Question de M. GOUTEYRON Adrien (Haute-Loire - UMP) publiée le 15/07/2010

M. Adrien Gouteyron interroge M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation sur les inquiétudes exprimées par les artisans, notamment ceux du secteur du bâtiment qui représentent 12 % des auto-entreprises, face au développement du régime de l'auto-entrepreneur, dispositif créé dans le cadre de la loi du n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME).

La loi votée apporte de réelles avancées dans la simplification des créations d'entreprises. Elle stimule la croissance économique des PME dans un contexte économique difficile, par la réduction des délais de paiement. Elle facilite également la reprise et la transmission des entreprises par des mesures fiscales incitatives. On ne peut que se réjouir du nouveau dynamisme économique apporté par cette loi.

À ce jour 450 000 entreprises sont immatriculées en France sous le régime auto-entrepreneur ce qui témoigne du développement croissant de la création et de la gestion d'entreprise à son stade le plus simplifié et du succès enregistré par cette mesure.

Le département de la Haute-Loire est composé d'un tissu artisanal de 4 600 entreprises, dont 39 % sont issues du secteur du bâtiment. Il emploie globalement 16 800 actifs (dont environ 12 000 salariés) soit 16 % de la population active du département contre seulement 10 % au niveau national.

Les artisans s'inquiètent de certaines dispositions de ce système, qui pourraient avoir des effets néfastes.

En premier lieu, les professionnels s'inquiètent sur les risques d'une distorsion de concurrence que pourrait engendrer la loi par le biais de l'exonération du paiement de la TVA à l'État ainsi que l'allègement des charges sociales sous le principe « pas de chiffres d'affaires pas de cotisations sociales ». Ce qui constitue un net avantage concurrentiel sur les entreprises artisanales régies par le régime de la micro entreprise moins favorable.

En outre, le fait que l'auto-entrepreneur ne soit pas contraint de déclarer le chiffre d'affaires réalisé (et rappelons qu'à ce jour, les deux tiers des entreprises créées n'ont pas déclaré de chiffres d'affaires) peut légitimement susciter la perplexité des artisans qui évoquent un risque de développement de l'économie souterraine avec comme principale conséquence l'incitation au travail dissimulé et non déclaré nuisible à la concurrence entre entreprises.

Bien que le Sénat, à l'initiative du groupe UMP, ait introduit une nouvelle obligation qui contraint « toute personne qui exerce une activité artisanale à titre principal à s'inscrire au registre des métiers », l'activité exercée à titre complémentaire, de loin la plus pratiquée, est exclue de toutes contraintes d'inscription au RCS.

Il convient donc de rassurer les artisans, pivot structurant de l'activité industrielle française.

Il aimerait savoir si des modifications étaient envisagées afin d'atténuer les inquiétudes des artisans français, et proposer une commission chargée d'étudier les impacts de cette loi dans le secteur des métiers de l'artisanat.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation publiée le 29/09/2010

Réponse apportée en séance publique le 28/09/2010

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le secrétaire d'État, la très importante loi du 4 août 2008 a insufflé une dynamique nouvelle à notre économie et créé le régime de l'auto-entrepreneur.

Dans un premier temps, ce régime a été l'objet de quelques critiques, parfois même de craintes, que nous avons relayées. Ces craintes étaient compréhensibles, dans la mesure où il s'agissait d'un dispositif tout à fait nouveau, à propos duquel les artisans installés ou en voie d'installation pouvaient légitimement s'interroger.

La Haute-Loire compte 4 600 entreprises artisanales, dont 39 % appartiennent au secteur du bâtiment. Ces entreprises emploient 16 800 personnes, soit 16 % de la population active du département. L'artisanat occupe donc une place considérable dans un département comme le mien.

Monsieur le secrétaire d'État, les fortes craintes suscitées par la création du régime de l'auto-entrepreneur, relayées à l'époque tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale, continuent de s'exprimer, ce qui nous inquiète.

Le régime de l'auto-entrepreneur a connu un succès considérable, puisqu'il concernerait maintenant quelque 450 000 entreprises.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. C'est davantage : 600 000 !

M. Adrien Gouteyron. En Haute-Loire, au premier semestre, 177 inscriptions au registre national du commerce et des sociétés sur 472 sont le fait d'auto-entrepreneurs.

Un tel succès n'est nullement étonnant, dans la mesure où ce régime se caractérise par une grande simplicité des procédures administratives et par un allègement très important de charges, sujet dont il est souvent question dans cette enceinte. Ainsi, un taux réduit de charges s'applique en dessous d'un certain seuil de chiffre d'affaires : 32 000 euros pour les services, 80 000 euros pour le secteur du commerce. En outre, les auto-entrepreneurs n'ont pas à préfinancer les charges, puisque ces dernières ne sont acquittées qu'en fonction du chiffre d'affaires déclaré. Quant à la simplification administrative, un portail internet dédié permet aux candidats à l'auto-entreprise d'obtenir immédiatement un numéro d'affiliation à l'URSSAF.

Or, et j'insiste sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, il n'y a pas, à ma connaissance, d'obligation de déclaration du chiffre d'affaires, ce qui rend le contrôle difficile. Quelque 40 % des auto-entrepreneurs s'abstiendraient de déposer une telle déclaration, mais peut-être pourrez-vous m'apporter des éclaircissements sur ce point.

La formation était un autre sujet de craintes. À cet égard, je souhaite que le décret récemment paru soit effectivement appliqué et que les services de l'État puissent contribuer à la mise en œuvre de son dispositif dans nos départements.

Vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, il ne s'agit pas pour moi de remettre en cause le régime de l'auto-entreprise. Il convient simplement de s'assurer qu'un équilibre satisfaisant a été trouvé : un dispositif visant à favoriser la création d'entreprise et le dynamisme économique ne doit pas mettre en péril le socle que représente l'artisanat dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le sénateur, certains aspects du régime de l'auto-entrepreneur peuvent effectivement susciter des inquiétudes, particulièrement dans le secteur du bâtiment. C'est une question très importante, et il m'appartient d'apaiser ces craintes en vous apportant des réponses précises.

En premier lieu, je voudrais rappeler pourquoi l'auto-entreprise ne constitue pas, comme on le dit trop souvent, une concurrence déloyale pour les autres formes d'exercice, en termes tant d'exonération du paiement de la TVA que de niveau de charges.

Certes, il est exact que l'auto-entrepreneur n'est pas assujetti à la TVA – cette règle vaut d'ailleurs aussi pour le régime de la micro-entreprise, qui fonctionne depuis près de vingt ans sans inspirer les mêmes inquiétudes –, mais, en contrepartie, il achète ses fournitures et ses matières premières toutes taxes comprises et il ne peut déduire la TVA de ces achats, dont le montant est souvent significatif dans le domaine du bâtiment et des travaux publics.

Une étude, que je tiens à votre disposition, réalisée non par le ministère, mais par l'Ordre des experts-comptables, et actualisée en avril dernier, a montré que le niveau de charges supporté par les artisans relevant du régime de l'auto-entreprise était comparable à celui des autres artisans. À cet égard, la crainte récurrente que vous avez relayée s'explique par la comparaison directe souvent faite, à tort, entre le taux de taxation de droit commun des artisans, qui est de 45 %, et celui des auto-entrepreneurs, qui est de 21,3 %. Or ces taux différents s'appliquent à des assiettes qui sont elles-mêmes différentes ! En effet, l'artisan est imposé sur ses bénéfices, alors que l'auto-entrepreneur l'est sur l'intégralité de son chiffre d'affaires. Le régime de l'auto-entrepreneur est d'ailleurs très peu attractif en cas d'investissements importants.

En second lieu, je voudrais souligner que l'auto-entrepreneur qui réalise un chiffre d'affaires a l'obligation de le déclarer. C'est seulement en l'absence de chiffre d'affaires qu'il n'est, en l'état actuel du droit, pas tenu à déclaration. Par ailleurs, il convient de rappeler que les auto-entrepreneurs qui ne déclarent pas de chiffre d'affaires pendant plus de trois ans sont automatiquement radiés du régime. Bien entendu, en l'absence de chiffre d'affaires, ils ne bénéficient pas de droits additionnels en matière de retraite.

Les auto-entrepreneurs ont le droit de ne pas exercer d'activité pendant un trimestre : ce régime instaure en fait un « permis d'entreprendre », que chacun peut utiliser à volonté, notamment en cas d'activité complémentaire ou saisonnière. C'est précisément cette souplesse qui fait le succès du dispositif.

Un rapport d'évaluation qui sera rendu public très prochainement tend à confirmer que la mise en œuvre du régime de l'auto-entreprise contribue à réduire le champ de l'économie souterraine, en permettant à des travailleurs dits « au noir » de rentrer dans un cadre légal, où ils sont soumis à des cotisations. Selon ce rapport, près de 23 % des auto-entrepreneurs ont régularisé leur situation antérieure grâce à ce régime.

L'auto-entrepreneur est un entrepreneur comme un autre, qui doit respecter les règles d'exercice de son activité. S'il souhaite exercer une activité artisanale dans le secteur du bâtiment, il est soumis à la réglementation applicable à tous les professionnels de ce secteur, en termes de formation et de qualification professionnelle préalable, d'application des normes techniques, d'hygiène et de sécurité, de déclaration et d'emploi des salariés – le cas est relativement rare –, d'assurance et de responsabilité ou encore de facturation à la clientèle. J'ai veillé à ce que toutes ces règles s'appliquent et à ce que des contrôles soient menés. En particulier, j'ai institué l'obligation, pour l'auto-entrepreneur, de prouver sa qualification professionnelle quand son type d'activité l'exige.

Le rapport d'évaluation du régime de l'auto-entrepreneur que je viens d'évoquer est en voie d'achèvement. Il permet d'établir un premier bilan statistique et une évaluation du fonctionnement du régime, y compris dans le secteur du bâtiment. Ont participé au pilotage de cette évaluation les administrations, les caisses de sécurité sociale dont relèvent les auto-entrepreneurs, les chambres consulaires, les organisations patronales, y compris l'Union professionnelle artisanale, et les représentants des auto-entrepreneurs.

Je suis bien sûr attentif aux préoccupations des organisations professionnelles du bâtiment et des travaux publics. J'entends lutter avec détermination contre d'éventuels abus liés à l'utilisation de ce nouveau régime.

Comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, le régime de l'auto-entrepreneur a dynamisé l'esprit d'entreprise en France : il a changé radicalement la perception de l'entreprenariat par nos compatriotes, ce dont je suis très heureux. Je veillerai, soyez-en certain, à ce qu'il n'y ait pas de dérives ; le cas échéant, je me montrerai impitoyable, car je souhaite le succès de ce nouveau régime. Pour cela, il importe de montrer que les inquiétudes qu'il a pu susciter ne sont pas fondées. Je vais m'atteler à cette tâche dans les semaines qui viennent.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse très complète. De telles précisions étaient nécessaires.

Comme je l'ai indiqué, il n'est pas question pour moi de contester les objectifs visés au travers de la création du nouveau régime, ni même les modalités essentielles de celui-ci. Il importe simplement de combattre d'éventuelles dérives, et je constate que telle est bien votre volonté. Naturellement, je transmettrai votre réponse aux organisations professionnelles qui m'ont saisi, en espérant qu'elle soit de nature à les tranquilliser.

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