Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 17/11/2011

M. Jacques Mézard attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation sur la distorsion de concurrence induite par la différence de statut entre auto-entrepreneurs et artisans.

Le statut d'auto-entrepreneur, créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME), visait à encourager l'entreprenariat individuel. Pour ce faire, il a été instauré au bénéfice des auto-entrepreneurs des allègements de charges fiscales et sociales, une franchise de TVA ainsi qu'une exonération de contribution économique territoriale durant trois années. C'est également dans cette logique dérogatoire au statut des PME que les auto-entrepreneurs ont été dispensés d'inscription au registre des métiers et de déclaration de leur chiffre d'affaires. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a cependant supprimé certaines de ces dérogations, en rendant obligatoire, d'une part, l'inscription des activités exercées au registre à titre principal et, d'autre part, la déclaration du chiffre d'affaires. Enfin, les activités ne produisant aucun chiffre d'affaires durant deux années sont désormais radiées du régime.

Toutefois, nombre d'artisans établis en PME expriment leur grande inquiétude face à ce qu'ils jugent être une concurrence déloyale, grâce à un statut plus avantageux qui autorise des tarifs plus compétitifs. Dans le département du Cantal, près de 1 000 auto-entrepreneurs sont recensés par l'URSSAF, dont 20 % dans le secteur du bâtiment. Depuis le début de l'année 2011, 14 auto-entrepreneurs se sont inscrits au répertoire des métiers contre seulement 10 artisans, accentuant une tendance de fond. De nombreux salariés du secteur du bâtiment quittent leur entreprise pour travailler sous le statut d'auto-entrepreneur en pratiquant le même métier à des tarifs plus bas, concurrençant leur ancienne entreprise. Au vu de ces éléments, il importe donc de recentrer le régime de l'auto-entrepreneur sur une vocation de tremplin vers l'entreprenariat de droit commun. Il apparaît également nécessaire de le limiter dans le temps et d'exclure de son bénéfice les activités artisanales réglementées.

Il lui demande en conséquence quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 14/12/2011

Réponse apportée en séance publique le 13/12/2011

M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur certains effets négatifs de la distorsion de concurrence induite par les statuts respectifs des auto-entrepreneurs et des artisans.

Le statut d'auto-entrepreneur, créé par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, avait pour objectif d'encourager l'entrepreneuriat individuel. Pour ce faire, les auto-entrepreneurs bénéficient de facilités telles que des allégements de charges fiscales et sociales, une franchise de TVA ou une exonération de contribution économique territoriale durant trois ans. Ils étaient, de surcroît, initialement dispensés d'inscription au registre des métiers et de déclaration de chiffre d'affaires.

La récente loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 est revenue en partie sur ces facilités en rendant obligatoire, d'une part, l'inscription des activités exercées à titre principal au registre et, d'autre part, la déclaration du chiffre d'affaires. Enfin, les activités ne produisant aucun chiffre d'affaires durant deux années sont désormais radiées du régime.

Mais ces aménagements - et l'information nous vient de la plupart pour ne pas dire de la quasi-totalité des chambres de métiers et des confédérations de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, les CAPEB - ne suffisent pas aujourd'hui à calmer l'inquiétude des artisans et des PME face à ce qu'ils considèrent en partie comme une concurrence déloyale, rendue possible par un statut plus avantageux rendant possibles des tarifs plus compétitifs, et ce au moment où le plan de rigueur frappe de plein fouet les artisans, par le relèvement à 7 % de la TVA.

Dans le secteur du bâtiment, par exemple, de nombreux salariés quittent leur entreprise pour travailler sous le statut d'auto-entrepreneur et pratiquer ainsi le même métier à des tarifs plus bas, concurrençant directement leur ancienne entreprise. Dans mon département du Cantal, qui compte 149 000 habitants, ce sont près de 1 000 auto-entrepreneurs qui sont recensés par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, l'URSSAF, dont 20 % dans le secteur du bâtiment.

Rien qu'en septembre dernier, quatorze auto-entrepreneurs se sont inscrits au répertoire des métiers contre seulement dix artisans, même si le troisième trimestre a vu une légère décrue de 2,2 % des enregistrements.

