Question de M. BOCKEL Jean-Marie (Haut-Rhin - UCR) publiée le 15/12/2011

M. Jean-Marie Bockel attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la publication et la mise en œuvre de projets de décrets d'application de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

Le premier projet de décret d'application de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance concerne la fixation par le juge de l'exercice du droit de visite dans un espace de rencontre pour le maintien des liens entre parents et enfants. La non-publication de ce décret est préjudiciable notamment pour le financement des espaces de rencontre parents-enfants. En effet, aucune modalité de financement n'a été prévue depuis l'adoption de la loi du 5 mars 2007. Certains espaces de rencontres ont déjà fermé, d'autres ont réduit leur activité ou ont instauré une liste d'attente, ce qui est regrettable pour les enfants et les familles concernées. Un dossier famille représente une mesure ordonnée par un juge aux affaires familiales pour six mois, renouvelable une fois. Les frais de fonctionnement de chaque espace de rencontre devraient être pris en charge par les organismes financeurs, tels que le ministère de la justice, le ministère des solidarités et de la cohésion sociale, les organismes sociaux, les collectivités territoriales, compétents sous forme d'un coût mesure arrêté chaque année. Selon une estimation de la Fédération fançaise des espaces de rencontre, le coût total d'une mesure pour un espace de rencontre parents-enfants est de 1 198 euros. Sur la base de l'adhésion à son code de déontologie, la Fédération regroupe 109 sites répartis sur 62 départements sur les 130 espaces de rencontre qui existent actuellement en France, associations, collectivités territoriales et services publics. En 2008, selon les informations collectées par la FFER auprès de ses adhérents, 76 des lieux étudiés avaient permis que se réalisent plus de 63 000 rencontres concernant près de 12 000 enfants.
Un second décret d'application de la même loi, relatif aux espaces de rencontre destinés au maintien des liens entre un enfant et ses parents ou un tiers, est également en attente de publication au sein du ministère des solidarités et de la cohésion sociale.

Aussi souhaite-t-il connaître les mesures que le Gouvernement envisage d'adopter afin de publier et mettre en œuvre ces décrets d'application, eu égard à la nécessité d'assurer la pérennité des espaces de rencontre parents-enfants.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la jeunesse et de la vie associative publiée le 25/01/2012

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2012

M. Jean-Marie Bockel. Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur un problème lancinant de mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

Le premier projet de décret d'application de cette loi concerne la fixation par le juge de l'exercice du droit de visite dans un espace de rencontre dédié au maintien des liens entre parents et enfants, inscrit aux articles 373-2-1 et 373-2-9 du code civil. Ces lieux permettent notamment aux parents incarcérés de rencontrer leurs enfants.

La non-publication de ce décret est particulièrement préjudiciable au financement de ces espaces, dont les gestionnaires connaissent souvent des difficultés.

En effet, aucune modalité de financement n'ayant été prévue depuis l'adoption de la loi, certains espaces de rencontre ont déjà fermé, quand d'autres ont réduit leur activité ou instauré une liste d'attente, ce qui est vraiment regrettable pour les enfants et les familles concernés. Un dossier famille représente une mesure ordonnée par un juge aux affaires familiales pour six mois, renouvelable une fois ; le cadre juridique est donc très précis.

Les frais de fonctionnement de chaque espace de rencontre devraient être pris en charge conjointement par différents organismes financeurs tels que le ministère de la justice, le ministère des solidarités et de la cohésion sociale, les organismes sociaux et les collectivités territoriales, qui, fort heureusement, sont souvent très impliquées. L'ensemble de ces partenaires sont compétents sous forme d'un « coût mesure » arrêté chaque année.

Sur la base de l'adhésion à son code de déontologie, la Fédération française des espaces de rencontre regroupe 109 des 130 espaces de rencontre existant actuellement en France, répartis sur 62 départements. Elle dispose donc d'une bonne représentativité. En 2008, selon les informations collectées par cette fédération auprès de ses adhérents, 76 des lieux étudiés avaient permis que se réalisent plus de 63 000 rencontres impliquant 12 000 enfants. Ce dispositif, loin d'être marginal, constitue donc un élément essentiel du suivi familial et de la réinsertion future des personnes incarcérées.

Selon une estimation de cette même fédération, le coût total d'une mesure pour un espace de rencontre parents-enfants avoisine les 1 200 euros.

Un second décret d'application de la même loi, relatif aux espaces de rencontre destinés au maintien des liens entre un enfant et ses parents ou un tiers, est également en attente de publication au sein du ministère des solidarités et de la cohésion sociale. Il permettra d'encadrer juridiquement cette activité.

