Question de M. YUNG Richard (Français établis hors de France - SOC) publiée le 29/10/2009

M. Richard Yung attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la nécessité de mettre en place en France une législation sur l'action de groupe.

Une législation est réclamée depuis de nombreuses années par les associations de défense des consommateurs et par de nombreux parlementaires. Il lui rappelle qu'il déposé un projet de loi avec sa collègue Mme Nicole Bricq en 2006.

Le Gouvernement, à plusieurs reprises, a promis que le Parlement pourrait légiférer sur l'action de groupe, notamment dans le cadre de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Cette promesse, comme bien d'autres, n'a pas été tenue. L'action de groupe ressemble à un serpent de mer, mer sur laquelle il a l'impression d'être mené en bateau.

Il lui demande quand les consommateurs français pourront enfin défendre leurs droits comme cela peut être fait dans d'autres pays et comme cela a été promis plusieurs fois par le Gouvernement.

Il lui demande également si la Commission envisage de faire des propositions au niveau européen.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 20/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 19/01/2010

M. Richard Yung. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur ce que l'on appelle les actions de groupe, c'est-à-dire la protection des victimes de dommages non corporels et, en général, de faibles montants commis par un même professionnel.

À un moment ou à un autre, nous avons tous eu des démêlés avec notre pourvoyeur de téléphone portable ou de chaînes de télévision, pour des montants de 10 ou 20 euros. Nous hésitons alors à agir, au regard de la lourde procédure à engager. Cependant, des dizaines, voire des centaines de milliers de clients sont ainsi lésés.

En l'état actuel de la législation, ces personnes ne sont pas suffisamment protégées, l'action en représentation conjointe n'étant pas satisfaisante, puisque, depuis 1992, on a recensé moins de dix procédures.

Il paraît donc urgent d'améliorer le droit en vigueur, le nombre de plaintes des consommateurs ayant explosé au cours des dernières années. L'augmentation a même atteint près de 50 % entre 2006 et 2007 ! Pour ce faire, il serait judicieux, me semble-t-il, de créer une procédure de recours collectif, s'inspirant notamment de la législation québécoise, qui remonte à 1978.

Ce sujet est devenu un véritable serpent de mer. Depuis les vœux prononcés par le Président Chirac en 2005, tous les gouvernements successifs ont promis d'introduire ce mécanisme dans notre droit, mais aucun engagement n'a été tenu.

Les citoyens, les consommateurs, et les parlementaires, sont, en quelque sorte, menés en bateau. En 2008, M. Chatel, chargé alors de la consommation au sein du Gouvernement, avait fait des propositions tout à fait intéressantes, sur lesquelles nous étions prêts à débattre. Mais il n'en a rien été, et la question est restée pendante.

Contrairement à l'exécutif, les parlementaires ont formulé de nombreuses pistes de réforme, souvent pertinentes.

Ma collègue Nicole Bricq et moi-même avons ainsi déposé une proposition de loi, dès 2005, qui, j'ai la faiblesse de le penser, n'est pas totalement inopportune dans la mesure où elle suscite l'hostilité à la fois du MEDEF et de l'UFC-Que Choisir. (Sourires.) En outre, avec mon collègue Laurent Béteille, je réunis ici même, au Sénat, un groupe de travail sur cette question de l'action de groupe.

Du côté du Gouvernement, M. Novelli, secrétaire d'État chargé de la consommation, s'est récemment déclaré favorable à la mise en place d'une action de groupe, mais en subordonnant son introduction à plusieurs conditions, notamment la fin de la crise économique, la réorganisation du mouvement consumériste et la transposition de la directive européenne sur la médiation.

Madame la secrétaire d'État, dans ce domaine, la société française doit à l'évidence évoluer comme la société européenne. Ma question est donc simple : comment se fait-il que notre pays n'avance pas sur ce sujet ? quels sont les blocages ? que compte faire le Gouvernement ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur Yung, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Christine Lagarde, qui m'a chargée de vous apporter les éléments de réponse suivants.

