Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 18/02/2010

M. Jacques Mézard attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des transports sur les difficultés qu'engendre la mise en œuvre de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l'accessibilité pour les personnes handicapés aux établissements recevant du public et aux transports publics.

La réalisation de cet objectif est tout à fait légitime et nécessaire ; la question plus préoccupante est celle du financement de cette mise en accessibilité pour les personnes handicapées aux bâtiments, infrastructures et transports. Les élus locaux doivent, en effet, prévoir des dépenses nouvelles pour la mise aux normes des bâtiments, trottoirs, voiries et transports.

La loi impose aux collectivités locales, et aux communes en particulier, de mettre en conformité les transports en commun en vue d'un accès complet aux personnes handicapées et à mobilité réduite au 11 février 2015 au plus tard. Même avec une programmation pluriannuelle d'investissement pour les prochaines années, la mise en accessibilité totale des transports en commun pour février 2015 s'avère difficilement concevable sans une aide significative de l'État. Il lui demande comment le Gouvernement prévoit d'aider les communes afin de permettre la réalisation d'ici février 2015 de l'accessibilité aux transports pour les personnes handicapées et à mobilité réduite.

Par ailleurs, il souhaite attirer son attention sur les dérogations à ce principe prévues par la loi en cas d'impossibilité technique avérée et à condition que soient mis en place des services de substitution adaptés, dont le coût pour la personne handicapée ne doit pas être supérieur au coût du transport public existant. Il apparaît qu'il appartient donc à chaque autorité organisatrice des transports de définir, dans son schéma directeur d'accessibilité, les moyens à mettre en œuvre pour satisfaire à l'objectif de la loi tout en prenant en considération les besoins locaux, les contraintes et les difficultés . Ainsi, il demande au Gouvernement, si en vertu de ces dérogations prévues par la loi et en raison du coût très élevé des aménagements nécessaires à une mise en accessibilité des transports existants, il ne serait pas plus efficace de mettre en place des services à la demande au profit des personnes handicapées ou à mobilité réduite plutôt que d'imposer des dispositifs très coûteux et parfois inadaptés ?

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Réponse du Secrétariat d'État au logement et à l'urbanisme publiée le 28/04/2010

Réponse apportée en séance publique le 27/04/2010

M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d'État, ma question porte sur les difficultés engendrées par la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 sur l'accessibilité pour les personnes handicapées aux établissements recevant du public et aux transports publics.

L'objectif de cette loi est tout à fait légitime, et nous ne le contestons pas. En revanche, la question du financement de cette mise en accessibilité pour les personnes handicapées est plus préoccupante. Les élus locaux que nous sommes doivent en effet prévoir des dépenses nouvelles pour la mise aux normes des bâtiments, des trottoirs, des voiries et des transports. Ceux qui gèrent ce type d'infrastructures le savent, les schémas d'accessibilité nous amènent à envisager des dépenses auxquelles nous ne pourrons pas faire face dans les délais impartis, dépenses dont certaines, au dire même des associations concernées par cette réforme, sont tout à fait inutiles.

La loi impose de mettre en conformité les transports en commun en vue d'un accès complet aux personnes handicapées. Mais même avec une programmation pluriannuelle d'investissement pour les prochaines années, il paraît difficilement concevable, voire impossible, sans une aide significative de l'État, que tout soit prêt pour février 2015. Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, comment le Gouvernement prévoit d'aider les communes et les autorités organisatrices de transport.

En outre, j'attire votre attention sur les conditions de dérogation à ce principe prévues par la loi : en cas d'impossibilité technique avérée – les cas sont nombreux – et à condition que soient mis en place des services de substitution adaptés, dont le coût pour la personne handicapée ne doit pas être supérieur au coût du transport public existant.

