Question de M. ESNOL Philippe (Yvelines - SOC-EELVr) publiée le 29/12/2011

M. Philippe Esnol interpelle M. le ministre chargé des collectivités territoriales sur le profond mépris de la démocratie de proximité avec lequel est conduite, dans les Yvelines, la procédure visant à l'établissement d'un schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI).

Droite et gauche s'accordent pourtant unanimement sur la nécessité de se concerter pour aboutir à une carte rationnalisée de l'intercommunalité en France. Dans les Yvelines comme ailleurs, cette procédure de concertation est un préalable, avant d'aboutir à une modernisation réellement partagée, donc réellement efficace, de la démocratie locale.

Il est par conséquent particulièrement choquant que, jouissant d'une majorité confortable à la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), un camp cherche à imposer ses vues sur un autre pour des motifs de pure politique politicienne. Ainsi, lors de la 4ème séance du 8 décembre 2011 de la CDCI des Yvelines, les élus de gauche se sont vu refuser le vote qu'ils avaient pourtant légitimement demandé, sur une motion visant à prolonger le temps de la concertation de six mois, suite au constat de désaccords persistants. Comment expliquer que le préfet des Yvelines, représentant de l'État et, à ce titre, garant de l'intérêt général, prenne ouvertement parti pour un camp plutôt qu'un autre ? Comment expliquer, aussi, que l'État encourage, par la voie du préfet de région, une préfiguration légitime et sérieuse de l'intercommunalité entre Poissy, Achères et Conflans Sainte-Honorine, tandis que le préfet des Yvelines, de son côté, refuse cette perspective aux habitants de la Confluence ? Comment expliquer, enfin, que l'État accepte de prendre en compte la réalité de nos territoires, dans le cadre de l'opération d'intérêt national (OIN) « Seine Aval » ou avec les élus de la « Confluence Seine-Oise » dans le cadre des projets du Grand Paris, tandis que ces réalités territoriales semblent battues en brèche par la CDCI, au détriment de l'intérêt supérieur des territoires et des populations ?

Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour rappeler au premier représentant de l'État dans les Yvelines son devoir de respecter les élus locaux. Plus important encore, il lui demande instamment de faire des Yvelines un territoire égal en droit à tous les autres territoires de ce pays et de proroger, comme cela se fait partout ailleurs en France, et à la demande du Premier Ministre lui-même, la phase de concertation préalable à l'établissement du SDCI, devant le constat que l'intercommunalité est chose trop sérieuse pour être conduite à marche forcée et à l'encontre des principes et représentants de la démocratie locale elle-même.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation publiée le 08/02/2012

Réponse apportée en séance publique le 07/02/2012

M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol, auteur de la question n° 1548, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.

M. Philippe Esnol. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite alerter M. le ministre chargé des collectivités territoriales, Philippe Richert, auquel s'adressait ma question, sur le profond mépris de la démocratie de proximité avec lequel est conduite, dans les Yvelines, la procédure visant à l'établissement d'un SDCI, un schéma départemental de coopération intercommunale.

Droite et gauche s'accordent pourtant unanimement sur la nécessité de se concerter pour aboutir à une carte rationalisée et partagée de l'intercommunalité en France. Bien que minoritaires, les élus de gauche des Yvelines cherchent un consensus qui permettrait de mettre en conformité la carte intercommunale non pas avec la carte électorale, mais avec les lieux de vie, les sites d'implantation des activités socio-économiques ou bien encore les bassins d'emplois.

Il est par conséquent particulièrement choquant que, lors de la quatrième séance du 8 décembre 2011 de la CDCI, la commission départementale de coopération intercommunale, des Yvelines, les élus de gauche se soient vu refuser le vote qu'ils avaient demandé, visant à prolonger le temps de la concertation de six mois, à la suite du constat de désaccords persistants.

Comment expliquer, monsieur le secrétaire d'État, que le préfet des Yvelines, représentant de l'État et, à ce titre, garant de l'intérêt général, prenne ouvertement parti contre les élus locaux et refuse même le droit de voter une motion lors d'une réunion de la CDCI ?

Je vous informe que, en tant que maire de Conflans-Sainte-Honorine, j'ai engagé avec les maires de Poissy et d'Achères une démarche commune, soutenue à l'époque par l'État, en la personne du sous-préfet de Saint-Germain-en-Laye, et par le président du conseil général, qui n'était pourtant pas de la même sensibilité politique que la mienne.

Cette démarche s'est traduite par la création d'une association de préfiguration de notre intercommunalité, laquelle est fondée sur des critères objectifs de population et dotée d'un bassin de vie de presque 100 000 habitants. Comment expliquer, dans ce cas, que l'État refuse cette perspective aux habitants de la confluence pour des motifs prétendument démographiques, alors même qu'il autorise sur les territoires voisins une intercommunalité d'à peine 20 000 habitants, dénuée de tout projet de territoire, autour de Maisons-Laffitte et Le-Mesnil-le-Roi ?

