Question de M. GUILLAUME Didier (Drôme - SOC) publiée le 01/04/2010

M. Didier Guillaume interroge M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme sur les conséquences, pour les territoires ruraux, de la réorientation des aides financières de l'État pour le logement social.

Alors que les assises des territoires ruraux, organisées par chaque préfecture en fin d'année 2009, ont fait le constat de la nécessité de proposer des logements, notamment sociaux, pour maintenir la population rurale et favoriser le dynamisme de ces secteurs, les annonces du 3 février 2010 sur la « politique du logement social » viennent contredire ces objectifs.

Ainsi la concentration des subventions de l'État pour les logements publics tels que le prêt locatif à usage social (PLUS), le prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), le prêt locatif social (PLS) sur les zones dites « tendues », c'est-à-dire les villes les plus importantes, s'applique au détriment des communes de taille plus modeste ou des communes rurales.

Par ailleurs, la diminution des aides accordées par l'ANAH (Agence nationale de l'habitat) pour le conventionnement des logements privés pénalise ces mêmes territoires. Ces réorientations rendent d'une part plus difficile le nécessaire équilibre à trouver pour les opérations HLM et, d'autre part, les aides de l'ANAH ne seront plus assez incitatrices pour que des bailleurs privés acceptent le conventionnement de leurs logements.

Au regard de l'incidence de ces orientations, il attire donc son attention sur la nécessité d'apporter les ajustements suivants pour :

- considérer comme prioritaires pour les subventions du logement public locatif de l'État les centres-bourgs des zones rurales disposant de services et de commerce de proximité;

- favoriser, sur les dotations budgétaires, les départements présentant une progression démographique significative et un taux de logement social faible;

- assurer un maintien des aides de l'ANAH au niveau de 2009 pour les logements locatifs privés.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat publiée le 30/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 29/06/2010

M. Didier Guillaume. Madame la secrétaire d'État, j'attire votre attention sur les conséquences, pour les territoires ruraux, de la réorientation des aides financières de l'État pour le logement social.

En effet, les assises des territoires ruraux, organisées fin 2009 par chaque préfecture, avaient pour objectif de formuler des propositions d'actions concrètes permettant d'anticiper, d'accompagner, voire de corriger certaines évolutions. À la périphérie des villes, nous le savons, l'installation de nouvelles populations grossit fortement le nombre total d'habitants.

À l'issue de cette réflexion collective, le constat avait été posé de la nécessité de proposer des logements, notamment sociaux, pour maintenir la population rurale et favoriser le dynamisme de ces secteurs géographiques. En effet, en l'absence de logements, les populations rurales migrent vers les villes ou les zones péri-urbaines.

Or, le 3 février 2010, à l'occasion des annonces sur la politique du logement social, le secrétaire d'État en charge du logement, M. Apparu, a indiqué que, dans les années à venir, les efforts allaient être intensifiés dans les zones tendues les plus fragilisées. Par « zones tendues », il entend évidemment les zones urbaines. C'est pourquoi je me permets d'insister sur la situation des zones rurales, également fragilisées. En effet, les objectifs relatifs au logement social ne doivent pas contredire ceux qui concernent la dynamisation des territoires ruraux.

S'il faut évidemment augmenter le nombre de logements sociaux en ville, il ne s'agit cependant pas d'opposer le monde urbain au monde rural. Or il est à craindre que la concentration des subventions de l'État pour les logements publics – prêt locatif à usage social, ou PLUS, prêt locatif aidé d'intégration, prêt locatif social – sur les zones dites « tendues », c'est-à-dire les villes les plus importantes, ne s'applique au détriment des communes de taille plus modeste ou des communes rurales.

Par ailleurs, la diminution des aides accordées par l'Agence nationale de l'habitat, l'ANAH, pour le conventionnement des logements privés pénalise ces mêmes territoires. D'une part, ces réorientations rendent plus difficile le nécessaire équilibre à trouver pour les opérations HLM. D'autre part, les aides de l'ANAH ne seront plus assez incitatrices pour que des bailleurs privés acceptent le conventionnement de leurs logements.

Au regard de l'incidence de ces orientations, je souhaiterais donc savoir si des ajustements sont envisageables en matière de politique du logement social, et ce sur trois points.

Premièrement, les centres-bourgs des zones rurales disposant de services et de commerce de proximité pourraient-ils également être considérés comme prioritaires pour les subventions du logement public social de l'État ?

Deuxièmement, serait-il possible de favoriser, sur les dotations budgétaires, les départements présentant une progression démographique significative et un taux de logement social faible ?

