Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 08/04/2010

Mme Maryvonne Blondin interroge M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur l'encadrement des démantèlements de centrales nucléaires.

A ce jour, une trentaine d'installations nucléaires sont à l'arrêt ou en cours de démantèlement sur le territoire national. Pour autant, aucun réacteur n'a, jusqu'à présent, été démantelé.

Le cas de la centrale nucléaire de Brennilis, située dans le Finistère, constitue donc une opération pionnière en France risquant de créer un précédent.

Or, les modalités de mise en œuvre du démantèlement de ces sites demeurent, à ce jour, imprécises. En date du 15 mars 2010, la commission d'enquête publique rendait un avis défavorable à la réalisation de ce projet aux motifs que l'urgence du démantèlement n'est pas démontrée et que les solutions de restockage des déchets radioactifs ne sont pas encore trouvées. Eu égard à l'importance de l'enjeu, la commission demande la mise en place d'un débat public national sur le démantèlement des installations nucléaires.

Elle rappelle que le caractère expérimental de ce chantier doit inciter à la plus grande exemplarité, exigence et vigilance.
Elle souhaiterait donc connaître les intentions du Gouvernement suite à l'avis de la commission d'enquête publique et savoir si un débat public national sera effectivement organisé afin de valider les procédures requises pour procéder à ces démantèlements présents et à venir.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'écologie publiée le 16/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 15/06/2010

Mme Maryvonne Blondin. Ma question porte sur le cas très particulier du démantèlement de la centrale nucléaire de Brennilis, située dans le Finistère. Cette opération pionnière risque en effet de créer un précédent, puisqu'à ce jour aucun réacteur n'a été démantelé sur le territoire national.

Le démantèlement de l'ensemble du site de Brennilis a été engagé dès 1985, celui du bâtiment abritant le réacteur étant prévu à l'horizon de 2015.

Or, dès 2007, plusieurs sources ont fait état de taux de contamination anormalement élevés dans l'environnement de la centrale, cette contamination remontant à près de vingt ans.

Toujours en 2007, le Conseil d'État a annulé, pour manque de transparence et défaut d'information du public, un décret autorisant le démantèlement complet du site.

Le 1er décembre 2009, la Commission locale d'information, la CLI, rendait un avis favorable, mais assorti d'une quinzaine de recommandations prenant en compte les inquiétudes légitimes subsistant encore.

Le 15 mars 2010 enfin, la commission d'enquête publique rendait pour sa part un avis défavorable à la réalisation de ce projet, au motif que l'urgence du démantèlement n'est pas démontrée et que l'inventaire de l'état radiologique et chimique du site n'est pas achevé.

En mai dernier, un décret a déjà autorisé la création d'un centre d'entreposage provisoire dans le pays du Bugey, dans l'Ain. Situé à 1 006 kilomètres exactement de Brennilis, ce centre ne sera toutefois opérationnel qu'en 2013. On imagine le bilan carbone du transport des matériels entre les deux sites…

À ce jour, EDF demeure encore dans l'attente d'un décret autorisant soit la phase II du démantèlement, soit le démantèlement complet. Cette situation est d'autant plus inquiétante que ce site va indéniablement servir de test de validation des procédures techniques devant être appliquées aux autres centrales nucléaires mises à l'arrêt depuis 1973.

Or le démantèlement des centrales appelle de nombreux questionnements, notamment en termes de coût.

Ainsi, à la fin de l'année 2003, la Cour des comptes a estimé le coût du démantèlement des centrales nucléaires – la France compte cinquante-huit réacteurs – entre 20 milliards et 40 milliards d'euros. Pour le site de Brennilis, ce coût s'élève à 500 millions d'euros !

Or le système de financement prévu par la loi dite « TSN » du 28 juin 2006 est insuffisant. Aucune garantie quant à la mise en œuvre effective de ce texte par l'industrie nucléaire n'est apportée, encore moins aujourd'hui en période de crise !

