Question de M. TODESCHINI Jean-Marc (Moselle - SOC) publiée le 24/02/2011

M. Jean-Marc Todeschini appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur les conditions d'apprentissage des langues vivantes à l'école primaire.

En application du cadre européen commun de référence pour les langues, le Gouvernement a adopté le 25 juillet 2007 un arrêté fixant les programmes de langues vivantes dès l'école primaire. Par ces dispositions, le Gouvernement a semblé indiquer sa volonté de renforcer cet enseignement, en le rendant obligatoire dès la classe de cours préparatoire.

Il apparaît toutefois que les moyens accordés à la mise en œuvre de ce programme sont insuffisants ou répartis de manière inégale sur le territoire. Ainsi, dans sa commune de Talange en Moselle, l'école primaire Jean-Jacques Rousseau ne peut offrir, faute de moyens, de choix dans la langue vivante enseignée aux élèves de CP. Tous les élèves se voient en conséquence dans l'obligation de suivre un cours d'italien, assuré par des moyens et des enseignants alloués par le consulat d'Italie, dans le cadre d'une politique de maintien de la culture d'origine menée depuis les années 1970. Est-ce acceptable pour notre école publique ?

Cette absence de choix dans les langues étrangères enseignées est particulièrement préjudiciable dans le contexte territorial propre à la Moselle, département limitrophe du Luxembourg et de l'Allemagne.

De même, l'impossibilité de choisir l'anglais comme langue vivante, faute d'enseignants mis à disposition par l'éducation nationale, est contradictoire avec les déclarations du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative qui, lors de son récent déplacement au salon « Expolangues » de Paris, affirmait sa volonté de faire de la sensibilisation à l'anglais dès la maternelle une priorité. Il est particulièrement étonnant de constater le criant manque de moyens et de coordination dans l'application de cette ambitieuse politique.

Dans ces conditions, il lui demande de bien vouloir lui préciser quelles mesures le Gouvernement compte adopter pour remédier à cette situation plus que particulière dans sa commune et plus globalement, quelles propositions il peut avancer afin de remettre la France au niveau dans l'enseignement des langues étrangères, par rapport à ses voisins européens notamment.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative publiée le 27/04/2011

Réponse apportée en séance publique le 26/04/2011

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les conditions d'apprentissage des langues vivantes à l'école primaire.

En effet, en application du cadre européen commun de référence pour les langues, le Gouvernement a adopté, le 25 juillet 2007, un arrêté fixant les programmes de langues vivantes dès l'école primaire, marquant ainsi sa volonté de renforcer cet enseignement, en le rendant obligatoire dès la classe de cours préparatoire.

Quatre ans après, monsieur le ministre, vous avez installé, un comité stratégique des langues, qui devra formuler des propositions pour la rentrée 2012.

Sur le territoire, une chose est claire : les moyens accordés à la mise en œuvre de l'apprentissage des langues sont insuffisants ou répartis de manière inégale. Ainsi, par exemple, dans la commune de Talange en Moselle, dont je suis l'élu, l'école primaire Jean-Jacques Rousseau ne peut offrir de choix aux élèves de CP en matière de langue vivante enseignée, faute de moyens. Tous les élèves se voient en conséquence dans l'obligation de suivre un cours d'italien, assuré par des moyens et des enseignants pris en charge par le consulat d'Italie, dans le cadre d'une politique de maintien de la culture d'origine menée depuis les années soixante-dix. Est-ce acceptable pour notre école publique ?

Cette absence de choix en matière de langues étrangères enseignées est particulièrement préjudiciable dans le contexte territorial propre à la Moselle, département limitrophe du Luxembourg et de l'Allemagne.

De même, monsieur le ministre, l'impossibilité de choisir l'anglais comme langue vivante, faute d'enseignants mis à disposition par l'éducation nationale, est contradictoire avec vos propres déclarations, puisque vous avez affirmé votre volonté de faire de la sensibilisation à l'anglais dès la maternelle une priorité. Il est particulièrement étonnant de constater un manque criant de moyens et de coordination dans l'application de cette ambitieuse politique.

Dans ces conditions, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte adopter pour remédier à la situation particulière rencontrée par ma commune et, plus globalement, quelles sont vos propositions pour remettre la France au niveau de ses voisins européens en matière d'enseignement des langues étrangères.

