Question de M. TODESCHINI Jean-Marc (Moselle - SOC) publiée le 02/09/2010

M. Jean-Marc Todeschini attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes sur les conséquences particulièrement lourdes pour les travailleurs transfrontaliers de la réforme de la politique luxembourgeoise d'allocations familiales.
En effet, les travailleurs français au Luxembourg risquent de voir leur situation encore aggravée suite au projet de loi n° 6148 présenté par le Gouvernement luxembourgeois devant le Parlement du Grand Duché de Luxembourg le 18 juin 2010.
Tout d'abord, ce projet de loi prévoit qu'au-delà de 18 ans, en cas de poursuite des études, les allocations familiales ne seront plus versées par la Caisse nationale des prestations familiales, mais par le biais du ministère de l'enseignement supérieur. En conséquence, pour pouvoir bénéficier des allocations familiales, il deviendra nécessaire de bénéficier de l'aide de l'État luxembourgeois pour les études supérieures, aide réservée aux seuls étudiants résidants au Grand Duché depuis plus de 5 ans.
Ensuite, le projet va modifier les conditions d'attribution du boni de 922,56 € par an et par enfant prévu par une récente réforme fiscale luxembourgeoise. Une nouvelle fois, les travailleurs frontaliers seront les victimes directes de cette mesure puisque ce boni ne sera plus versé qu'aux enfants qui perçoivent une aide de l'État pour poursuivre leurs études, laquelle est réservée aux ressortissants luxembourgeois.
Enfin, cette réforme vise également à supprimer purement et simplement l'allocation de rentrée scolaire dès l'âge de 18 ans.
Au final, l'ensemble de ces mesures réunies vont directement impacter le pouvoir d'achat des familles françaises et plus particulièrement des 70 000 Lorrains qui travaillent au Grand Duché du Luxembourg. Par exemple, pour une famille ayant 2 enfants de 21 et 22 ans, cette perte pourra atteindre jusqu'à 4779 € par an, soit une somme considérable, particulièrement en cette période de crise.
En outre, ce projet luxembourgeois intervient peu de temps après un premier coup dur, porté cette fois par le Gouvernement français, contre les travailleurs transfrontaliers, suite au décret n° 2008-1384 du 19 décembre 2008 relatif aux modalités de calcul et de versement de l'allocation différentielle prévue à l'article L. 512-5 du code de la sécurité sociale, entré en vigueur au 1er janvier 2010.
Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures le Gouvernement compte prendre, unilatéralement ou bilatéralement, afin de limiter les effets de ces réformes.

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Réponse du Ministère de l'outre-mer publiée le 06/10/2010

Réponse apportée en séance publique le 05/10/2010

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, ma question s'adressait à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Je tiens donc par avance à vous remercier d'avoir bien voulu y répondre, tout en regrettant l'absence de M. Lellouche.

Le 13 juillet dernier, le parlement luxembourgeois a adopté une loi portant réforme de la politique luxembourgeoise d'allocations familiales des travailleurs frontaliers. Souhaitée par le gouvernement souverain de M. Juncker dans le cadre de sa politique de rigueur budgétaire, cette loi va entraîner de lourdes conséquences pour les travailleurs frontaliers.

En effet, elle prévoit la suppression des allocations familiales pour les frontaliers ayant des enfants de plus de 18 ans qui poursuivent encore des études. Elle prévoit également la modification des conditions d'attribution du « boni pour enfant », entraînant, pour les travailleurs français, la suppression de fait de cette prestation d'un montant de 922,56 euros par an et par enfant. Elle ne sera désormais versée qu'aux enfants qui perçoivent une aide de l'État pour poursuivre leurs études, cette aide étant réservée aux étudiants résidant au Luxembourg depuis plus de cinq ans. Enfin, elle prévoit la suppression pure et simple de l'allocation de rentrée scolaire dès l'âge de 18 ans.

Après l'entrée en vigueur le 1er janvier 2010, à l'initiative du Gouvernement et notamment de Mme Morano, du décret relatif aux modalités de calcul et de versement de l'allocation différentielle pour les travailleurs frontaliers français, dont l'application fut reportée au lendemain des élections régionales et l'on sait pourquoi, cette loi luxembourgeoise vient encore aggraver la situation des 70 000 Lorrains qui travaillent au Grand-Duché. Ainsi, une famille ayant deux enfants de 21 et 22 ans enregistrera une perte pouvant atteindre 4779 euros par an : il s'agit là d'une somme considérable, particulièrement en période de crise.

De plus, cette loi, qui émane d'un État souverain – je le rappelle –, instaure une discrimination, inadmissible au sein de l'espace européen, entre travailleurs résidents et non résidents, puisqu'elle revient à rompre l'égalité des droits des salariés suivant leur nationalité.

