de deux mois) ont bien été invités par courrier à fournir les éléments justificatifs nécessaires. Enfin, la question des contrôles menés par les CAF n'en reste pas moins centrale et le Gouvernement y est attentif. Ainsi, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion 2009-2012 signée entre l'Etat et la branche famille, la Caisse nationale des allocations familiales s'est engagée à préciser les missions et à harmoniser les pratiques de ses contrôleurs en renforçant ainsi la professionnalisation de leur métier. Cet objectif passera notamment par la réalisation d'un guide de procédure de contrôle commun à l'ensemble du réseau des caisses et fera l'objet d'une évaluation régulière à partir d'indicateurs de suivi.

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