Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOC) publiée le 29/04/2011

Question posée en séance publique le 28/04/2011

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-François Voguet applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre de l'intérieur, vous le savez, 200 000 réfugiés libyens ont été accueillis en Tunisie ; ils l'ont été dans des conditions difficiles, mais la Tunisie a fait tout ce qu'elle a pu.

Aujourd'hui, des milliers de Tunisiens viennent en Europe, utilisant des moyens très précaires et souvent au péril de leur vie.

Voici donc ma première question, monsieur le ministre : comment pensez-vous agir concernant ces personnes ? La responsabilité, nous y tenons, mais, comme l'a souligné Bertrand Delanoë, nous tenons aussi beaucoup à la fraternité.

Ma deuxième question est relative à la position de la France à l'égard de ces pays, et je pense en particulier à la Tunisie. Les Tunisiens ont recouvré la liberté à mains nues. Le Gouvernement français l'a reconnu avec un peu de retard, mais les Tunisiens sont maintenant engagés sur ce chemin.

Est-ce que la seule parole qui puisse se donner à entendre dans les médias de France, de Tunisie et du monde, c'est que certains veulent les renvoyer à la mer ? Ce n'est évidemment pas possible, monsieur le ministre, vous le savez bien, car c'est indigne !

Je souhaite également vous interroger sur nos responsabilités européennes. Schengen fut et reste une grande avancée. Mettre fin à ces accords ou même simplement y porter atteinte, ce serait à coup sûr une erreur, car ce serait commencer à défaire l'Europe. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Il a raison !

M. Alain Gournac. C'est faux !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes pour Schengen.

M. Alain Gournac. Nous aussi !

M. Jean-Pierre Sueur. Alors, c'est très bien ainsi !

Monsieur le ministre, quelles initiatives comptez-vous prendre pour conforter l'espace européen, faire en sorte qu'existe une politique d'immigration commune qui soit portée par l'ensemble des États membres ? Comment permettre l'émergence en Europe d'un vaste plan qui soit efficace et dynamique, afin qu'elle vienne en aide à la Tunisie et à tous ces pays qui aspirent au développement ? Œuvrer avec eux pour leur essor économique, c'est contribuer à trouver de véritables solutions aux problèmes qui se posent.

Monsieur le ministre, la voix de la France est très importante. L'attitude de la France l'est tout autant. Nous espérons vivement qu'elle sera faite de responsabilité, mais aussi de fraternité, car nous sommes la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration publiée le 29/04/2011

Réponse apportée en séance publique le 28/04/2011

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le sénateur, comme vous, le Gouvernement se réjouit que la Tunisie accède à une ère nouvelle de son histoire, une ère empreinte de liberté et de démocratie.

C'est la raison pour laquelle la France souhaite aider la Tunisie à amorcer cette vie nouvelle, à définir et conforter son développement économique, le concours de notre pays pouvant revêtir bien des formes. C'est d'ailleurs à ce titre qu'Alain Juppé se trouvait en Tunisie voilà quelques jours.

M. René-Pierre Signé. Et Michèle Alliot-Marie ?

M. Claude Guéant, ministre. Pour autant, nous n'entendons pas subir des vagues de migration qui ne sont justifiées que par des motifs économiques.

Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas le cas !

M. Guy Fischer. Quel langage ! C'est stigmatisant !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Faites attention quand vous parlez de vagues !

M. Claude Guéant, ministre. Il serait paradoxal que nous accueillions des gens qui viennent d'un pays qui s'ouvre à la liberté et qui inaugure une ère où l'oppression n'a plus sa place.

Voilà pourquoi la France refuse que les clandestins entrent sur son territoire. Et je suis surpris que des parlementaires invitent à ne pas respecter les lois de la République. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Guy Fischer. On n'a pas dit cela !

M. Claude Guéant, ministre. J'en viens à Schengen. C'est un espace de libre circulation. Le Gouvernement français y est extrêmement attaché, car cela constitue, avec l'euro, l'une des grandes conquêtes européennes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?

M. Claude Guéant, ministre. C'est précisément pour sauver ces accords que la France, avec l'Italie, prend des initiatives. L'Allemagne travaille en ce sens également, tout comme le Royaume-Uni ; même si ce dernier pays n'est pas membre de l'espace Schengen, il n'en reste pas moins que œuvrons dans la même direction.

Que faire ? D'abord, il nous faut faire en sorte que l'espace Schengen se dote de mécanismes efficaces de protection des frontières. Cela suppose un renforcement des moyens de l'agence Frontex.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut sans doute dresser des murs autour de l'Europe !

M. Claude Guéant, ministre. Cela implique aussi une amélioration de la gouvernance. Qui commande Schengen aujourd'hui ? La réponse à cette question n'a rien d'évident. Le conseil Justice et affaires intérieures doit donc créer une instance spécifique pour gouverner cet espace. Il faut des mécanismes d'évaluation de ce qui se passe véritablement aux frontières extérieures avec les pays d'entrée. Enfin, il convient d'amorcer cette garde des frontières européennes qui est souhaitée depuis tant d'années. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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