Question de Mme KLÈS Virginie (Ille-et-Vilaine - SOC-A) publiée le 24/09/2009

Mme Virginie Klès attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés,
sur l'avenir du conseil de prud'hommes de Fougères en Ille-et-Vilaine.

Dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire mise en œuvre par la précédente garde des sceaux, le conseil de prud'hommes de Fougères a été supprimé par décret du 29 mai 2008. Au motif d'un vice de forme relatif à une irrégularité dans la concertation préalable à la prise de décision, le Conseil d'État a annulé ce décret, le 8 juillet 2008.

De fait, cet arrêt a contribué à installer une situation absurde pour les justiciables de Fougères et Vitré, dans la mesure où :

• la juridiction de Fougères, dont la suppression est effective depuis le 1er janvier 2009, se retrouve sans juge puisqu'aucun conseiller de prud'hommes n'y a été élu lors du dernier renouvellement, privant ainsi d'accès à la justice les salarié(e)s qui travaillent sur son territoire;

• la juridiction rennaise devient de fait incompétente et les salarié(e)s ne peuvent pas la saisir puisque le Conseil d'État considère que le conseil de prud'hommes de Fougères est la juridiction compétente. Ce vide juridique représente un avantage certain pour les employeurs dont les avocats ne manquent pas d'invoquer systématiquement l'incompétence territoriale pour faire obstacle aux dossiers fougerais plaidés devant le conseil de prud'hommes de Rennes.

Face à une « telle impossibilité de fonctionner », il semble que la cour d'appel peut prendre une ordonnance pour désigner, le temps de régulariser la situation, la juridiction compétente : le tribunal d'instance ou bien le conseil de prud'hommes le plus proche.

Or, toujours dans le cadre de cette même réforme de la carte judiciaire, le tribunal d'instance de Fougères a aussi été supprimé, rayant du coup totalement la ville, pourtant sous-préfecture, de la carte judiciaire et imposant de fait la compétence de Rennes.

Devant une telle confusion et une telle incohérence, elle lui demande de lui expliquer les raisons qui ont présidé à de tels choix dans la manière de réformer la carte judiciaire.

Elle lui demande également de lui préciser les dispositions qui ont été et seront prises pour clarifier la situation née de la suppression du conseil de prud'hommes et du tribunal d'instance de Fougères, et restaurer le droit fondamental d'accès à la justice, tout en lui rappelant que la meilleure solution reste la justice de proximité.

- page 2229


Réponse du Secrétaire d'État aux aînés publiée le 28/10/2009

Réponse apportée en séance publique le 27/10/2009

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, auteur de la question n° 635, adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Virginie Klès. Madame la secrétaire d'État, ma question, qui est adressée à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, concerne tant le présent que l'avenir du conseil des prud'hommes de Fougères, en Ille-et-Vilaine.

Dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire mise en œuvre par Mme Dati, le conseil des prud'hommes de Fougères a été supprimé par décret du 29 mai 2008. Au motif d'un vice de forme relatif à une irrégularité dans la concertation préalable à la prise de décision, le Conseil d'État a annulé ce décret le 8 juillet dernier.

De fait, cet arrêt a contribué à installer une situation absurde, abracadabrantesque, dirait certains, pour les justiciables de Fougères et Vitré, dans la mesure où la juridiction de Fougères, dont la suppression est effective depuis le 1er janvier 2009, se retrouve sans juge, puisque aucun conseiller de prud'hommes n'y a été élu lors du dernier renouvellement, privant ainsi d'accès à la justice les salariés qui travaillent sur son territoire.

En outre, la juridiction rennaise devient de fait incompétente et les salariés ne peuvent pas la saisir, puisque le Conseil d'État considère que le conseil des prud'hommes de Fougères est la juridiction compétente. Nous sommes là devant un vide juridique qui représente un avantage certain pour les employeurs, dont les avocats ne manquent pas d'invoquer systématiquement l'incompétence territoriale pour faire obstacle aux dossiers fougerais plaidés devant le conseil des prud'hommes de Rennes.

Face à une « telle impossibilité de fonctionner », il semble que la cour d'appel pourrait prendre une ordonnance pour désigner, le temps de régulariser la situation, la juridiction compétente, qui serait le tribunal d'instance ou le conseil des prud'hommes le plus près.