Dans l'immédiat, monsieur le ministre, l'apprentissage des langues nécessite tout à la fois, vous le savez bien, décisions et moyens. Un rapport supplémentaire ne changera rien, sauf à montrer que l'on s'occupe du dossier !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, la maîtrise des langues étrangères est aujourd'hui une compétence fondamentale pour les élèves, aussi bien pour poursuivre leurs études que pour faciliter la recherche d'un emploi en France ou à l'étranger et s'ouvrir au monde qui les entoure. C'est la raison pour laquelle nous avons fixé, avec le Conseil de l'Europe, l'objectif suivant : chaque bachelier devra être capable de parler et de comprendre au moins deux langues vivantes.

Vous attirez mon attention, monsieur Todeschini, sur la question des moyens. Or je vous rappelle qu'un bachelier a suivi en moyenne plus de 1 000 heures d'enseignement en LV1, ou langue vivante 1, au cours de l'ensemble de sa scolarité ; l'enseignement d'une langue est obligatoire dès le CE1 depuis 2008 et l'initiation possible au CP ; les programmes prévoient cinquante-quatre heures annuelles de langue vivante en primaire. À l'école élémentaire, une langue vivante est enseignée une heure et demie par semaine aux élèves. Par conséquent, les moyens sont là !

La question est de savoir si ces moyens permettent d'obtenir des résultats.

Les évaluations internationales montrent qu'il existe une vraie marge de progression. C'est la raison pour laquelle je pense, contrairement à vous-même, qu'une réflexion et un travail de fond sont nécessaires pour repenser l'enseignement des langues vivantes.

J'ai donc mis en place, le 4 avril dernier, le Comité stratégique des langues, qui devra faire des propositions quant à la progression de l'apprentissage des langues vivantes de l'école maternelle au baccalauréat, à d'éventuelles modifications de la répartition du volume horaire à chacun de ces niveaux, et à la question de l'apprentissage précoce des langues, plus particulièrement de l'anglais. Nous avons à mon avis beaucoup de progrès à réaliser en la matière, notamment en nous inspirant de modèles étrangers

Enfin, en ce qui concerne l'école Jean-Jacques Rousseau de Talange, vous savez, monsieur le sénateur, que la grande majorité des élèves y suit des cours d'allemand. Vous n'êtes pas non plus sans ignorer la présence dans cette région d'une forte communauté italienne. Des accords binationaux ont d'ailleurs été signés pour répondre à la forte demande des familles de cours d'italien. Une telle spécificité a conduit l'académie à proposer l'apprentissage de l'italien dès le cours préparatoire. Les collégiens peuvent poursuivre dans cette voie au collège Le Breuil de Talange dès la sixième, dans le cadre d'une classe bilingue anglais-italien.

Par ailleurs, les élèves de l'école Jean-Jacques Rousseau peuvent aussi apprendre l'allemand. Treize élèves de CE2 ont ainsi fait ce choix cette année. Ils pourront poursuivre leur formation en CM1 l'année prochaine, puis au collège Le Breuil, dès la sixième

Cette offre éducative répond donc aux attentes des familles, dans un département où l'allemand demeure prioritaire par rapport à l'anglais, étudié par 32 % des élèves. Si les enfants et leurs parents souhaitent que l'apprentissage de l'anglais se développe à l'avenir sur ce territoire, nous répondrons immédiatement à leur demande. Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes capables de nous adapter à la diversité et à la réalité locales.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, je vous remercie, de votre réponse, dont j'avais lu la première partie sur le site de votre ministère, car je m'intéresse quelque peu à ces questions !

Je reviens sur le cas de l'école Jean-Jacques Rousseau de Talange. Vous évoquez une « forte demande » pour justifier l'enseignement de l'italien. Tel n'est pas le cas ! En effet, certaines années, face au manque de professeurs d'allemand et d'anglais, seul l'italien était enseigné par des instituteurs payés par l'Italie, en vue d'assurer le maintien de la culture d'origine. Avec le nom que je porte, ce n'est pas moi qui le déplorerais ! Mais soyons sérieux : les familles n'avaient pas le choix et, sans l'action de certains parents, les treize élèves de CE2 que vous avez évoqués n'auraient pas eu la possibilité d'apprendre l'allemand.

Selon moi, vous devez vous donner les moyens de votre action. J'ai bien noté ce que vous avez dit, monsieur le ministre. Il semblerait pourtant que, lors de la prochaine rentrée, seul l'enseignement de l'italien sera possible. Mais nous verrons si les familles souhaitant faire bénéficier leur enfant d'un enseignement de l'anglais auront ou non gain de cause ! Si tel n'était pas le cas, je reviendrais vous interroger sur le même sujet l'année prochaine !

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