Question de M. MARC François (Finistère - SOC-EELVr) publiée le 19/10/2011

Question posée en séance publique le 18/10/2011

Concerne le thème : Malaise des territoires

M. François Marc. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le malaise des territoires a donné lieu, voilà quelques semaines, à une expression démocratique des élus locaux.

À mon sens, la principale cause de ce malaise est la question des ressources des collectivités territoriales et des financements susceptibles d'être mobilisés pour l'investissement. Chacun le sait, en France, les collectivités territoriales assurent plus de 70 % de l'investissement public. Or il existe aujourd'hui des interrogations quant aux moyens dont elles disposent pour financer cet investissement.

Ces interrogations portent tout d'abord sur les ressources traditionnelles des collectivités territoriales, qui proviennent du budget de l'État : du fait de leur gel, la situation est inquiétante ; elle est d'ailleurs ressentie comme telle... En outre, les réformes mises en œuvre ces dernières années – je pense notamment à la réforme de la taxe professionnelle, mais ce n'est pas la seule – ont amenuisé l'autonomie et la capacité de prélèvement de ressources des collectivités.

S'ajoutent à cela les difficultés liées aux emprunts. Il n'est pas rare d'entendre dire, par certains élus territoriaux, qu'ils n'arrivent plus à trouver de banque pouvant apporter tous les financements nécessaires. De ce fait, certains projets sont à l'arrêt ou du moins retardés.

Enfin, messieurs les ministres, à en juger par ce qui s'est dit ces derniers jours, le Gouvernement a la volonté d'accentuer encore l'effort demandé aux collectivités territoriales, en leur réclamant 200 millions d'euros supplémentaires dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. Cela entraîne, pour les élus locaux, une totale incertitude quant à la capacité qu'ils auront demain de financer des projets d'investissement.

La question du maintien d'un service public de proximité est donc posée. De fait, si le Gouvernement ne prend pas conscience du besoin d'améliorer le financement des collectivités territoriales, je crains que nous n'allions au devant de très lourdes catastrophes, car de nombreux projets publics seront arrêtés, avec les conséquences que l'on sait sur notre économie, et plus encore sur notre service public de proximité.

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Réponse du Ministère chargé des collectivités territoriales publiée le 19/10/2011

Réponse apportée en séance publique le 18/10/2011

M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur François Marc, permettez-moi de vous répondre tout d'abord qu'il revient aux collectivités territoriales, comme à l'État, de participer à l'effort que la nation se doit de fournir pour stabiliser les finances publiques.

Si l'on ôte au budget de l'État les reversements aux collectivités territoriales, il lui reste environ 280 milliards d'euros ; si l'on fait le total de l'ensemble des budgets des collectivités territoriales, on obtient un budget de 220 à 230 milliards d'euros. Ces chiffres montrent que, si le budget de l'État est plus important que celui des collectivités, les ordres de grandeur sont désormais comparables. Il est donc évident que, si l'effort que doit fournir la nation inclut évidemment celui de l'État, qui s'est beaucoup plus endetté que les collectivités territoriales,...

M. Jean-Jacques Mirassou. Oui !

M. Philippe Richert, ministre. ... il nous faut également prendre en compte le budget des collectivités.

Permettez-moi maintenant de vous répondre, monsieur le sénateur, au sujet de la taxe professionnelle. Sa suppression, vous le savez, a été entièrement compensée ; c'est la réalité...

M. Jean-Jacques Mirassou. Mais non !

M. Roland Courteau. C'est faux !

M. Philippe Richert, ministre. ... et personne ne peut dire le contraire.

Avant la réforme de la taxe professionnelle, le bloc communal - communes et intercommunalités - pouvait fixer ses recettes de manière autonome à hauteur de 47 % de son budget ; aujourd'hui, il le peut à hauteur de 41 %. (M. Jean-Jacques Mirassou s'exclame.)

Permettez-moi enfin d'aborder l'importante question des emprunts. Nous le savons, certaines collectivités territoriales n'ont pas obtenu de réponse à leurs demandes de prêt. C'est pourquoi le Premier ministre a demandé à la Caisse des dépôts et consignations de libérer 3 milliards d'euros, sur le modèle de ce qui avait été fait en 2008 : une moitié sera directement versée aux collectivités territoriales, et l'autre sera fournie aux banques afin de permettre les refinancements nécessaires.

J'ai rencontré les dirigeants des banques qui travaillent avec les collectivités territoriales : cette somme correspond aux besoins que nous avons identifiés. La décision du Premier ministre permettra aux collectivités territoriales de continuer à financer 70 % de l'investissement public.

M. Jean-Jacques Mirassou. On ne vous croit pas !

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour la réplique.

M. François Patriat. Monsieur le ministre, je comprends bien votre réponse, mais il n'en reste pas moins que les collectivités territoriales - vous le savez, étant vous-même président de région - se trouvent aujourd'hui dans un état de désarroi et d'inquiétude à cause des difficultés insurmontables auxquelles elles doivent faire face.

Preuve en a été donnée dans les urnes il y a quelques semaines. De fait, les résultats des élections sénatoriales s'expliquent à mon sens par le divorce entre les territoires et le pouvoir, par la colère montante des collectivités qui constatent que la manière dont on leur a présenté les trois réformes ne correspond absolument pas à la réalité...

M. Roland Courteau. On nous a trompés !

M. François Patriat. ... puisque ces réformes ont entraîné une diminution de leurs ressources...

M. Roland Courteau. Tout à fait !

M. François Patriat. ... et de leur autonomie, et n'ont pas dissipé le flou qui entoure leur avenir.

J'en veux pour preuve le fait que le rendement de la part de taxe intérieure sur les produits pétroliers, TIPP, qui a été attribuée aux régions baisse, alors même que cette ressource nous avait été présentée comme dynamique. En outre, les collectivités territoriales ignorent à deux mois de la fin de l'année le montant de la CVAE - cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises - promise. Elles savent bien que la diminution se poursuivra l'année prochaine.

En un mot, après leur avoir fait les poches, après avoir diminué leurs ressources, voici que l'État cloue les collectivités territoriales au pilori comme responsables des difficultés que connaît aujourd'hui notre pays.

M. Roland Courteau. Effectivement. C'est la vérité !

M. François Patriat. À la veille de leur débat d'orientation budgétaire, à la veille donc d'établir leur budget, les collectivités territoriales ne disposent plus des mêmes ressources que par le passé, leur perte n'ayant même pas été intégralement compensée si l'on tient compte de l'inflation. Celle-ci a, par exemple, déjà fait perdre plus de 2 millions d'euros à la région que je préside, et nous ne savons pas de quoi demain sera fait !

Alors même qu'on transfère des compétences supplémentaires aux collectivités territoriales et qu'on leur demande d'assumer davantage de responsabilités, ces collectivités - en particulier les régions - n'ont plus la maîtrise de leur devenir. C'est la raison pour laquelle, vous le comprendrez, nous ne pouvons pas accepter la réponse qui nous est donnée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)

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