Question de M. TUHEIAVA Richard (Polynésie française - SOC-A) publiée le 01/07/2010

M. Richard Tuheiava demande à Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, de bien vouloir saisir la Commission de révision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation d'une demande de révision à titre posthume d'une décision pénale d'octobre 1959 ayant condamné feu Pouvanaa Oopa, ancien député de la Polynésie française lors des faits puis sénateur de 1971 à 1977, à huit années de réclusion criminelle et à quinze années d'interdiction de séjour. Ce procès politique avait eu pour conséquence d'écarter Pouvanaa Oopa de la vie politique polynésienne à une période clef de la stratégie nationale de mise en place de son programme nucléaire et de réforme des institutions. Malgré une réhabilitation accordée à son retour par le Général de Gaulle, l'intéressé avait toujours clamé son innocence. Une requête familiale en révision avait été rejetée en novembre 1993.
Depuis, diverses archives mises à jour et plusieurs travaux universitaires ont démontré que Pouvanaa Oopa n'avait pas bénéficié des garanties d'un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial.
Outre le relevé d'anomalies juridiques ci-après, la séparation des pouvoirs entre le judiciaire et l'exécutif national avait également été bafouée : graves démêlés antérieurs entre l'accusé et le Président de la Cour criminelle M. Bonneau ; cumul des fonctions du président de la Cour criminelle avec celles de président de la Chambre des mises en accusation ; désignation des jurés selon des textes relevant de la discrimination sociale ; délais d'instruction raccourcis ; qualification pénale et instruction à charge. Les autres faits nouveaux synthétisés ci-après étaient aussi ignorés des avocats de la défense et des assesseurs de la Cour en 1959 : télégramme de septembre et octobre 1958 du ministère de la France d'outre-mer au Gouverneur avant et après le référendum du 28 septembre 1958 enjoignant ce dernier à tout mettre en oeuvre pour que la Polynésie demeure un T.O.M. ; note du 2 avril 1959 du chef de cabinet d'Edmond Michelet au ministère de la Justice qui estime que "le dossier est vide" ; courriers envoyés par le gouverneur Sicaud et les rapports de l'armée qui condamnaient Pouvanaa Oopa avant de l'avoir jugé ; correspondances échangées entre le Gouverneur et le ministre de la France d'outre-mer pour tenter de cibler devant quelle juridiction Pouvanaa Oopa serait le plus sévèrement condamné ; témoignage du capitaine de gendarmerie Bouvet qui avait procédé à l'arrestation de Oopa mais dont la conviction profonde était divergente ; mise en place de cellules d'action psychologique à Tahiti par le Gouverneur et par l'armée, dans le but affiché de créer un climat politique défavorable aux accusés ; pressions exercées sur le cours de la justice ; mise en évidence du lien entre l'isolement de Oopa et la perspective du futur Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP).
De telles données constituent des éléments nouveaux qui auraient sérieusement compromis le verdict de culpabilité prononcé en 1959. Les descendants directs au premier degré du défunt étant aujourd'hui tous décédés, elle demeure toutefois recevable à solliciter la révision du procès. Le 7 juillet 2009, les représentants de l'Assemblée de Polynésie française ont adopté à l'unanimité une motion en faveur de la création d'une commission d'enquête destinée à faire toute la lumière sur l'affaire Oopa et à solliciter la révision de son procès.
Il la sollicite donc instamment afin qu'elle rétablisse la justice en faveur de Pouvanaa a Oopa, en saisissant la Commission de révision de la Chambre criminelle de la Cour de cassation d'une demande en révision à titre posthume de son procès sur la base des éléments nouveaux ci-dessus.

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Réponse du Ministère de la justice et des libertés publiée le 16/12/2010

En vertu du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, il n'appartient pas au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, de se prononcer sur une décision judiciaire définitive. Aux termes de l'article 622 (4°) du code de procédure pénale, la révision d'une décision pénale définitive ne peut être demandée que si, après la condamnation, vient à se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à créer un doute sur la culpabilité du condamné. Il apparaît, au vu des conditions posées par l'article 622 (4°) du code de procédure pénale précité, qu'il ne peut être procédé, en l'état, dans ce dossier, à la saisine de la commission de révision.

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