Question de Mme PRINTZ Gisèle (Moselle - SOC-EELVr) publiée le 12/01/2012

Mme Gisèle Printz attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur le projet d'arrêté relatif au 5ème programme directive « nitrates », qui entraînera de fortes modifications dans les pratiques agricoles et dont certaines conséquences n'ont pas été suffisamment prises en compte pour une région comme la Lorraine.
En effet, parmi les mesures à mettre en œuvre, les agriculteurs lorrains soulignent notamment l'impact de la modification du calendrier d'interdiction d'épandage des fumiers qui, s'il était adopté en l'état, pourrait s'apparenter à une catastrophe économique pour les éleveurs laitiers chefs d'exploitations de polyculture élevage, alors même que son impact environnemental sera très relatif.
En termes techniques, la modification du calendrier va interdire les épandages à la veille des labours d'hiver et se traduire par une concentration massive des épandages sur la période estivale. En termes économiques, elle va nécessiter d'augmenter les capacités de stockage de fumier de deux mois supplémentaires pour la Lorraine qui doit déjà gérer environ quatre mois de capacités.
Elle souligne qu'en outre, introduire des périodes d'interdiction d'épandage de fumier sur les prairies est contraire à toutes les mesures de pertes en nitrates. Le maintien des interdictions proposées entraînerait donc de fait un important surcoût d'investissement et une remise en cause de l'économie de l'exploitation sans justification environnementale.
C'est pourquoi, devant cette perspective inquiétante, elle lui demande s'il entend reconsidérer son projet de modification du calendrier en tenant compte des réalités de terrain (sols, climats, systèmes de production) et de leur impact économique et environnemental qui ne saurait être identique d'une région à l'autre.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire publiée le 23/02/2012

Les États membres de l'Union européenne se sont engagés au titre de la directive 91/676/CEE dite directive « nitrates » à établir des programmes d'actions afin de « réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles » et de « prévenir toute nouvelle pollution de ce type ». Les zones où s'appliquent ces programmes d'actions sont appelées « zones vulnérables ». La directive fixe dans ses annexes II et III les mesures qui doivent être incluses dans les programmes d'actions. Ces règles concernent notamment le stockage des effluents d'élevage, les calendriers d'interdiction d'épandage des fertilisants azotés, les conditions d'épandage des fertilisants azotés afin de respecter l'équilibre de la fertilisation, la limitation de l'épandage des effluents d'origine animale à 170 kg d'azote par an par hectare et par exploitation, ainsi que la limitation de l'épandage à proximité des eaux de surface, sur sols en forte pente, enneigés, détrempés ou gelés. La subsidiarité laissée à chaque État membre dans la mise en œuvre de la directive nitrates permet d'en adapter les dispositions en fonction des enjeux et des contextes propres à chaque territoire tant d'un point de vue agronomique que pédo-climatique ou encore environnemental. Ce principe de subsidiarité trouve ses limites dans la nécessaire harmonisation à l'échelle européenne des obligations imposées aux exploitants agricoles afin de prévenir les distorsions de concurrence au sein de l'Union européenne. Le 20 novembre 2009, la Commission européenne a adressé aux autorités françaises une mise en demeure relative à une éventuelle mauvaise application de la directive « nitrates », mise en demeure qui a évolué le 27 octobre 2011 en avis motivé. La Commission européenne critique le contenu technique des mesures mettant en œuvre la directive nitrates en France ainsi que la façon dont ces mesures sont déclinées dans les départements comportant des zones vulnérables. Afin de répondre à ces griefs, les ministères en charge de l'écologie et de l'agriculture ont prévu une refonte d'une part de l'architecture générale des programmes d'actions et d'autre part du contenu des mesures. Ces évolutions sont nécessaires afin de se mettre en conformité avec la directive européenne. Ces projets d'évolutions réglementaires sont issus d'une longue phase de concertation technique et institutionnelle débutée en mai 2010. Ils s'attachent à une transposition stricte de la directive, sans aller au-delà des obligations qu'elle définit, de manière adaptée aux contextes agricoles et pédo-climatiques français et cohérente avec les réglementations nitrates mises en place chez nos principaux partenaires européens. Trois textes ont ainsi d'ores et déjà été publiés : le décret du 10 octobre 2011 créant un programme d'actions national et des programmes d'actions régionaux, l'arrêté du 19 décembre 2011 relatif au programme d'actions national et l'arrêté du 20 décembre 2011 relatif à la composition des groupes régionaux d'expertise « nitrates ». À partir du 1er septembre 2012, début de la prochaine campagne, la réglementation relative aux nitrates évoluera ainsi sur les points suivants. S'agissant des périodes d'interdiction d'épandage des fertilisants azotés, celles-ci seront étendues, en cohérence avec les interdictions pratiquées dans les États membres limitrophes, tout en maintenant quelques adaptations nécessaires aux spécificités agricoles, agro-industrielles et pédo-climatiques françaises strictement encadrées pour garantir un haut niveau de protection de l'environnement. S'agissant des modalités de dimensionnement et de contrôle des capacités de stockage des effluents d'élevage, celles-ci seront clarifiées et renforcées en consolidant d'un point de vue réglementaire la méthode utilisée en France « Diagnostic environnemental de l'exploitation d'élevage » (DEXEL) dont les programmes de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) ont prouvé la pertinence technique et l'efficacité d'un point de vue environnemental liée à l'adéquation fine entre capacités de stockage, production d'effluents par l'exploitation, surfaces disponibles pour l'épandage et calendriers d'interdiction. Lorsque les nouvelles périodes d'interdiction d'épandage impliquent une modification des capacités de stockage, l'arrêté portant programme d'actions national prévoit que les capacités résultant d'un dossier PMPOA, calculé avec la méthode DEXEL, restent valides tant que les effectifs de l'exploitation n'ont pas augmenté de plus de 10 %. S'agissant des quantités d'azote émises par les vaches laitières, ces normes seront relevées en moyenne de 20 % ; pour les élevages les plus herbagers reconnus pour leur haute performance environnementale, un dispositif transitoire est mis en place dans l'attente d'une dérogation au plafond de 170 kg d'azote issu des effluents d'élevage pouvant être épandu par an et par exploitation. Cette dérogation, prévue par la directive pour tenir compte des capacités exportatrices en azote élevées des prairies, sera demandée à la Commission européenne. D'autre part, des études sont en cours pour évaluer si les quantités d'azote émises par les autres espèces doivent être actualisées ou non. Par ailleurs, des groupes régionaux d'expertise « nitrates » préciseront la déclinaison opérationnelle des conditions de l'équilibre entre l'apport d'azote et les besoins des cultures pour chaque parcelle. Le respect de cet équilibre est une des obligations du plan d'action. Les travaux en cours sur le cadre réglementaire d'application de la directive « nitrates » s'effectuent dans un contexte de fortes contraintes, de fond et de calendrier, liées notamment au contentieux en cours. Les ministères chargés de l'agriculture et de l'environnement n'en restent pas moins particulièrement attentifs à la concertation avec tous les acteurs concernés et à la pertinence technique et juridique de l'ensemble des dispositions réglementaires.

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