Aussi, je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement envisage d'adopter afin de publier et de mettre en œuvre ces décrets d'application, eu égard à la nécessité d'assurer la pérennité de ces espaces de rencontre parents-enfants, dont je peux témoigner qu'ils jouent, à Mulhouse, un rôle essentiel.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon collègue Michel Mercier, qui ne peut être présent aujourd'hui au Sénat.

Comme vous l'indiquez, monsieur Bockel, la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance reconnaît aux espaces de rencontre une existence juridique. L'article 373-2-9 du code civil a ainsi été complété par un alinéa qui prévoit que le droit de visite, lorsque l'intérêt de l'enfant le commande, peut être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge.

Les espaces de rencontre sont préconisés dans toute situation où une relation enfants-parents - et/ou l'exercice d'un droit de visite - est interrompue, difficile ou trop conflictuelle.

Ces espaces répondent ainsi à certaines situations de divorce ou de séparation conjugale ou familiale. Les juges aux affaires familiales peuvent être prescripteurs de cette mesure au travers d'une ordonnance ou d'un jugement ; les parents peuvent aussi en être à l'origine.

Ces dispositifs répondent également à des situations de prises en charge dans le cadre d'un placement, suivies par le service social ou le juge des enfants.

Si la plupart de ces services ont un statut associatif, d'autres sont gérés par les caisses d'allocations familiales.

Toutefois, comme vous l'avez précisé, monsieur Bockel, la loi doit être complétée par des textes réglementaires permettant de mieux encadrer le dispositif. Un décret relevant du ministère des solidarités et de la cohésion sociale mettra en place l'encadrement administratif de ces structures. Ce premier texte conditionne la prise d'un second décret relevant, cette fois, du ministère de la justice et des libertés, qui fixera les règles procédurales applicables lorsque le juge aux affaires familiales recourt à ces espaces de rencontre. Le bon fonctionnement du dispositif des espaces de rencontre nécessite que les textes soient publiés en même temps, les deux décrets étant complémentaires.

Les services du ministère des solidarités et de la cohésion sociale ont été sensibilisés quant à l'importance d'avancer rapidement. Nous espérons que ces deux décrets pourront être publiés très prochainement.

En ce qui concerne les difficultés de financement des associations qui gèrent les espaces de rencontre, vous savez qu'elles ne résultent pas d'un désengagement du ministère de la justice et des libertés, monsieur le sénateur. Au contraire, ces dernières années, celui-ci a doublé son effort budgétaire en direction des espaces de rencontre, les crédits étant passés de moins de 1 million d'euros en 2003 à plus de 2,4 millions d'euros aujourd'hui.

Tels sont les éléments de réponse que M. le garde des sceaux m'a chargée de vous apporter, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Nous n'avons évidemment aucune divergence sur le fond, madame la secrétaire d'État. Au demeurant, nul ne conteste l'intérêt de ces centres.

Le décalage entre l'augmentation du budget du ministère de la justice et le fait que, sur le terrain, les capacités de financement se réduisent s'explique probablement pour partie par l'augmentation du nombre de lieux de rencontre. Ces espaces connaissent en effet un franc succès.

L'on constate également un désengagement de la part de certains organismes sociaux comme la Caisse d'allocations familiales, la CAF, qui est en train de recentrer ses financements - le même problème se pose d'ailleurs dans le domaine de la petite enfance ou dans d'autres secteurs, dans lesquels les collectivités territoriales sont obligées de prendre le relais.

Les départements, qui sont également confrontés à de sérieuses difficultés financières, notamment avec le versement de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, ont aussi parfois tendance à se désengager ou à stabiliser leurs subventions.

En raison de l'augmentation de la charge, et malgré la stabilité des budgets, certaines associations gestionnaires se trouvent en grande difficulté, dans mon département comme ailleurs. Certaines sont même obligées de supprimer des emplois pour éviter le dépôt de bilan. Quant aux collectivités territoriales, dont les budgets sont très contraints, il leur est souvent impossible d'augmenter massivement leur participation.

Les décrets doivent donc paraître. Vous avez affirmé qu'ils seraient bientôt publiés, madame la secrétaire d'État ; je veux bien en accepter l'augure.

Toutefois, les pouvoirs publics doivent également engager un dialogue avec la Fédération, qui dispose d'une bonne vision d'ensemble, sur la manière dont les différents partenaires, et pas seulement l'État, peuvent concrètement assurer le financement de ces espaces de rencontre.

Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État, et j'espère qu'elle nous permettra d'avancer sur un sujet qui devient de plus en plus sensible. On ne peut indéfiniment régler ce genre de problèmes avec la réserve parlementaire ou d'autres moyens d'urgence.

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