Troisièmement, est-il envisageable d'assurer le maintien des aides de l'ANAH au niveau de 2009 pour les logements locatifs privés ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu appeler l'attention du Gouvernement sur les conséquences, pour les territoires ruraux, de la réorientation des aides de l'État pour le logement social vers les zones tendues. Cette orientation a été annoncée par Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, le 3 février dernier.

Je tiens tout d'abord à rappeler que le plan de cohésion sociale initié par Jean-Louis Borloo en 2005 a permis un rattrapage massif en matière de logements locatifs sociaux. Désormais, nous sommes confrontés non plus à « une crise générale » du logement mais bien à « des crises du logement » localisées. Ces dernières se traduisent notamment par un nombre très élevé de recours à la procédure du droit au logement, le DALO, mais aussi par des différences très importantes entre les loyers du parc public et ceux du parc privé. L'Île-de-France en est l'illustration la plus criante. À elle seule, elle représente deux tiers des recours au DALO. Par ailleurs, les loyers du parc privé y sont plus de trois fois supérieurs à ceux du parc public.

En revanche dans certaines régions, comme la Franche-Comté, la Champagne-Ardenne, ou la Bourgogne notamment, la vacance dans le parc social a tendance à augmenter, ce qui conduit à une dévalorisation du parc existant et rend donc la gestion plus difficile pour les bailleurs sociaux.

En zones non tendues, l'enjeu est donc moins de construire que d'améliorer, d'adapter ou de remettre sur le marché des logements existants. En conséquence, les aides de l'Agence nationale de l'habitat, l'ANAH, sont les plus adaptées à ces zones.

Ainsi, lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire rural du 10 mai 2010, il a été décidé qu'une part majoritaire des aides issues du fonds d'aide à la rénovation thermique, ou FART, doté de 500 millions d'euros et géré par l'ANAH, sera distribuée en territoire rural en faveur des propriétaires occupants.

S'agissant des logements locatifs privés, leur loyer est souvent comparable à celui du parc social. La seule question susceptible d'être soulevée est celle de la qualité de certains de ces logements, souvent vétustes voire très dégradés. Là encore, l'ANAH, chargée par Benoist Apparu de prioriser ses aides en faveur de l'habitat indigne, est pleinement légitime pour subventionner ces logements et demander une contrepartie en termes de loyer au propriétaire.

On ne peut donc pas dire que la politique du logement néglige les territoires ruraux et les zones « détendues ». Dans le contexte actuel des finances publiques, il est indispensable d'adapter les aides en faveur du logement, selon leur nature, aux besoins des territoires qui en bénéficieront.

Le plan Précarité énergétique a complété – force est de le reconnaître – la palette des outils à la disposition des propriétaires occupants modestes, dont plus des deux tiers résident en territoire rural. Cette disposition sera bien évidemment susceptible de compléter l'éco-prêt à taux zéro et de soutenir la réduction du coût de l'énergie dans des logements souvent extrêmement dégradés, très fortement consommateurs ; des subventions seront octroyées au lieu de prêts, afin de permettre à des personnes en situation d'invalidité percevant le minimum vieillesse ou de petits salaires de bénéficier, en milieu rural, d'une solution adaptée.

Comme vous pouvez le constater, le souci du Gouvernement est, une nouvelle fois, de répondre à toutes les spécificités territoriales et de s'adapter à tous les publics ayant besoin d'un accompagnement de l'État.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Madame la secrétaire d'État, j'ai bien écouté votre réponse. Comme l'aurait dit Pierre Desproges, il s'agit d'une bonne réponse, mais elle ne répond pas ma question ! Mon interrogation ne portait en effet pas sur ces sujets. Je n'ai jamais dit que l'État négligeait le logement social. Permettez-moi d'ailleurs de rendre grâce à votre ministre de tutelle, car l'engagement national sur le logement qu'il a mis en place a été une belle réussite ! D'ailleurs, il s'agit également d'une coproduction réussie avec les collectivités territoriales. Mais là n'est pas le sujet.

Le sujet, c'est qu'il manque aujourd'hui des logements sociaux en zone rurale. Telle est la réalité ! Ma question visait donc à savoir si, dans le cadre de la politique menée par M. Apparu et le Gouvernement dans les zones tendues, un centre-bourg pouvait être considéré comme zone tendue. En effet, force est de constater que, en l'absence de logements sociaux, les jeunes vont habiter en ville, ce qui ne favorise pas l'aménagement du territoire.

Si les jeunes peuvent, à la limite, trouver une solution, les personnes âgées ayant besoin de se rapprocher d'un lieu où exercent des infirmières, des médecins et des kinésithérapeutes n'en ont pas la possibilité, faute de logement social.

J'ai entendu votre réponse et vous en remercie, mais j'espère que nous pourrons continuer à construire ou à rénover des logements en zone rurale afin qu'ils puissent être attribués à la population locale, jeune ou moins jeune.

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