Ces dérogations et le coût très élevé des aménagements nécessaires à cette mise en accessibilité des transports existants posent question. Ne serait-il pas plus efficace, en premier lieu pour les publics concernés, de mettre en place des services à la demande au profit des personnes handicapées ou à mobilité réduite plutôt que d'imposer des dispositifs très coûteux, souvent inadaptés et parfois totalement inefficaces ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le sénateur, vous évoquez la mise en œuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui confie aux autorités organisatrices de transport la charge de mettre en accessibilité leurs services de transport public d'ici à février 2015.

Comme vous le soulignez, la réalisation de cet objectif est légitime et nécessaire. Compte tenu de l'ampleur de la tâche, elle s'inscrit dans la durée puisque le législateur a accordé un délai de dix ans pour la mise en accessibilité des réseaux de transport et a imposé aux autorités organisatrices d'établir la programmation des travaux nécessaires dès l'élaboration de leur schéma directeur d'accessibilité.

L'État, autorité organisatrice des services ferroviaires d'intérêt national, a pour sa part approuvé, le 11 juin 2008, le schéma directeur fixant la programmation des travaux nécessaires à la mise en accessibilité des gares et des quais.

Ce schéma prévoit la mise en accessibilité de 418 gares d'ici à 2015, opération pour laquelle la SNCF s'est engagée à hauteur de 500 millions d'euros. De son côté, le contrat de performance liant l'État et Réseau ferré de France prévoit de rendre accessibles, d'ici à 2012, les quais de 250 gares ; 114 millions d'euros y sont consacrés, et le plan de relance a permis d'accélérer ce programme.

Pour les autres autorités organisatrices de transport, les dispositions de la loi sont des mesures de portée générale et n'entraînent pas une compensation ou une participation financière de l'État.

L'État, qui a précisé les modalités d'application de la loi en élaborant un corpus réglementaire, peut en revanche apporter aux collectivités qui le désirent un appui juridique et technique, en mobilisant le réseau scientifique et technique du ministère en charge des transports. Le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques, ou CERTU, a ainsi publié de nombreux guides et recueils de bonnes pratiques. Il a aussi organisé des journées d'échanges sur ce sujet avec les acteurs concernés.

Cet appui a d'ailleurs été institutionnalisé le 11 février dernier par l'installation d'un Observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle, dont les missions sont d'évaluer l'accessibilité, d'identifier les obstacles à la mise en œuvre de la loi et de constituer un centre de ressources à la disposition de l'ensemble des partenaires.

Le ministère organisera également, au cours de l'année 2010, des « journées territoriales du handicap » pour dresser un constat au plus près du terrain et pour accompagner les collectivités territoriales, afin de sensibiliser ces dernières aux enjeux de la loi.

Enfin, les autorités organisatrices ne pourront invoquer des dérogations au principe de mise en accessibilité de services de transports qu'à une double condition : tout d'abord, le constat d'une impossibilité technique, ensuite, la mise en place d'un service de substitution adopté sans surcoût pour l'usager. De tels services de substitution sont à définir par l'autorité organisatrice dans le cadre de sa libre administration, en fonction des caractéristiques locales et en concertation avec les associations concernées. Ils seront ensuite décrits dans le schéma directeur d'accessibilité.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse ne m'apporte strictement aucun élément positif.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ce sont des choses qui arrivent !

M. Jacques Mézard. C'est bien joli d'établir des guides des bonnes pratiques, d'instituer des observatoires ministériels ou de sensibiliser les collectivités territoriales, mais cela ne résout pas les problèmes concrets sur le terrain !

Lorsque l'on élabore un schéma d'accessibilité, ce que j'ai été amené à faire en qualité de président d'une autorité organisatrice de transports, et que l'on voit les chiffres et les difficultés techniques, on se rend compte que les normes sont une fois de plus trop contraignantes et souvent contraires à la réalité de terrain.

Monsieur le secrétaire d'État, je vous le dis clairement : la loi ne pourra pas être appliquée dans de bonnes conditions au mois de février 2015, y compris par ceux qui sont tout à fait conscients de l'importance du problème et qui souhaitent la mise en œuvre de telles dispositions !

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