Pour autant, je me félicite lorsque l'État accepte de prendre en compte la réalité de nos territoires. C'est le cas dans le cadre de l'opération d'intérêt national Seine-Aval ou de l'opération d'aménagement conduite par Ports de Paris à Achères, à laquelle Conflans-Sainte-Honorine participe évidemment. C'est également le cas dans le cadre du Grand Paris, sous la présidence du préfet de la région Île-de-France lui-même, Daniel Canepa, avec les élus de la confluence Seine-Oise, qui sont réunis dans une même association et signataires d'un même contrat de développement territorial avec Poissy, Achères et Conflans-Sainte-Honorine, mais également avec la ville de Maurecourt et les communautés d'agglomération de Cergy-Pontoise et des Deux Rives de Seine.

Mais comment expliquer, une fois encore, que ces réalités territoriales soient battues en brèche par la CDCI, au nom d'intérêts purement politiciens, ce qui est de nature à provoquer un échec inévitable de l'intercommunalité si cette dernière venait à être imposée d'en haut, au détriment de l'intérêt supérieur des territoires et des populations ? Comment expliquer que l'État s'évertue à imposer des villes comme Marly-le-Roi, Louveciennes ou encore L'Étang-la-Ville, qui ne figurent pourtant dans aucun de ces projets structurants, à l'intercommunalité proposée par Poissy, Achères et Conflans-Sainte-Honorine ?

Si vraiment l'argument était démographique - j'ai démontré qu'il ne tenait pas -, l'État demanderait alors à la communauté des Deux Rives de Seine de se joindre à notre projet d'intercommunalité, et non pas à Saint-Germain-en-Laye et à d'autres communes, dont aucune ne se situe sur le même projet de territoire.

Monsieur le secrétaire d'État, entendez-vous enfin rappeler au premier représentant de l'État dans les Yvelines qu'il est de son devoir de respecter les élus locaux ? Plus important encore, allez-vous enfin renoncer à l'intercommunalité « forcée » dans les Yvelines et accepter l'infiniment préférable intercommunalité « choisie » ?

La proposition de loi Pélissard, à l'instar d'ailleurs de la proposition de loi Sueur, que nous avions discutée et votée ici, est soutenue par le Premier Ministre lui-même. Elle prévoit la prorogation de la phase de concertation préalable à l'établissement du SDCI si des désaccords persistent.

Monsieur le secrétaire d'État, l'intercommunalité ne doit pas briser la démocratie locale : elle doit la prolonger et la renforcer. C'est pourquoi il faut éviter les mariages forcés dans les Yvelines qui iraient gravement à l'encontre des principes de la démocratie locale et de la libre administration des collectivités, des intérêts des populations que nous représentons et, au final, de l'idée même que nous nous faisons d'un aménagement équilibré de nos territoires. Sinon, nous serons amenés à divorcer avant même d'avoir été mariés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Philippe Richert, qui suit ce dossier de très près et qui m'a chargé de vous répondre.

Je vous dirai tout d'abord qu'il n'est absolument pas dans l'esprit du Gouvernement, et partant du mien, de chercher à polémiquer avec vous sur ce sujet. J'ai bien entendu le ton que vous avez employé pour poser votre question, aussi vais-je m'attacher à rappeler des faits précis montrant que les choses se sont passées dans un esprit de dialogue et de recherche du consensus, contrairement à ce que vous affirmez.

Avant la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, le département des Yvelines souffrait d'un retard important en termes d'intercommunalités, puisqu'il comptait moins de 53 % de communes regroupées dans un EPCI, établissement public de coopération intercommunale, à fiscalité propre au début de l'année 2011. Un effort d'autant plus significatif a donc été demandé à ce département, ce qui est tout à fait normal.

Tout au long de l'année dernière, vous le savez, un important travail de dialogue et de concertation a été engagé par le préfet des Yvelines avec les élus locaux, l'Union des maires des Yvelines, l'ensemble des parlementaires du département et le président du conseil général pour préparer le projet de schéma départemental de coopération intercommunale.

Le projet qui a été élaboré prévoit une couverture intégrale du territoire par des intercommunalités recouvrant des périmètres adaptés au contexte local et tenant compte des bassins de vie, des projets d'infrastructures et d'aménagement, ainsi que de la solidarité financière entre communes.

Lors de la procédure de consultation prévue par la loi du 16 décembre 2010, le projet de schéma, qui prévoyait 20 intercommunalités, a recueilli une majorité d'avis favorables : 214 communes sur 262, 11 EPCI à fiscalité propre sur 15 ; 182 syndicats sur 207.