En outre, le manque d'information du public reste patent. Eu égard à l'importance de l'enjeu se dessinant derrière le cas particulier de Brennilis, le président de la CLI a demandé l'organisation d'un débat public national sur le démantèlement de ces installations nucléaires. À ce jour, aucune réponse du Gouvernement n'a été apportée à cette requête.

Le financement des CLI, qui constituent une des rares sources d'information du public et des élus locaux, n'est pas même assuré, puisque l'abondement de leurs budgets par le biais d'un prélèvement sur le produit de la taxe sur les installations nucléaires de base n'a toujours pas été mis en place.

Le caractère expérimental de ce chantier doit pourtant nous inciter à la plus grande exigence, à la vigilance et à l'exemplarité. Madame la secrétaire d'État, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant la centrale de Brennilis ? J'aimerais avoir des précisions, d'une part, sur le cadre réglementaire et les conditions techniques qui seront, au final, exigées pour pouvoir procéder à ce démantèlement, et, d'autre part, sur le coût de ces mesures, ainsi que sur les modalités et les garanties de financement. Enfin, je souhaiterais savoir si un débat public national sera organisé sur ce dossier, eu égard à l'intérêt primordial qu'il revêt.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame le sénateur, comme vous l'avez souligné, plus d'une trentaine d'installations nucléaires sont aujourd'hui en phase de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement. Parmi elles figurent les huit réacteurs constitutifs du premier parc électronucléaire d'EDF, dont le démantèlement est parvenu à un stade plus ou moins avancé.

La centrale nucléaire de Brennilis, située dans le Finistère, devait initialement être maintenue dans un état intermédiaire de démantèlement sous surveillance pendant plusieurs dizaines d'années. Toutefois, considérant que cette stratégie présente davantage d'inconvénients et de risques qu'un démantèlement complet et immédiat, l'exploitant a déposé une demande visant à procéder à un tel démantèlement de l'installation. Ainsi, le site de Brennilis devait être rendu à d'autres usages en 2015, conformément aux engagements pris par EDF dans son contrat de service public passé avec l'État.

À l'issue de l'enquête publique organisée sur le projet de démantèlement complet de l'installation, la commission d'enquête a émis, le 15 mars 2010, un avis défavorable. Toutefois, elle recommande que certaines opérations de remise en état du site soient tout de même réalisées dans les plus brefs délais.

Pour répondre à ces demandes, relayées par le préfet du département du Finistère, le ministre d'État a chargé ses services de préparer un décret imposant à EDF de réaliser ces travaux de remise en état.

Parallèlement, EDF a été invité à répondre aux observations émises par la commission d'enquête en complétant son dossier afin, notamment, d'exposer et de justifier plus précisément les avantages présentés par un démantèlement complet immédiat de son installation. Une nouvelle procédure prévoyant l'organisation d'une nouvelle enquête publique sera donc prochainement lancée.

Il convient de rappeler que même si la stratégie de démantèlement immédiat fait consensus à l'échelon international, l'Autorité de sûreté nucléaire a bâti une note de doctrine qui a été soumise à la consultation du public. Elle a également été présentée au Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire. Sans préjuger d'actions complémentaires, chacun peut constater qu'une concertation élargie a eu lieu sur ce sujet spécifique.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse. J'insiste néanmoins à nouveau sur l'intérêt que le Gouvernement doit porter au démantèlement de cette centrale et sur la préoccupation des habitants de la région de Brennilis devant les contaminations constatées. Malheureusement, toutes les garanties sur la qualité de l'air et de l'eau n'ont pas été apportées.

De plus, il me semble que la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire prévoyait la création d'une commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs.

Aux termes de l'article 20 de ladite loi, cette commission devait rendre au Parlement un premier rapport public présentant l'évaluation de ces financements au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi de juin 2006, puis tous les trois ans. Or, en juin 2008, c'est un décret de nomination des membres de la commission nationale d'évaluation qui a paru… Comment les opérations de démantèlement des centrales seront-elles financées et quel sera leur impact sur l'environnement ? Les inquiétudes subsistent.

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