Question de M. CHEVÈNEMENT Jean-Pierre (Territoire de Belfort - RDSE) publiée le 31/03/2010

Question posée en séance publique le 30/03/2010

Concerne le thème : L'éducation et l'ascension sociale

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, l'école ne joue plus, depuis longtemps déjà, son rôle de promotion sociale. Pourtant, depuis les zones d'éducation prioritaires, ou ZEP, les dispositifs correcteurs ont été multipliés, soit dans le cadre de l'éducation nationale, soit dans celui de la politique de la ville. Certains se sont révélés heureux, mais, globalement, ils n'ont pas enrayé le déclin de l'école comme outil de promotion sociale.

En effet, ces dispositifs manquent l'essentiel : l'amélioration des apprentissages fondamentaux à l'école primaire – lecture, écriture, calcul. Ceux-ci, depuis longtemps, ne sont plus assurés correctement, et ces insuffisances, qui frappent d'abord les enfants les moins favorisés, se répercutent ensuite en inégalités croissantes à tous les niveaux de l'enseignement.

Cette véritable destruction des fondements de l'école républicaine vient de loin, monsieur le ministre ; elle procède du triomphe des pédagogies dites « nouvelles » ou encore « constructivistes », parce que l'élève est censé construire lui-même son savoir, tel un petit Champollion devant les tablettes hiéroglyphiques.

Ces doctrines ont fait la preuve de leur inefficacité : la méthode globale, par exemple, n'a jamais remplacé, pour l'apprentissage de la lecture, la méthode syllabique, qui doit rester un élément essentiel de cet apprentissage.

Toute l'expérience historique montre que les enfants des couches populaires ont d'abord besoin d'une école structurée et d'un bon enseignement dans les matières de base. Quelles directives fermes allez-vous donner en ce sens ?

Votre prédécesseur avait laissé s'instaurer, à l'école élémentaire, la semaine de quatre jours, pour ne pas dire la semaine des quatre jeudis ! (Sourires.) Or, votre circulaire de rentrée visant à « encourager le retour à la semaine de neuf demi-journées chaque fois qu'elle rencontre l'adhésion » sonne comme un renoncement. On n'a jamais vu, monsieur le ministre, que les élèves puissent apprendre mieux en travaillant moins ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.)


Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 31/03/2010

Réponse apportée en séance publique le 30/03/2010

M. Luc Chatel, ministre. Je souscris dans une large mesure aux propos que vous venez de tenir, monsieur le sénateur.

Le Gouvernement a tout d'abord mis en œuvre une réforme de l'école primaire visant à la recentrer sur les fondamentaux. Elle comporte notamment de nouveaux programmes et la mise en place d'une aide personnalisée de deux heures pour les élèves qui rencontrent des difficultés, afin de leur permettre d'entrer en sixième en maîtrisant ces compétences de base que sont, en particulier, la lecture et l'écriture.

De plus, j'ai annoncé hier un plan de prévention de l'illettrisme, replaçant la maternelle au cœur du dispositif, avec un retour à certains fondamentaux tels que la connaissance du vocabulaire. Aujourd'hui, à l'entrée en cours préparatoire, on constate des différences majeures entre certains élèves issus de milieux défavorisés, qui maîtrisent quelque 150 mots, et d'autres vivant dans un environnement plus favorisé, qui en connaissent environ 700. Or, on sait qu'il est très difficile de combler cet écart par la suite.

M. René-Pierre Signé. Oui !

M. Luc Chatel, ministre. De même, le retour à l'apprentissage par cœur de textes ou de poésies fait l'objet d'une directive que j'ai mise en œuvre et est visé dans ma circulaire de rentrée. C'est à mon sens un point très important. J'ai également décidé que les élèves devraient travailler précocement sur les grands textes de la littérature.

Il me semble essentiel d'en revenir à ces fondamentaux pour combattre l'illettrisme et permettre que l'école de la République redevienne celle que nous avons connue. La création des internats d'excellence, par exemple, s'inscrit également dans cette perspective. Il s'agit de donner aux élèves méritants la possibilité d'accéder au meilleur, et donc de permettre l'ascension sociale par le travail. C'est en tout cas l'objectif du Gouvernement.

M. René-Pierre Signé. Il faut commencer tôt et renoncer à mettre en place des jardins d'enfants !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, j'approuve nombre des orientations que vous venez de rappeler ; j'observe néanmoins que, pour les enfants de maternelle, l'acquisition du vocabulaire passe tout de même par l'apprentissage de l'écriture : on ne peut pas apprendre le vocabulaire si l'on n'a pas appris à lire et à écrire. C'est fondamental ! Le mot, disait Jaurès, c'est l'idée.

J'ai évoqué le retour à la semaine de neuf demi-journées. Les chronobiologistes, l'Académie nationale de médecine et la FCPE, rejointe sur ce point par d'autres fédérations de parents d'élèves, sont tout à fait formels : une telle organisation de la semaine respecte les rythmes de l'enfant et donne plus de temps pour l'acquisition des savoirs fondamentaux. Mais votre circulaire, monsieur le ministre, n'a aucun sens, excusez-moi de vous le dire ! En effet, s'il y a adhésion des conseils d'école à la semaine de neuf demi-journées, vos encouragements ne sont pas nécessaires ; dans le cas contraire, vous prenez acte du fait accompli.

Encouragez donc dans tous les conseils d'école, monsieur le ministre, y compris ceux qui ont choisi la semaine de quatre jours,…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Chevènement. … ceux qui, soucieux avant tout des intérêts de l'enfant, ne demanderaient qu'à vous obéir pour revenir à la semaine de neuf demi-journées ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

- page 2207

Page mise à jour le