Face à cette situation, j'aimerais donc, madame la ministre, que vous m'indiquiez la position du Gouvernement et que vous me précisiez les différentes dispositions que celui-ci compte prendre afin de veiller à l'intérêt de nos ressortissants.

Par exemple, reviendrez-vous, comme cela serait souhaitable, sur le décret relatif aux modalités de calcul et de versement de l'allocation différentielle pour les frontaliers français ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur Todeschini, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, qui m'a demandé de vous transmettre sa réponse.

Dès sa nomination, Pierre Lellouche a souhaité que soit engagée une réflexion sur la politique transfrontalière de la France.

Dans cette perspective, le rapport de la mission parlementaire confiée par le Premier ministre au député de l'Ain Etienne Blanc et à la sénatrice du Bas-Rhin Fabienne Keller, accompagnés de la députée européenne Marie-Thérèse Sanchez-Schmid, dresse des constats édifiants sur la perte de compétitivité de nos territoires frontaliers et formule des propositions ambitieuses, que le Gouvernement étudie actuellement. Ce rapport, remis au Premier ministre en juin dernier, est disponible en ligne sur le site internet du Quai d'Orsay.

Dans ce cadre, la réforme de la politique d'allocations familiales décidée dernièrement par le gouvernement luxembourgeois soulève un certain nombre de questions, s'agissant notamment du respect des principes de libre circulation et d'égalité de traitement posés par le droit européen.

Il convient de rappeler que notre législation nationale comprend, en matière de prestations familiales, un dispositif protecteur pour les personnes résidant en France mais relevant à titre principal de la législation de sécurité sociale d'un autre État membre. Il s'agit de l'allocation différentielle, l'ADI, qui peut être versée par les caisses d'allocations familiales aux frontaliers qui résident en France et travaillent dans un autre État membre de l'Union européenne. L'éligibilité à l'ADI est constatée dès lors que les prestations familiales servies par cet État sont inférieures à celles qui sont versées en France. Le montant de cette allocation correspond à la différence entre les deux niveaux de prestation.

Ce dispositif garantit donc aux intéressés la perception d'un montant global de prestations au moins égal au montant total des prestations françaises qu'ils percevraient s'ils travaillaient en France, et ce quelles que soient les évolutions du niveau des prestations luxembourgeoises.

À cet égard, la réforme récente, par le gouvernement français, du mode de calcul de l'ADI vise à permettre un traitement plus équitable des bénéficiaires de nos prestations familiales qui résident en France, en réduisant les possibilités de cumul de prestations et en rétablissant l'égalité de traitement entre les différentes catégories de bénéficiaires. Le changement du mode de calcul de l'ADI s'inscrit donc pleinement dans le cadre d'un plus grand respect des règles européennes de coordination des systèmes de sécurité sociale et d'égalité de traitement.

Par ailleurs, soucieux de faciliter un développement harmonieux et plus équilibré des échanges entre les régions frontalières des deux pays, le Gouvernement a conclu le 26 janvier dernier avec son homologue du Grand-Duché une convention portant création d'une commission intergouvernementale pour le renforcement de la coopération transfrontalière. Le Gouvernement a souhaité associer le plus étroitement possible les élus des territoires concernés à la recherche, avec nos partenaires luxembourgeois, de solutions permettant de lever les difficultés de tous ordres qui pourraient exister.

C'est pourquoi Pierre Lellouche a proposé au président du conseil régional de Lorraine, aux présidents des conseils généraux de Moselle et de Meurthe-et-Moselle, aux députés des trois circonscriptions frontalières du Luxembourg et au président tournant du Sillon lorrain de faire partie de la délégation française au sein de cette commission, aux côtés du secrétaire d'État et de représentants de l'État.

Une fois la réponse de tous ces élus connue, et la composition de la délégation formellement arrêtée et notifiée à nos partenaires luxembourgeois, il leur sera proposé de tenir rapidement la réunion inaugurale de la nouvelle commission.

L'impact des mesures qui font l'objet de votre question sur la situation de nos compatriotes travailleurs transfrontaliers figurera à l'ordre du jour de cette réunion.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Le principal intéressé n'étant pas là, je ne vous ferai pas grief, madame la ministre, de la réponse que vous avez transmise !

Il est clair que le secrétaire d'État chargé des affaires européennes ne répond pas à ma question, alors même qu'il y a urgence. Certes, l'État souverain du Luxembourg a le droit de prendre les décisions qu'il souhaite. On aurait cependant pu faire remarquer qu'il existe désormais deux régimes d'aide familiale pour des personnes qui travaillent dans un même État.

Les résidents frontaliers lorrains qui travaillent au Luxembourg contribuent au financement de l'État luxembourgeois et à sa politique sociale par leurs impôts sur le revenu, qu'ils paient au Luxembourg. Il serait donc urgent, selon moi, non pas d'attendre la réunion de cette commission, mais que le Gouvernement français fasse connaître sa position et annonce ce qu'il compte faire pour défendre nos ressortissants.

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