Question de M. CARRÈRE Jean-Louis (Landes - SOC) publiée le 04/05/2011

Question posée en séance publique le 03/05/2011

Concerne le thème : La France et l'évolution de la situation politique dans le monde arabe

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre d'État, en préambule, je formulerai une remarque liée à l'actualité.

Nous pensons que la disparition d'Oussama ben Laden va constituer un tournant dans notre tragique histoire contemporaine. Aussi, je demande solennellement au Sénat de mettre à son ordre du jour une réflexion sur la participation de notre pays à la guerre en Afghanistan.

J'en viens à ma question.

Syrie, Libye et Yémen suivent l'exemple de la Tunisie et de l'Égypte. Les peuples du monde arabe se battent jour après jour pour plus de liberté et de justice. Le Maroc et l'Algérie ne resteront pas en marge de ce formidable mouvement d'espoir.

Nous avons soutenu l'intervention militaire en Libye, car elle était juste et légitime. Nous attendons maintenant une solution politique qui, selon nous, tarde à venir et nous fait craindre, monsieur le ministre d'État, des risques d'escalade, voire d'enlisement.

Cette révolte des populations arabes pour la démocratie et la justice a des racines sociales très profondes.

Comment croire, dès lors, que l'on pourrait soutenir avec générosité « ce printemps arabe qui ne doit pas nous faire peur » – je vous cite – si, en France et en Europe, on claque la porte au nez des migrants tunisiens ou libyens qui cherchent un havre où recomposer leurs forces ? Solidaires à Tunis, à Benghazi et au Caire, mais pas à Vintimille ou à Paris….

À l'épouvantail inacceptable que constitue la posture du ministre de l'intérieur, je préfère vos propos : « Sachons jouer tout notre rôle, fidèles à nos valeurs communes de liberté, de générosité et de respect des droits de l'homme et de la femme, pour faire émerger avec le monde arabe un espace de paix, de stabilité et d'échange en Méditerranée. »

Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre d'État : quelle est la politique de la France en ce domaine ?

- page 3250


Réponse du Ministère des affaires étrangères et européennes publiée le 04/05/2011

Réponse apportée en séance publique le 03/05/2011

M. Alain Juppé, ministre d'État. Monsieur le sénateur, je répondrai d'un mot à votre introduction.

Comme vous, je pense que la disparition de ben Laden est porteuse de nombreuses conséquences positives.

Je ne suis pas sûr que le moment soit déjà venu de considérer qu'il faut se retirer d'Afghanistan, car les réseaux terroristes dans ce pays n'ont pas disparu. Prenons le temps de la réflexion avant d'agir.

Dans les différents pays que vous avez cités, il est très important que, tout en gardant la même attitude d'ouverture à l'égard de tous ceux qui se battent pour la liberté et la démocratie, nous adaptions notre politique en fonction des circonstances : la situation du Yémen n'est pas celle de la Libye, et celle du Maroc n'est pas celle de l'Algérie.

Au Yémen, j'espère que la médiation du Conseil de coopération des États arabes du Golfe va aboutir – il s'en est fallu de peu voilà quelques jours. Au Maroc, je reste confiant dans l'initiative prise par le roi, qui constitue une grande ouverture vers une monarchie réellement constitutionnelle.

Votre question porte plus particulièrement sur la question des migrants et des réfugiés.

D'abord, je voudrais rappeler que nous avons fortement aidé au retour des réfugiés égyptiens qui ont quitté la Libye, en organisant un pont aérien et maritime pour leur permettre de revenir dans leur pays comme ils le souhaitaient.

En ce qui concerne les relations que nous avons avec la Tunisie à ce sujet, je peux vous dire que nos partenaires comprennent très bien que le flux d'immigration irrégulière est un fléau, aussi bien pour eux et pour nous que pour les intéressés qui sont victimes d'une véritable traite. Ils ont donc accepté – désormais avec le concours de l'Union européenne, puisque le président Barroso vient de répondre très positivement à la lettre que lui avaient adressée M. Berlusconi et M. Sarkozy – de nous aider à mieux contrôler les frontières et de réadmettre sur leur territoire des personnes qui ne sont pas, par définition, victimes de persécutions politiques et qui ne sont donc pas des réfugiés.

Pour ce qui concerne les réfugiés, nous examinons les situations à la lumière des règles et des traités que nous avons souscrits. Je vous rappellerai simplement qu'il y a en France 50 000 demandeurs d'asile contre 10 000 en Italie, comme nous l'avons fait valoir auprès des autorités italiennes.

Enfin, monsieur le sénateur, vous considérez que les prises de position de M. Guéant sont choquantes. Je ne suis évidemment pas de cet avis. Je vous l'ai dit, nous avons été entendus au niveau de la Commission européenne, comme en témoigne la réponse de M. Barroso.

Je conclurai en répétant brièvement ce que j'ai déjà dit : la vraie solution n'est pas là ; elle est dans la réduction des inégalités entre le Nord et le Sud, c'est-à-dire dans une politique puissante, continue, dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée et au-delà, qui permette à ces pays de se développer et à leurs jeunes de réaliser ce dont ils rêvent, vraisemblablement de rester au pays, dans la liberté et le progrès économique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour la réplique.

M. Jean-Louis Carrère. Je n'ai pas la naïveté de croire que je pourrais vous mettre en contradiction avec tel ou tel ministre du Gouvernement auquel vous appartenez. Néanmoins, je vous le dis avec honnêteté, je préfère votre façon d'exprimer les choses à certaines autres. La France gagnera en rayonnement à faire comme vous et non à utiliser des expressions que je continue de contester et de condamner.

- page 3250

Page mise à jour le