Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 05/11/2009

M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur le massacre qui s'est déroulé le 28 septembre dernier en Guinée Conakry.

Il s'avère que les enquêtes menées ont révélé que les atrocités commises ayant entraîné la mort d'au moins 150 personnes, que les viols et actes de barbaries commis sur des dizaines de femmes, ont été l'œuvre préméditée des membres de la garde présidentielle.

Il lui demande de lui indiquer les actions engagées par la France suite à ces tragiques évènements.

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Réponse du Ministère des affaires étrangères et européennes publiée le 30/09/2010

Le 28 septembre 2009, l'armée a violemment réprimé une manifestation pacifique organisée par les Forces vives dans le stade de Conakry. Ce massacre a été unanimement condamné par la communauté internationale. La France a immédiatement suspendu sa coopération militaire avec ce pays et dépêché sur place une assistance médicale. Le 30 octobre, notre pays a cessé l'ensemble de sa coopération institutionnelle avec les autorités gouvernementales (une dizaine d'assistants techniques placés auprès de l'administration guinéenne) ainsi que le financement du projet d'aménagement de l'autoroute urbaine Tombo-Gbessia à Conakry. Toutefois, afin de ne pas pénaliser la population guinéenne, nos projets de coopération bénéficiant directement aux populations ont été maintenus. La mobilisation de la communauté internationale en faveur du retour de la démocratie en Guinée a été au coeur de l'action de la France, notamment par la saisine, à notre initiative, du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) et de l'Union européenne (UE). Le CSNU a adopté une première déclaration présidentielle le 28 octobre 2009. Il s'agissait du premier texte que les Nations unies adoptaient sur la Guinée (condamnation du massacre du 28 septembre, nécessité de lutter contre l'impunité, appui à la facilitation du Président Blaise Compaoré, soutien à la création d'une commission d'enquête internationale par le SGNU). La France, de concert avec les États-Unis, a adressé au secrétaire général des Nations unies une demande de création d'une Commission d'enquête internationale. Le 27 octobre 2009, le Conseil de l'Union européenne a, à notre demande, arrêté des mesures restrictives dirigées contre les membres du CNDD, et des personnes qui y sont associées, responsables de la répression violente du 28 septembre. Ces mesures consistent en un embargo sur les armes et une interdiction de visa destinée à empêcher l'entrée sur le territoire de l'UE aux personnes concernées. Ces mesures visaient 42 individus identifiés comme étant membres ou personnes associées. Le 22 décembre 2009, PUE a approfondi son régime de sanctions en élargissant la liste initiale de 42 noms à 71 noms. En outre, un régime de gel de leurs avoirs a été adopté. Nos partenaires africains (CEDEAO et UA) ont également adopté des sanctions (embargo sur les armes, interdictions de visa, gels d'avoirs) contre la junte, les 17 et 29 octobre 2009. Sous l'impulsion décisive du facilitateur désigné par la CEDEAO pour définir un processus de sortie de crise en Guinée, le Président Compaoré, le capitaine Dadis Camara et le général Konaté ont signé, le 15 janvier 2010, la « Déclaration conjointe de Ouagadougou » qui définit les modalités de la transition guinéenne : gouvernement d'union dirigé par un Premier ministre issu des Forces vives ; non-candidature des membres du CNDD, du chef d'état de la transition, du Premier ministre de transition, du gouvernement et des membres des Forces de sécurité et de défense en activité, aux prochaines élections ; tenue d'élections dans un délai de six mois. Nous avons obtenu, avec nos partenaires, que le capitaine Camara ne revienne pas en Guinée. Avec la signature de cet accord politique, la nomination d'un nouveau Premier ministre, le 20 janvier, et enfin, la nomination d'un gouvernement d'union nationale, le 15 février, la Guinée s'est engagée sur la voie de la transition démocratique. Pour marquer notre soutien au général Konaté et au gouvernement qui doivent organiser des élections, nous avons repris notre coopération civile et militaire. Le général a été reçu à Paris, les 1er et 2 avril, notamment par le ministre des affaires étrangères et européennes. Il a également été convié au sommet Afrique-France les 31 mai et 1er juin derniers. La gravité des agissements perpétrés par les forces de sécurité et de défense à Conakry a conduit la communauté internationale, avec l'appui de la CEDEAO et de l'UA, à la mise en place d'une commission d'enquête internationale des Nations unies. Le rapport de cette commission est accablant : au moins 156 personnes tuées ou disparues, 109 victimes de viols et autres violences sexuelles, y compris mutilations sexuelles et esclavage sexuel, usage de la torture, traitements cruels, inhumains et dégradants, arrestations et détentions arbitraires assorties du dépouillement systématique des manifestants à la sortie du stade. Il qualifie juridiquement les crimes perpétrés de « crimes contre l'humanité ». Ce rapport détermine les responsabilités. Celle de l'État guinéen pour les violations des droits de l'Homme commises par ses agents militaires, gendarmes, policiers et miliciens. Celles, individuelles, pour violations du droit pénal international (à titre principal : le capitaine Moussa Dadis Camara, « président » de l'État guinéen, le lieutenant Toumba Diakité, aide de camp du Président et chef de sa garde rapprochée, le commandant Moussa Tiegboro Camara, ministre chargé des services spéciaux, de la lutte antidrogue et du grand banditisme). Notre mobilisation au soutien de la Guinée et de la lutte contre l'impunité ne faiblit pas. Lors de la 13e session du Conseil des droits de l'Homme, qui s'est tenue au mois de mars 2010, la France a soutenu, avec ses partenaires européens, une résolution présentée par le groupe africain, au nom de la Guinée et adoptée par consensus, qui condamne le massacre du 28 septembre et salue la détermination des autorités guinéennes à combattre l'impunité et à oeuvrer en faveur de la démocratie et des droits de l'Homme. La France a activement soutenu le projet de création en Guinée d'un bureau national du Haut Commissariat aux droits de l'Homme, qui a fait l'objet d'un accord, le 4 mai 2010, entre le ministre guinéen des affaires étrangères et Mme Pillay, haut commissaire aux droits de l'Homme. La France souhaite que ce bureau ouvre le plus vite possible. Elle a annoncé sa disposition à contribuer à son financement à hauteur de 500 000 €. Nous avons de plus mené, au mois de juillet, une campagne de mobilisation de la communauté internationale afin de réunir le financement nécessaire à la mise en place de ce bureau. Enfin, nous apportons un appui technique et financier conséquent au processus électoral afin que la Guinée puisse se doter d'autorités légitimes et démocratiques. La signature par les deux candidats, le 3 septembre, à Ouagadougou, d'un protocole d'entente, constitue une étape importante vers la tenue apaisée du second tour du scrutin. Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé se sont engagés à accepter le résultat des urnes et à appeler leurs sympathisants au calme. Le ministre des affaires étrangères et européennes a rappelé aux deux candidats leur responsabilité, le caractère historique de cette élection et l'espoir que le peuple guinéen y fonde. Le soutien de la France en faveur du rétablissement de la démocratie en Guinée est constant. Elle entend rester vigilante et est déterminée à oeuvrer chaque jour davantage à la réconciliation en Guinée.

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