Tout le monde le sait, les litiges de consommation constituent un domaine privilégié des contentieux de masse, en particulier dans le secteur des services. Vous l'avez rappelé, les nouvelles technologies, comme la téléphonie mobile et internet, ou encore les cartes de crédit sont autant de phénomènes qui ont complexifié et multiplié les contrats de consommation et les techniques de vente, impliquant des moyens de résolution des litiges proportionnés et efficaces.

Les dispositifs dits d'« action de groupe » font actuellement l'objet de nombreuses réflexions au niveau aussi bien national, y compris de la part des parlementaires, qu'européen, notamment au sein de la direction générale Concurrence et de la direction générale Marché intérieur et services. Ces réflexions montrent – c'est le point que Christine Lagarde me demande de souligner auprès de vous – que les effets pervers de ce système d'action de groupe ont été largement occultés, ce qui nous amène effectivement à agir avec une certaine prudence.

En effet, la création d'une telle procédure s'inspirant directement du modèle en vigueur outre-Atlantique pourrait avoir de fâcheuses conséquences pour les entreprises : non seulement elles se verraient fragilisées, mais, en outre, sous prétexte de se défendre contre des procédures judiciaires très coûteuses, elles seraient amenées à enregistrer un certain nombre de provisions, en clair à augmenter leurs tarifs. Le système se retournerait finalement contre le consommateur.

Au-delà des enseignements tirés de l'analyse de l'expérience menée outre-Atlantique, et comme vous l'ont rappelé Luc Chatel, en son temps, et Hervé Novelli, plus récemment, un certain nombre de conditions ou de préalables ne sont pas remplis.

D'une part, en ces temps de crise économique, ce n'est franchement pas le moment d'ajouter à une inquiétude économique une inquiétude juridique : elle serait mal comprise, notamment par les salariés des entreprises concernées.

D'autre part, le mouvement consumériste n'est pas organisé, comme il peut l'être dans d'autres pays, pour piloter des procédures aussi complexes. À long terme, des effets défavorables en même temps aux consommateurs et aux salariés risquent donc de se produire.

C'est la raison pour laquelle nous préconisons plutôt le développement de la médiation civile, qui nous semble être de nature à résoudre bien plus sûrement les petits litiges, pour lesquels une résolution extrajudiciaire est parfaitement adaptée et moins coûteuse.

Cette réflexion rejoint celle qui est menée dans le cadre des travaux préparatoires à la transposition de la directive 2008/52/CE sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, dont l'objet est d'« apporter une solution extrajudiciaire économique et rapide aux litiges en matière civile et commerciale ». Les services de Christine Lagarde et ceux de la Chancellerie sont en train de travailler à sa transposition la plus rapide possible dans notre droit national.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Madame la secrétaire d'État, tout en vous remerciant de votre réponse, je me permettrai de formuler trois remarques.

Premièrement, les arguments sur la fragilisation des entreprises et les coûts supplémentaires nous sont parfaitement connus. Il existe un certain nombre de dispositifs qui permettent de ne pas tomber dans ces travers.

Nous n'avons nullement l'intention de copier le système américain. De nombreux autres fonctionnent, à l'image du système québécois que j'ai évoqué. Il est donc tout à fait possible de border le système. Nous ne pouvons donc nous satisfaire d'une réponse se limitant à souligner les prétendus risques pour les entreprises et à insister sur le contexte de crise actuel. On trouvera toujours une raison pour s'opposer à une telle procédure !

Deuxièmement, si nous sommes favorables au développement de la médiation – tout ce qui peut éviter le recours aux tribunaux et des procédures coûteuses est une excellente initiative –, nous ne voyons pas en quoi cela pourrait empêcher la mise en place, en parallèle, de l'action de groupe. À mon avis, ces deux systèmes, loin d'être opposés, sont complémentaires.

Troisièmement, enfin, au niveau européen, Bruxelles est en fait en train d'élaborer deux projets de directives, l'un émanant de la direction générale Concurrence, l'autre de la direction générale Marché intérieur et services. Nous avons pour l'instant du mal à comprendre comment ces deux projets peuvent cheminer conjointement. Nous serons donc intéressés de voir comment le gouvernement français répond aux propositions de Bruxelles. En tout cas, il est clair que la France devra agir en la matière.

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