Or, toujours dans le cadre de cette même réforme de la carte judiciaire, le tribunal d'instance de Fougères a aussi été supprimé, rayant du coup totalement la ville, pourtant sous-préfecture, de la carte judiciaire et imposant de fait la compétence de Rennes.

Devant une telle confusion et une telle incohérence, je voudrais que vous me précisiez, madame la secrétaire d'État, les raisons qui ont présidé à de tels choix dans la manière de réformer la carte judiciaire, ainsi que les dispositions qui ont été prises et celles qui le seront pour clarifier la situation née de la suppression du conseil des prud'hommes et du tribunal d'instance de Fougères et pour restaurer le droit fondamental d'accès à la justice de chacun de nos concitoyens.

Enfin, je me permettrai d'émettre la conviction que la meilleure solution reste la proximité.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Madame la sénatrice, le Conseil d'État a en effet annulé le 8 juillet dernier, pour vice de forme, le décret du 29 mai 2008 supprimant deux conseils de prud'hommes, dont celui de Fougères.

L'annulation portant sur une question de forme et non sur le fond, un nouveau projet de décret est actuellement soumis pour avis aux instances consultatives.

Le conseil de prud'hommes de Fougères, tout comme le tribunal d'instance, a une activité insuffisante pour pouvoir être maintenu.

Son activité – 92 affaires nouvelles hors référés en moyenne par an entre 2003 et 2005 – représente moins de trois dossiers par an par conseiller. Ce niveau d'activité ne permet pas le maintien de la technicité et de la spécialisation requises pour rendre une justice de qualité.

Ce conseil de prud'hommes n'étant pas en état de fonctionner, puisque aucun conseiller de prud'hommes n'y a été élu lors du dernier renouvellement général du 3 décembre 2008, Mme le garde des sceaux a demandé aux chefs de la cour d'appel de Rennes de faire application des dispositions de l'article L. 1423-8 du code du travail afin que la continuité de la justice prud'homale soit assurée.

Le premier président de la cour d'appel de Rennes a désigné, par ordonnance, le conseil de prud'hommes de Rennes pour connaître du contentieux relevant de la compétence de celui de Fougères.

Le tribunal d'instance de Fougères, avec moins de 500 affaires par an, ne permet pas l'emploi d'un magistrat à temps plein. Il ne justifie donc pas son maintien.

C'est la raison pour laquelle cette juridiction, comme le conseil de prud'hommes, a vocation à être regroupée avec celle qui est de même nature siégeant à Rennes.

La réforme de la carte judiciaire vise à améliorer le fonctionnement des juridictions et à moderniser la justice dans l'intérêt du justiciable.

Il importe de disposer d'implantations judiciaires ayant une activité suffisante pour garantir la qualité et l'efficacité de la réponse judiciaire, en permettant d'assurer dans des conditions optimales la continuité du service public de la justice, l'accueil du justiciable et la sécurité des personnels et des justiciables.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Je ferai quelques brèves observations sur les raisons de la disparition du conseil des prud'hommes de Fougères.

Madame la secrétaire d'État, vous dites que l'intérêt du justiciable doit être préservé. Il me semble qu'il l'est difficilement quand on sait que la cité judiciaire de Rennes se trouve à 50 kilomètres de Fougères et qu'aucun moyen de transport public n'est prévu aux heures d'audience tant à l'aller qu'au retour. Les justiciables sont contraints de prendre leur voiture, ce qui ne va pas dans le sens du développement durable que l'on évoquait tout à l'heure.

En ce qui concerne la qualité de la justice rendue, je ne pense pas qu'elle dépende du nombre d'affaires traitées par un tribunal. En tout cas, le conseil des prud'hommes de Fougères assurait une justice de qualité, puisque 90 % des décisions étaient confirmées en appel.

Évidemment, les raisons de l'annulation du décret ne me satisfont pas, vous deviez vous en douter. Ainsi, outre le droit d'accès à la justice pour tous les citoyens, y compris ceux de Fougères ou de Vitré, il me restera à défendre, dans les mois à venir, l'indépendance même de la justice.

L'accès à la justice et son indépendance sont les deux piliers de la démocratie, qui sont, à mon sens, fortement mis à mal aujourd'hui.

- page 8945

Page mise à jour le