Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 09/10/2009

Question posée en séance publique le 08/10/2009

M. Yves Détraigne. Ma question s'adresse à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.

Les Français ont été stupéfaits d'apprendre que l'académie de Créteil mettait en place, dans trois lycées professionnels, ce que la presse qualifie de « cagnotte contre l'absentéisme » : si les lycéens font preuve d'assiduité tout au long de l'année, leur classe bénéficiera d'une somme pour financer un projet collectif tel qu'un voyage ou le permis de conduire.

Sauf erreur de ma part, l'école républicaine en France repose sur quelques principes forts dont ceux d'obligation et de gratuité. L'application de ces principes a toujours été considérée comme une chance pour notre pays et pour sa jeunesse.

Il a toujours été de la responsabilité des parents de veiller à l'assiduité scolaire de leurs enfants, sous peine même de voir suspendre leurs allocations familiales en cas d'absentéisme.

Avec cette innovation, on inverse les principes, et ce qui était considéré comme un devoir de futur citoyen responsable devient la contrepartie d'une rémunération.

Même si le Gouvernement nous dit qu'il faut relativiser, que cette expérimentation ne concerne que quelques établissements, qu'elle est menée dans des lycées professionnels et non dans l'enseignement général, et que nous avons affaire à de jeunes adultes et non à des enfants, il n'en reste pas moins vrai que cette innovation constitue une aberration pour beaucoup de Français. Non seulement elle montre du doigt une fois de plus l'enseignement professionnel, mais elle crée aussi un dangereux précédent : verra-t-on, demain, des enfants marchander auprès de leurs parents ou de leurs professeurs leur présence à l'école ou la réalisation de leurs devoirs ?

M. Jacques Mahéas. Tout à fait !

M. Yves Détraigne. Selon M. le ministre de l'éducation nationale, il s'agit d'une forme de « bourse au mérite ». Mais je ne vois vraiment pas en quoi le fait de se lever le matin pour aller à l'école mériterait d'être rémunéré !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Yves Détraigne. Quelles valeurs va-t-on transmettre à notre jeunesse avec de tels principes ? Comment peut-on, en utilisant de telles méthodes, espérer inculquer aux jeunes le sens de l'effort ?

Quelle que soit sa forme – fût-elle celle du financement d'un projet collectif –, l'appât du gain ne constitue pas une valeur éducative.

Monsieur le haut-commissaire, comment pouvez-vous donc justifier une telle décision ? Cette expérimentation abracadabrante n'est-elle pas en réalité une mauvaise réponse à un vrai problème, celui des classes parking et de l'orientation par défaut d'un trop grand nombre d'élèves ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP. – M. Guy Fischer applaudit également.)


Réponse du Haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissariat à la jeunesse publiée le 09/10/2009

Réponse apportée en séance publique le 08/10/2009

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'expérimentation à laquelle vous faites référence s'inscrit dans le cadre d'un programme sur la jeunesse résolu engageant la réforme de l'orientation avec la création d'un service public d'orientation, la prolongation de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans, une obligation de formation jusqu'à dix-huit ans et la guerre absolue au décrochage par la mise en place de plates-formes dans toutes les régions.

M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas la question !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Si, monsieur le sénateur, c'est la question ! Il s'agit en effet de savoir si toute la politique de lutte contre le décrochage se résume à une expérimentation…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Malheureusement, il n'y a pas grand-chose d'autre !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. …parmi 165, elles-mêmes inscrites dans une politique globale sur la jeunesse qui n'a jamais été mise en œuvre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette expérience n'est pas bonne !

Mme Éliane Assassi. Mauvaise pioche !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Mme Le Texier, qui a présidé la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes, sait de quoi je parle, comme beaucoup d'entre vous qui ont contribué à ce travail.

L'expérimentation résulte de propositions des professeurs de l'enseignement professionnel, de l'inspection d'académie, du recteur, de chercheurs et d'universitaires, à la suite d'un rapport de cinquante pages que je vous transmettrai. Après avoir tout essayé pour faire face à l'absentéisme de jeunes de plus de seize ans n'étant plus soumis à l'obligation scolaire et ayant perdu toute motivation, il fallait en effet avancer de nouvelles solutions.

M. René-Pierre Signé. Qu'a fait Darcos ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous n'avons rien proposé de bouleversant ! Alors que les conseils régionaux et les différentes collectivités financent déjà très souvent des projets dans les établissements, nous avons, dans le cas présent, prévu des conditions supplémentaires : l'assiduité, la participation et la motivation.

Il ne s'agit pas, comme je l'ai lu, de payer les élèves pour qu'ils aillent en cours, de leur donner à cette fin des sucettes, des carottes…

M. René-Pierre Signé. C'est écolo !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. … ou je ne sais quoi ! Il s'agit d'essayer de solidariser l'ensemble des élèves et de la communauté éducative dans un projet motivant et porteur ayant comme contrepartie des droits – notamment celui de participer à un projet collectif – et des devoirs – notamment celui d'être présent et de participer aux cours.

M. Jacques Mahéas. Vous ne savez plus quoi faire !

M. David Assouline. Vous les attirez par le fric !

M. René-Pierre Signé. C'est la faillite de l'éducation nationale !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous n'avons pas à rougir de ce projet, comme des 165 projets prévus !

Luc Chatel et moi-même soutenons cette initiative, car les enseignants des lycées professionnels, au lieu de baisser les bras, de se résigner, d'attendre que cela passe ou de se laisser fustiger, ont choisi de se retrousser les manches !

M. Jean-Pierre Sueur. L'école est obligatoire !

M. David Assouline. Augmentez le nombre de personnels d'encadrement !

M. Jacques Mahéas. Vous avez supprimé 50 000 postes dans l'éducation nationale !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Une expérimentation du même type est menée dans une autre académie, en associant les parents au projet pédagogique ; dans l'académie d'Aix-Marseille, des étudiants bénévoles assurent un tutorat.

M. Jean-Pierre Sueur. Cette expérimentation est indéfendable !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous vous donnons rendez-vous pour l'évaluation de ce programme ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Pierre Fauchon applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur. Les applaudissements sont bien faibles ! Ils se forcent pour applaudir !

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