Question de Mme LE TEXIER Raymonde (Val-d'Oise - SOC) publiée le 15/01/2010

Question posée en séance publique le 14/01/2010

Mme Raymonde Le Texier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

M. René-Pierre Signé. Il est parti !

Mme Raymonde Le Texier. Ces derniers jours, au Kremlin-Bicêtre, dans un lycée, un jeune est mort poignardé ; il avait juste dix-huit ans et son agresseur n'était pas plus âgé.

À Cergy, quelques jours auparavant, dans un centre commercial, un jeune est mort, poignardé ; il avait seize ans et son agresseur n'était pas plus âgé.

La mort de ces deux jeunes nous a tous bouleversés et nos pensées vont d'abord vers leurs familles.

L'émotion légitime, qui naît de ces histoires tragiques, conduit chaque fois à s'interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour se protéger d'une telle violence. Et le peu que l'on sait de l'agresseur du Kremlin-Bicêtre semble en faire un cas d'école. Il s'agit, chaque fois, d'histoires personnelles faites de ruptures, d'échecs et de rejets : autant de détresses dont on peut se demander si elles ont été entendues à un moment ou à un autre.

Deux jeunes gens sont morts, deux autres sont devenus des meurtriers : quatre vies brisées ! Notre société s'est-elle donné les moyens de prévenir ces drames ?

Nous sommes tous d'accord pour chercher encore les moyens qui préserveraient l'école de toute violence, et le lycée en question n'était, semble-t-il, pas le plus mal loti en personnel et en vidéosurveillance.

La question qui se pose ici est celle de la prévention.

Prévenir, ce n'est pas refuser de sanctionner, ce n'est pas chercher des excuses à l'agresseur et, en aucun cas, l'exonérer de son crime. C'est vouloir agir en amont pour éviter le passage à l'acte, car c'est en amont que résident notre meilleur espoir de succès, mais aussi notre part de responsabilité collective.

Or, aujourd'hui, les acteurs de la prévention font cruellement défaut. Les services d'action éducative sont humainement « à découvert », les juges des enfants, surchargés, les structures d'aide à la parentalité, débordées. Dans les établissements scolaires, le nombre d'adultes ne cesse de baisser, les permanences de psychologues sont rares, comme le sont les assistantes sociales, les infirmières, les médecins scolaires. Autant de postes, dont la création urgente et en nombre ne dépend que de ceux qui veulent « sanctuariser l'école »...

Faute de moyens, l'enfance en danger n'est pas toujours repérée et, quand elle l'est, les réponses sont trop lentes à se mettre en place : un an et demi d'attente, par exemple, pour un premier rendez-vous dans un centre médico-psycho-pédagogique. Dans ces conditions, il est impossible de faire le travail d'accompagnement nécessaire, impossible de changer la donne, et il est difficile même d'insuffler l'espoir.

Monsieur le Premier ministre, en tant que chef du Gouvernement, êtes-vous prêt à prendre en compte ces paramètres et à prendre l'engagement d'investir massivement dans l'accompagnement social des jeunes en rupture pour éviter que la violence ne devienne leur façon d'être au monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Simon Sutour. Très bonne question !


Réponse du Haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissariat à la jeunesse publiée le 15/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2010

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame Le Texier, je voudrais saluer la gravité et la dignité de votre question…

M. Jean-Pierre Fourcade. C'est vrai !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. … et la manière dont vous avez souhaité replacer ces faits divers tragiques, que nous déplorons tous, dans un contexte un peu plus large en posant des questions sur la manière de pouvoir y répondre.

Vous avez raison : si nous devons sanctionner les actes criminels, et personne ne le conteste, nous devons aussi nous interroger sur leur prévention.

Je n'oublie évidemment pas, et les termes mêmes de votre question le montrent bien, que vous avez présidé la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes. Nous avons essayé ensemble d'élaborer des pistes, pas simplement pour le plaisir d'en discuter entre nous, mais pour les soumettre à l'épreuve de la réalité, pour les mettre en œuvre. Plusieurs d'entre elles commencent à porter leurs fruits et nous donnent les moyens de relancer une politique de prévention. Je citerai trois exemples.

Cette semaine même, nous avons rendu publics les résultats d'une expérimentation tout à fait intéressante. Elle montre que, dans les collèges les plus difficiles, quand on est prêt à investir un peu d'argent et quand la communauté éducative se donne la peine d'associer les parents aux projets éducatifs de la classe, au bout d'un an, on constate une augmentation de l'assiduité, une diminution des sanctions à l'égard des élèves, une augmentation du nombre de félicitations à la fin de la sixième et une amélioration des résultats en français.

La dépense ne représente que 1 500 euros par collège. Je suis prêt, avec les crédits destinés aux expérimentations et avec mon collègue Luc Chatel, à élargir ces programmes à l'ensemble des collèges et à faire rentrer les parents dans l'école.

MM. Jean-Pierre Fourcade et Roger Romani. Très bien !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Deuxième exemple. Comme vous le savez, un certain nombre de jeunes entrent dans l'adolescence par la porte de l'échec. Nous avons donc proposé la mise en place d'un livret de compétences. Cela oblige à rechercher les domaines dans lesquels un jeune est compétent. Nous lançons cette semaine l'appel à projets pour que le plus grand nombre possible d'établissements scolaires soient candidats à la mise en œuvre de ce dispositif, qui pourrait ainsi être généralisé en un ou deux ans.

Troisième exemple. Nous avons les uns et les autres soutenu les écoles de la deuxième chance qui, depuis quinze ans, sont expérimentales et n'avaient, jusque récemment, reçu aucun financement de l'État. Elles en ont maintenant un, qui permet de faire passer le nombre de places qu'elles offrent de 4 000 à 10 000.

J'ajouterai, pour conclure, que les problèmes de violence, de non-respect des uns et des autres nous rappellent que le civisme est quelque chose de fondamental. J'espère donc que le service civique, né ici même il y a quelques semaines– notamment grâce au président Yvon Collin, que je salue –, sera voté prochainement par l'Assemblée nationale et reviendra rapidement au Sénat pour son adoption définitive, afin que l'on puisse inciter les jeunes à s'engager dans des actions positives. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste et de l'UMP.)

- page 159

Page mise à jour le