Question de M. GÉLARD Patrice (Seine-Maritime - UMP) publiée le 18/06/2009

M. Patrice Gélard attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la difficile conciliation entre les dispositions de l'article 432-12 du code pénal, qui réprime le délit de prise illégale d'intérêts, et les hypothèses dans lesquelles des élus locaux sont appelés à représenter la collectivité à laquelle ils appartiennent au sein d'établissements publics locaux.

En effet, aux termes de l'article 432-12, « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (…). »

Un arrêt récent de la Cour de cassation en date du 22 octobre 2008, Ville de Bagneux, a ainsi fait une application particulièrement rigoureuse de cet article s'agissant d'élus municipaux assurant la présidence d'associations locales en leur qualité d'élus.

L'incrimination pénale de prise illégale d'intérêts, de par la généralité de ses termes, et le fait que sa commission ne soit pas subordonnée à l'enrichissement personnel des intéressés, est ainsi de nature à faire peser des risques juridiques d'une particulière gravité sur les élus locaux. En effet, l'article 432-12 du code pénal n'exclut nullement de son champ d'application les cas dans lesquels l'entité au sein de laquelle un éventuel intérêt est pris, reçu ou conservé serait un établissement public local.

Cette situation est susceptible de compromettre par ailleurs le bon fonctionnement des établissements publics locaux considérés, qu'il s'agisse par exemple des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale), EPCC (établissements publics de coopération culturelle), CCAS (centres communaux d'action sociale), offices de tourisme ou caisses des écoles, alors que l'intention du législateur a été précisément de créer en leur sein une représentation d'élus locaux participant à leur administration.

Il lui demande de bien vouloir lui confirmer l'application de l'article 432-12 du code pénal aux relations entre les collectivités territoriales et les établissements publics qui leur sont rattachés. Il lui demande par ailleurs de bien vouloir lui indiquer les mesures qui pourraient être envisagées afin de limiter ces risques. Il précise à cet égard qu'il paraîtrait opportun de s'inspirer des dispositions de l'article L. 1524-5 du code général des collectivité territoriales qui dispose, s'agissant des représentants des collectivités territoriales au sein des sociétés d'économie mixtes locales dont elles sont actionnaires et de la notion voisine de « conseiller intéressé à l'affaire » au sens du contentieux administratif, que « Les élus locaux agissant en tant que mandataires des collectivités territoriales ou de leurs groupements au sein du conseil d'administration ou de surveillance des sociétés d'économie mixte locales et exerçant les fonctions de membre ou de président du conseil d'administration, de président-directeur général ou de membre ou de président du conseil de surveillance, ne sont pas considérés comme étant intéressés à l'affaire, au sens de l'article L. 2131-11, lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur ses relations avec la société d'économie mixte locale. »

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Transmise au Ministère de la justice et des libertés


Réponse du Ministère de la justice et des libertés publiée le 28/07/2011

Il convient de rappeler que le délit de prise illégale d'intérêt est un délit obstacle dont l'objet est de garantir notamment l'impartialité de la personne investie d'un mandat électif public dans l'exercice de ses prérogatives ; celle-ci est donc astreinte à un désintéressement absolu afin de faire échec à toute suspicion de partialité. L'article 432-12 du code pénal n'exclut donc pas de son champ d'application les cas dans lesquels l'intérêt serait pris, reçu ou conservé par un élu local au sein d'un établissement public local. La gravité du risque pénal que fait peser ce délit sur les élus locaux doit néanmoins être relativisé ; la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique relève d'ailleurs que le nombre de condamnations par an sous cette incrimination reste limité et que la politique pénale mise en oeuvre par les magistrats cible les comportements les plus dommageables aux collectivités publiques. Les statistiques de la chancellerie confirment ces propos. Il existe en effet un faible nombre de condamnations d'élus publics des chefs de prise illégale d'intérêt : 21 en 2004, 18 en 2005, 26 en 2006, 9 en 2007 et 25 en 2008. En outre, les élus locaux représentant une collectivité territoriale au sein d'un établissement public local peuvent échapper à toute sanction en s'abstenant de prendre part aux votes des délibérations de l'assemblée locale appelée à se prononcer sur ses relations avec cet établissement public. Dans le cadre de l'examen d'une proposition de loi visant à renforcer l'attractivité et à faciliter l'exercice du mandat local, adoptée le 30 juin dernier, le Sénat a toutefois voté un amendement visant à limiter le champ de délit aux cas dans lesquels l'intérêt litigieux est « personnel » et « distinct de l'intérêt général ».

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