Enfin, la commission départementale de coopération intercommunale a adopté, le 8 décembre 2011, un avis favorable sur le projet de SDCI, à l'unanimité des 28 suffrages exprimés, 3 membres n'ayant pas pris part au vote.

Vous évoquez un incident de séance qui s'est produit à cette occasion, le préfet des Yvelines n'ayant pas mis aux voix une motion visant à prolonger le délai de concertation de six mois pour l'adoption du SDCI des Yvelines.

Monsieur le sénateur, vous avez cependant oublié d'indiquer certains éléments de la procédure, que je souhaite vous remettre en mémoire.

Comme il l'avait déjà précisé lors de la séance précédente du 28 novembre, le préfet a rappelé aux membres de la CDCI que la motion n'était qu'indicative et sans force juridique. Il a néanmoins proposé de l'annexer au procès-verbal de la séance. La nouvelle motion du 8 décembre était, en effet, strictement identique à celle présentée seulement 10 jours plus tôt, laquelle avait déjà fait l'objet d'un vote négatif, avec 28 voix contre 19.

Dans ces conditions, le rapporteur et le préfet ont estimé qu'il n'était pas nécessaire de procéder à un nouveau vote sur la même motion et que l'annexion de cette dernière au procès-verbal suffisait. Il s'agissait aussi de faire respecter la décision prise précédemment par la commission de rejeter le principe même d'un report.

Le SDCI a donc été très largement adopté après plus d'un an de dialogue et de concertation permanente avec les élus. Monsieur le sénateur, vous avez le droit de défendre votre position et d'être en désaccord avec la solution retenue, mais vous ne pouvez reprocher au représentant de l'État de ne pas avoir mené un travail de concertation.

S'agissant plus précisément des projets que vous évoquez, et notamment du regroupement entre Poissy, Achères et Conflans-Sainte-Honorine au sein d'une communauté d'agglomération, la proposition, introduite par voie d'amendement, a été rejetée, après discussion, par les deux tiers des membres de la CDCI. Monsieur le sénateur, c'est la démocratie !

Par ailleurs, contrairement à ce que vous prétendez, une cohérence a bien été recherchée entre les projets de rattachement de communes au sein de structures intercommunales dans le cadre du SDCI et les projets initiés notamment dans le cadre du Grand Paris, tels que EOLE, la ligne ferroviaire Paris-Normandie, le port d'Achères, les axes de communication est-ouest que sont la RN 13 et la RD 113, l'axe nord-sud grâce à la tangentielle du réseau ferroviaire.

Le schéma arrêté par le préfet des Yvelines le 8 décembre 2011 répond donc à la nécessaire optimisation de l'action publique et prend en compte la cohérence du territoire et les perspectives d'aménagement.

En tout état de cause, et ainsi que le Premier ministre l'a lui-même rappelé, la démarche de dialogue engagée en 2011 se poursuivra en 2012, à l'occasion de la mise en œuvre du SDCI.

M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol.

M. Philippe Esnol. Monsieur le secrétaire d'État, il m'est difficile de vous répondre alors que vous n'êtes pas chargé de ce dossier et que vous n'avez fait que me transmettre des éléments que M. Richert a bien voulu vous faire dire...

Manifestement, il y a un décalage entre la réponse que vous m'avez apportée et ce que nous avons vécu sur le terrain. Si vous considérez que la discussion a été démocratique et ouverte, permettez-moi de vous dire que vous vous trompez lourdement !

J'observe que vous ne m'avez pas répondu sur la question de l'inégalité de traitement entre les communes. D'un côté, deux communes, Maisons-Laffitte et Le-Mesnil-le-Roi, ont été autorisées à se regrouper en intercommunalité, alors qu'elles ne représentent, à elles deux, que 25 000 habitants et qu'elles n'ont aucun projet de territoire. De l'autre côté, trois communes, situées quelques kilomètres plus loin et représentant 100 000 habitants, en ont été empêchées, alors même qu'elles avaient un véritable projet de territoire, validé à l'époque par le président UMP du conseil général et par le sous-préfet de Saint-Germain-en-Laye.

Vous ne m'avez pas répondu non plus sur l'incohérence de l'État. Je rappelle qu'on nous demande de travailler dans le cadre de l'opération d'intérêt national et dans celui du contrat de développement territorial, sous la présidence du préfet de région, alors même que les communes avec lesquelles on voudrait nous forcer à édifier l'intercommunalité n'en sont pas membres !

Puisqu'il en est ainsi, je peux vous assurer, monsieur le secrétaire d'État, que le mariage ne se fera jamais, car aucun élu des communes concernées n'ira siéger à quelque instance que ce soit. Nous irons devant le tribunal administratif, devant le Conseil d'État et nous gagnerons !

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