Certes, si le régime de l'auto-entrepreneur visait à l'origine à favoriser légitimement le développement économique et la création plus facile d'entreprise, on constate aujourd'hui qu'une partie notable des créations d'entreprise sont réalisées par des salariés qui quittent leur employeur pour travailler dans des conditions plus faciles. Ce n'est pas une bonne solution, monsieur le secrétaire d'État, et je souhaiterais donc connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation, qui ne peut être présent ce matin au Sénat.

Je dirai tout d'abord quelques mots sur le dispositif.

Le régime de l'auto-entrepreneur a été institué par la loi de modernisation de l'économie, la LME, et est entré en vigueur au 1er janvier 2009. Les charges sociales et fiscales sont calculées en pourcentage du chiffre d'affaires et sont réglées au fur et à mesure de sa réalisation. L'auto-entrepreneur déclare mensuellement ou trimestriellement son chiffre d'affaires encaissé, même quand il est nul. Si l'auto-entrepreneur n'encaisse aucun chiffre d'affaires durant la période, il ne paie rien.

Quelles ont été les adaptations de ce dispositif ?

Pour prendre en compte les demandes des artisans, dont vous vous faites l'écho ce matin, le dispositif a été aménagé de plusieurs façons.

Premièrement, les auto-entrepreneurs sont désormais astreints au versement d'une contribution pour leur formation professionnelle : de 0,1 % à 0,3 % selon leur activité.

Deuxièmement, ils doivent nécessairement déclarer leur chiffre d'affaires, même si celui-ci est nul.

Troisièmement, la vérification du respect des conditions de qualification préalables a désormais lieu lors de l'inscription.

Quatrièmement, les auto-entrepreneurs qui exercent une activité artisanale à titre principal doivent être inscrits au répertoire des métiers.

Cinquièmement, enfin, l'auto-entrepreneur perd le bénéfice de ce régime si son chiffre d'affaires est nul pendant une période de vingt-quatre mois.

Pour renforcer la transparence des auto-entrepreneurs, comme celle des autres entrepreneurs, des textes réglementaires relatifs au respect des obligations assurantielles, notamment pour ce qui concerne l'assurance décennale, vont être mis en consultation dans les prochaines semaines. C'était d'ailleurs l'une des recommandations phare du rapport remis par le député Pierre Morel-A-L'Huissier.

Permettez-moi maintenant de dire un mot sur les résultats.

Par sa simplicité, le régime de l'auto-entrepreneur a donné un nouveau souffle entrepreneurial dans notre pays. Au 31 août 2011, l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, dénombrait 738 400 comptes auto-entrepreneurs ; le chiffre d'affaires déclaré par les auto-entrepreneurs s'est élevé à 1 milliard d'euros en 2009, à 3,2 milliards d'euros en 2010, et il est de 2 milliards d'euros environ pour les premier et deuxième semestres de l'année 2011.

Les raisons de ce succès tiennent à la possibilité à la fois de cumuler les sources de revenus et de tester sans risque un projet dans la mesure où, je le répète, l'entreprise n'a rien à payer si son chiffre d'affaires est nul. C'est cela le droit d'entreprendre. Pour le Gouvernement, ce régime a désormais atteint sa maturité.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d'État, un régime peut atteindre sa maturité dans des conditions qui ne sont pas pour autant satisfaisantes ! Je considère, pour ma part, que tel est le cas, au moins en partie.

Certes, nous ne remettons pas en cause ce dispositif, qui présente un certain nombre d'avantages. Toutefois, au vu de ce qui se passe sur le terrain, nous estimons qu'il est aujourd'hui nécessaire de le recentrer de manière qu'il ait vocation à devenir un tremplin vers le régime de droit commun. La bonne solution serait à notre avis de limiter dans le temps le statut d'auto-entrepreneur et d'en exclure les activités artisanales réglementées. En effet, il n'est pas sain de laisser se développer une concurrence déloyale. Or, c'est une telle concurrence que permettent les conditions actuelles d'exercice du statut d'auto-entrepreneur : compte tenu du caractère avantageux de ce statut, des salariés ont en effet la possibilité, après avoir quitté leur employeur, de pratiquer en tant qu'auto-entrepreneur des prix plus compétitifs que ce dernier !

Pour notre part, nous souhaitons que de telles dispositions soient prises.

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